REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (Partie F2)

Marie-Christine Combourieu – Mémoire de DEA – Année 1985

PSYCHOLOGIE SOCIALE

E.H.E.S.S

Sous la direction de Mme Denise Jodelet

(Retour au début)

Samedi 23 Février 1985

MCC - Vous êtes praticien, clinicien. Exercez- vous à titre d'analyste, de psychiatre, les deux ? Pouvez- vous rappeler à quelle formation vous appartenez ?

-         J'exerce seulement en tant que psychanalyste et j'appartiens à l'Ecole Jungienne de Psychanalyse, qui est la branche française de l'Association Internationale de Psychanalyse . Elle a été fondée par Jung à Zurich, au moment de sa séparation d'avec Freud . Donc, ça date de 1912, et la branche française date de 1968- 1969.

Vous pouvez aider le site en cliquant sur une des quatre annonces suivantes :



MCC - Au cours de votre pratique, ou en dehors, avez- vous été sensibilisé à des phénomènes dits paranormaux ?

-         Oui, bien sûr.

MCC - Dans quelles circonstances ?

- Dans beaucoup de circonstances . Déjà, en ce qui concerne mon analyse personnelle, et même avant : « Des coïncidences dotées de sens », comme le dit Jung . Et ensuite, au cours de mon analyse.

Ce sont des choses qui se passent fréquemment, cela . Par exemple, un rêve apporte telle ou telle image inattendue et, dans la réalité extérieure de la vie, on rencontre la même image . Ce sont des choses qui se produisent très souvent. Puis je relater ces faits ? Il y en a un certain nombre que je ne peux pas relater car ils mettent en cause certaines personnes.


Je peux vous en citer quelques uns qui me sont arrivés :

Dans l'ordre du fantasme, par exemple ; le problème qui se débattait un jour, dans l'analyse, c'était le problème du couple : Un jour, en sortant du métro, dans un endroit bien précis de Paris - la place de la Bastille- je marchais de façon distraite occupé par un fantasme dont, sur le moment, je ne me suis pas rendu compte . Je notais que je venais d'être habité par un fantasme au moment où j'entendis des pas derrière moi qui cherchaient à me rattraper . Je me suis alors brusquement souvenu d'un fantasme qui venait de se dérouler.

J'étais accosté par un homme qui me demandait quel était le nom du monument que l'on voyait en face, sur le trottoir opposé. Ce monument étant la caserne des Gardes Républicains qui, comme vous le savez, présente une construction bien particulière, avec une base et des murs faits d'énormes moellons qui débordent abondamment. C'est rare de voir, dans Paris, d'énormes moellons peut- être d'un mètre de long de 40 à 50 cms de haut et dont les joints sont très, très rentrés, au point qu'on pourrait s'agripper pour grimper . Il y a quatre ou cinq rangées de ces moellons et ensuite un mur ordinaire.

J'avais probablement été frappé en regardant cela, et un fantasme s'était déroulé : Quelqu'un venait me demander quel était ce bâtiment et pourquoi il était ainsi construit .


Au moment où les pas ont retenti derrière moi, je me suis souvenu de ce fantasme et effectivement quelqu'un m'a dépassé. Un couple de jeunes, un jeune homme et une jeune fille, qui m'ont demandé : « Pouvez- vous nous dire où se trouve la Caserne des Gardes Républicains ? ». Je leur ai répondu : « Eh! bien, c'est là ! »

Voilà un type de "coïncidence significative » Il y avait une activation, là.

J'ai cherché à parler quelques secondes avec eux mais ils n'avaient visiblement pas envie de discuter avec moi . Je voulais savoir ce qui tournait autour de cet épisode . C'étaient de jeunes fiancés venus de Province et qui visitaient Paris. Ils "débarquaient" ; de la même façon que "débarquait" en moi, à ce moment là, le problème du couple dans mon analyse.

C'est un premier type d'évènement tout à fait caractéristique de ces phénomènes paranormaux. Un autre épisode m'est arrivé, une fois : J'étais allé, à la demande de mon fils, le conduire à quelques kilomètres dans un endroit du Sud de la France ; parce qu'il voulait camper pendant trois jours, seul, sac à dos, sous la tente. Je l'avais conduit à un endroit bien particulier, derrière, dans les montagnes où nous étions ; et nous nous étions donnés rendez-vous trois jours plus tard, dans un endroit bien précis, afin que je le reprenne en voiture, lui évitant ainsi de faire 30 kms à pied pour revenir.

Les lieux sont disposés d'une manière particulière, en ce sens qu'il y a deux vallées parallèles ; et, lorsqu'on s'engage sur la route pour aller au point de notre rendez- vous, si par malheur on se trompe, on est obligé d'aller faire le tour à l'autre bout de la valIée, à une quinzaine de kms plus loin . Les petites routes zigzaguent très fortement.


A la date prévue, je suis donc parti pour le rechercher et je me suis trompé de route ( j'étais encore pris dans un fantasme, probablement ... ) J'ai pris la mauvaise vallée. Je m'en suis rendu compte au bout de quatre ou cinq kms ; restaient une dizaine de kms pour sortir de la vallée. J'ai hésité à faire demi- tour. « J'ai aussi vite fait de faire rapidement, d'accélérer, puis de revenir de l'autre côté, me dis- je. Tant pis ! je prends le risque d’être légèrement en retard ... J'ai accéléré, je prenais les virages en faisant crisser les pneus sur une petite route bien chaude, l’été, sur une montagne assez à pic à ma gauche et à ma droite . J'avais peu le temps, naturellement, de regarder le paysage.

A un moment donné, j'aperçois au pied d'un chêne vert dans la garrigue, à 50 m de la route, un tas de chiffon bizarres, crasseux, verdâtres, qui attire mon attention entre deux virages, comme ça, d'un clin d’œil. Au moment où je le regardai, je vis ce tas de chiffons s'étirer, et mon fils me faire signe : « Bonjour ! » Il me demanda : « Qu'est- ce que tu fais là ? » Je lui retournai la question : « Et toi, que fais- tu là aussi ? ». Naturellement, je lui dis que je m'étais trompé de route. Lui, il m'a répondu : « Oh ! Eh! bien, je suis venu là, comme ça ! On s'arrangerait, on verrait bien ... » . Autre phénomène "paranormal".

J'en aurais bien d'autres à vous raconter ! Par exemple le phénomène classique - au point que cela ne vaut presque pas la peine de le noter :

Un patient arrive, un jour, il me raconte un rêve a propos d'un oiseau.


Un deuxième patient arrive, il raconte aussi un rêve où il est question d'un oiseau. Puis un troisième, qui parle aussi d'un oiseau ! Habituellement, aucune de ces personnes ne parle d'oiseau ... Pourquoi en parlent- ils précisément à ce moment là ? Cela, ce genre d'exemple, se produit fréquemment.

MCC - Quelle en est la raison ?

-         Apparemment, il n'y a pas de raison détectable. Pourquoi ? Dans l'histoire de la Caserne des Gardes Républicains, il y avait une "raison" : En moi était activé l'archétype du couple . Mon fils ? Il s'était probablement produit une télépathie entre nous deux . Les rêves ? Il y a vraisemblablement une raison, mais qui n'apparaît pas toujours . On ne la détecte pas forcément.

MCC - Même plusieurs jours après ?

Je me suis mis à y penser, du coup ! Mais quelquefois, oui, quelquefois, non... C'est difficile à dire ! Car les phénomènes de synchronicité, parfois ont un sens bien particulier. Parfois, ils sont trompeurs et ce sont des coïncidences gratuites . Comme des feuilles d'arbres qui sont là, sans plus . On ne voit pas plus loin, en tout cas ...

Un autre évènement s'est produit, une fois : J'avais un patient très anxieux, dans une situation très difficile, financièrement et autres ...


Je me souviens l'avoir quitté un jour, juste avant mon départ en vacances : Il avait raconté un rêve en apparence tout à fait banal, anodin , mais qui montrait des idées suicidaires chez lui. Je lui ai dit, à la fin de la séance : "Faites attention quand même ! Vous me semblez dans une situation difficile, soyez prudent ! Je sais que vous conduisez vite, que vous êtes toujours pressé , vous prenez des risques. Et là, dans ce rêve, vous prenez trop de risques!.. » Chose que je fais rarement.

Il m'a répondu : « Oui, oui, ne vous inquiétez pas, j'ai de bons réflexes etc... » Or, j'ai appris à mon retour de vacances qu'il s’était fait tuer dans un accident de voiture par quelqu'un qui avait grillé un stop et l'avait retourné . Au moment où je lui avais fait cette remarque, j'avais senti quelque chose : Pourquoi l'avais- je senti ? Mais c'était particulier. Et ça ne m'a pas étonné de savoir qu'il était décédé dans un accident ...

Peut- on parler d'intuition ? De phénomène paranormal ? C'est à la limite entre les deux, certainement.

Encore un exemple, si vous voulez . C'était pendant la guerre, lors des bombardements allemands . J'étais tout jeune . Mon père dirigeait une usine du Gaz de France à Noisy le Sec . Un après- midi, il y eut un bombardement sur Paris. On ne savait pas sur quoi elles tombaient, mais on entendait des bombes ! On se pose toujours des questions.


Retentit le téléphone. A ce moment là - intuition ? Ou je ne sais quoi - je décroche et je dis Oui, bonjour M. BINAN". Mon père me reprend : "Ne réponds pas comme cela, tu n'as pas encore entendu parler à l'autre bout du fil!" Mais j'étais persuadé que c'était M. BINAN, alors Directeur de l'Usine et sur place. Je lui dis : « Oui, l'usine est intacte, n'est- ce- pas ? ». Il me répondit : «  Quoi! quoi! quoi ! » Il était ahuri . Mon père était furieux ...

« On ne fait pas des choses comme cela ! On ne se fiche pas des gens, passe- moi le téléhone ! » : Je lui dis : « l'usine est intacte ».

Effectivement, je lui passai le téléphone : M. BINAN l'appelait pour lui dire que l'usine était intacte.

Pourquoi ai- je eu cette intuition ? C'était "dans l'air", probablement, la préoccupation de voir l'usine détruite à ce moment là.

Maintenant, l'autre type de phénomène paranormal qui se produit très souvent, c'est quand on tire le Yi King. Il est fréquent que, dans une situation compliquée, on le tire et celui- ci répond d'une façon sensée.

MCC - Tirez- vous aussi les tarots ?

-         Je n'en ai pas la pratique . Mais je pense que c'est, dans une certaine mesure, la même chose , du moins pour la personne qui en détient bien la pratique.

Maintenant, voici dans la Correspondance de Jung, (Tome 2, p.537- 538) une lettre destinée à M. CORNEL . Je suis en train de préparer un cours sur l'archétype, justement. Je vais vous lire un extrait qui répond probablement à plusieurs questions que vous vous posez. Il écrit en 1960, à M. CORNEL :


« Dans la pratique nous observons les traces des archétypes principalement dans les rêves, où ils deviennent perceptibles comme formes psychiques. Mais ce n'est pas leur seul moyen d'accès à la perception. Ils peuvent aussi bien apparaître d'une manière objective et concrète comme des faits physiques. En ce cas, on n'observe pas une perception endo- psychique : Fantasme, intuition , vision, hallucination… mais un objet réel de l'environnement qui se comporte comme s'il était motivé ou évoqué "par" ou bien comme s'il exprimait une pensée correspondant à l'archétype. Prenons, par exemple, mon histoire du scarabée (il parlait avec une de ses patientes dont l'analyse stagnait, de son rêve de scarabée). A ce moment là, juste au moment où ma patiente me racontait son rêve, un vrai scarabée est apparu à la fenêtre, comme si celui- ci avait compris qu'il devait jouer son rôle mythique de symbole de renaissance . Même des objets inanimés peuvent se comporter de cette manière : des phénomènes météorologiques, par exemple ... »

La foudre qui tombe lors d'une discussion entre deux personnes, c'est classique ! Moi, j'en ai fait l'expérience plusieurs fois. Quand la situation est tendue, ça tombe ( pas loin, en tout cas) Jung continue :.. : « Comme je suppose que nos instincts, c'est- à- dire les archétypes, sont des faits biologiques et non des opinions arbitraires, je ne pense pas que les phénomènes synchronistiques ou « psi » soient dus à des facultés supranormales, supra- psychiques. Mais plutôt qu'ils se produisent forcément dans certaines conditions, si on tient l'espace, le temps et la causalité pour des vérités statistiques et non axiomatiques. Ils surgissent spontanément et non pas parce que nous possédons une quelconque faculté pour les recevoir. C'est pourquoi je n'ai pas besoin de penser en fonction des concepts comme « télépathie » et « psychocinèse ». De même l'archétype n'est pas évoqué par un acte de volonté consciente. L'expérience nous a montré qu'il est activé indépendamment de la volonté, lors d’une situation psychique nécessitant une compensation archétypique. On pourrait même parler d'intervention spontanée de l'archétype. Le langage religieux appelle ces évènements "la volonté divine" : Ce qui est essentiellement correct dans la mesure où cela fait allusion au comportement particulier de l'archétype, sa spontanéité et son rapport effectif à la situation donnée. La situation peut impliquer une maladie ou un danger de mort, par exemple (voir mon patient qui a eu un accident de voiture). La conscience ressent cette situation comme étant bouleversante car elle n'a aucun moyen efficace pour le résoudre. Devant une telle impasse, même ceux qui se vantent de n'avoir aucune croyance religieuse particulière éprouvent un besoin, inspiré par la crainte, de formuler une prière fervente. L'archétype d'un sauveur divin est ainsi constellé par leur soumission et peut éventuellement intervenir d'un apport de force inattendu ou d'une impulsion de la providence, imprévue, qui produit au dernier instant un retournement de la situation menaçante ; et ceci est considéré comme relevant du miracle »…

Bon. La suite s'écarte plus. Il continue, plus loin : «... Je pense, donc, qu'il serait plus avantageux de considérer les phénomènes "psi" en premier lieu comme des faits "sua sponte", non pas comme des perceptions supranormales. L'incertitude de leur relation au temps et à l'espace dépend moins de la supranormalité d'une perception que de la relativité des validités partielles des catégories de temps et d’espace … »  ( C'est un texte fondamental ).

. . . « La plupart des cas de perception « psi » est due à la présence d'un archétype constellé, qui produit un « abaissement du niveau mental ... »

(Il met entre guillemets "abaissement du niveau mental". C'est un terme qu'il a repris et qu'il cite assez souvent, par lequel il veut dire que, pourqu'un contenu de l'Inconscient puisse pénétrer dans la conscience, il faut que le seuil en soit abaissé, que l'énergie potentielle du conscient soit diminuée. A ce moment là, l'énergie de l'Inconscient peut franchir )... "Cette condition permet au contenu inconscient de se manifester, c'est- à- dire d'être perçu par nos organes sensoriels normaux. Aussi, par exemple, la psychocinèse ou les expulsions d'ectoplasme sont des faits objectifs et non des intuitions ou des hallucinations. Le médium produisant ces effets est dans un état extrêmement passif - en transe - ce qui démontre qu'un abaissenent, l'élimination de l'activité psychique contrôlée par la conscience est nécessaire pour donner croyance aux phénomènes spontanés de se produire. D’où la croyance universelle en des "agents spirituels"

(entre guillemets "agents spirituels") à l'oeuvre, des agents qui ne coïncident pas avec la psyché consciente. Ces phénomènes peuvent être de nature purement psychique aussi bien que matérielle. Ce qui indiquerait que psyché et matière ne sont pas fondalementalement incommensurables et que ce sont peut être des qualités d'un seul et même

existentiel… »


Voilà un texte qui m'a paru intéressant, en fonction de vos questions. C'est toujours la lettre de M. CORNEL, dans le tome 2 de sa Correspondance, donc, page 540. C'est une lettre qui date du 9 février 1960. Il y en a d'autres, d'ailleurs, dans lesquelles il aborde ces phénomènes.

Bon...

MCC - Pouvez- vous préciser ce qui vous a amené à penser qu'il s'agissait de phénomènes dits paranormaux ?

-         Là, je dirai que ... Ca n'entrait pas, à aucun moment, dans une lignée causale qui soit déterminable d'une façon certaine, d'une part, et d'autre part, ça s'accompagnait à chaque fois d'un type d'émotion, d'affects bien particuliers. Je dirai qu'il faut les deux éléments pour que l'on puisse - à mon avis- parler de ppénomène paranormal. Le fait qu'on ne puisse pas le faire entrer dans une lignée causale peut simplement vouloir dire que nous sommes parfaitement ignorants des tenant et aboutissant du phénomène ...

Mais ce fait est lié à une émotion particulière ressentie, n'est- ce pas ? Par exemple, comme lorsque je dis à mon patient : "Attention, vous êtes en danger !" Il y avait quelque chose, là, qui m'a vraiment "tordu les tripes" et j'ai dû lui dire.

Il y avait une cause à mon fatasme, certainement. Mais apparemment pas pour que, me représentant dans le fantasme ou me voyant me représenter dans le fantasme, quelqu'un me pose une question (dans l'exemple du couple).


Pour qu'il y ait, justement au même moment, une personne qui m'ait posé la question sur ce fait particulier . Car, en même temps dans la rue, sur le Boulevard Henri IV, à ce moment là, se passaient vingt autres choses : Un taxi passait, des gens me croisaient, des boutiques étaient là ... Il y avait des quantités d'autres questions à me poser. Or, c'est justement celle- là qu'ils m'ont posée.

C'est là où il y a vraiment quelque chose, statistiquement.

C'est la seule chose qu'on peut dire, parce que la causalité est un évènement statistique. Statistiquement, il y avait vraiment peu de chances pour qu'on me pose cette question là . De même que, statistiquement, il y avait très peu de chances pour que mon fils soit juste précisément dans ce virage là : que j’aie les yeux dans ce virage là que je lève les yeux dans ce virage là, parce que c'étaient de petits virages très serrés et je regardais plutôt la route. Une voiture pouvait déboucher car il n'y avait pas forcément la place de se croiser. Il y avait très peu de chances, statistiquement, pour qu'on se trouve tous les deux et qu'on se retrouve au même endroit. Vraiment, là, ces phénomènes sont statistiquement peu explicables. Ce sont des "coïncidences" mais difficilement explicables causalement.

MCC - Que pensez- vous des écrits et de la position de Freud à ce sujet?

- Je ne l'ai pas tellement relu ... Je crois qu'il était très ambigu. Vis à vis de Jung, il a ... Je dirai, il a insisté auprès de Jung pour que celui- ci ne s'intéresse pas trop aux phénomènes paranormaux, à l'occulte . Par contre, de son côté, il s'est posé beaucoup de questions sur l'occulte. Mais c'était quelque chose qu'il ne parvenait pas à faire entrer dans sa théorie. C'est tout


ce que je peux en dire ... Je suis relativement ignorant, n'ayant pas relu ses écrits.

Je pense qu'il voulait, effectivement, protéger la psychanalyse naissante et faire un corpus doctrinaire qui tienne devant toutes les attaques dont il, dont elle, étaient l'objet ; qu'il n'a pas voulu se laisser entrainer dans des choses trop aléatoires. C’est une réaction assez compréhensible, d'ailleurs. Pourtant, d'un autre côté, qu'il ait été intéressé, intrigué, c'est très possible . Qu'il n'ait pas voulu le montrer, c'est possible aussi.

Jung, à un moment donné, a été le dauphin de Freud puisqu'il avait été chargé par lui de prendre sa succession.

Mais on ne peut pas penser ce problème uniquement par rapport à cette période là. Parce que je dirai : La "cohabitation" de Jung et de Freud a été tout de même un moment très bref. Elle a duré quelques années . Les premiers échanges datent de 1906. La rupture, de 1909. La rupture définitive de 1912, au moment de la publication des Métamorphoses et symboles de la libido. Par conséquent, on ne peut pas réduire le problème de la relation à ce moment là . Ce serait exagérer, d'un côté comme de l'autre. Ça ne représente pas la position complète des deux hommes (au moins pour ce qui est de Freud). Pour ce qui est de Jung, sa position a été très cohérente d'un bout à l'autre de sa vie. Puisqu'il a commencé sa thèse de médecine sur les phénomènes paranormaux, en disant qu'il y avait une explication psychologique à cela ; qu'il était possible qu'il y ait une autre publication ... Mais que rien ne permettait ni de prouver ni d'affirmer cette autre publication.


Il y a encore un autre texte qu'il faudrait que je vous lise, là- dessus. Si je le retrouve ... Voilà : je vais vous en lire quelques lignes, tout de même : Il écrit, en 1952 à M. Smythys, à propos d'expériences sur la perception extrasensorielle (le 29 Février 1952), p. 46 du Tome 2 de sa Correspondance)

« ... Dans les expériences sur la perception extrasensorielle, on peut parler de miracle : Tout se passe comme si le caractère collectif des archétypes pouvait aussi se manifester dans des coïncidences significatives. C'est comme si l'archétype ou l'Inconscient collectif était aussi bien à l'intérieur de l'individu qu'à l'extérieur. C'est- à- dire dans son environnement. Comme si le transmetteur et le récepteur partageaient le même espace psychique ou le même temps, dans le cas de prémonitions. De même que dans le monde psychique il n'y a pas de corps évoluant dans un espace, il n'y a pas de temps. Le monde endo- psychique est éternel, il est en dehors du temps. Il est pourtant partout, puisqu'il n'y a pas d'espace dans les conditions psychiques ou archétypiques. Là où un archétype s’impose, on peut s'attendre à des phénomènes de synchronicité ; il est "des correspondances a- causales qui se reconnaissent par l'ordonnance parallèle des faits dans le temps ... » Bon. Il y a un autre passage ... Si je le retrouve, je vous passerai un coup de fil.

Où en étions- nous ? Oui, la position de Freud Je ne vous en ai pas dit beaucoup ... Freud s'est "emballé" pour Jung, parce que Jung lui a apporté, au moment où il a entamé sa relation avec lui, je dirais "un appui logistique" extrêmement puissant, étant donné qu'il était, lui, déjà médecin, travaillant avec Bleuler ; qu'il


avait autour de lui un petit groupe enthousiaste pour la psychanalyse. Au moment où Freud se voyait attaqué par les détracteurs, aussi bien en Europe qu'en Amérique, avoir l'appui de quelqu'un était quelque chose de tout à fait important pour lui. Par conséquent, l'alliance avec Jung a été une alliance stratégique, tactique, à ce moment là. Très importante pour Freud ! Il faut ajouter à cela que, dès les premiers contacts entre Freud et Jung, Jung avait émis des réserves sur certains aspects de la théorie freudienne, notamment sur sa théorie de la pansexualité en tant que "libido sexualis". Jung a conservé cette position jusqu'à la fin de ses relations.

Il y a eu donc une alliance stratégique. Jung, lui, de son côté, comme il le disait lui- même, avait besoin d'une « image paternée ». Il a fait une partie de son analyse avec Freud, tout à fait naturellement ; puis il a quitté ce transfert tout à fait naturellement aussi. Il s'est alors trouvé seul, à ce moment là. C'était favorable à son évolution.

Il faut penser qu'au moment où Freud a lancé la psychanalyse (pour y revenir ... ) il a été très mal accueilli. Il ne faut pas oublier que Jung, à ce moment- là, sur le conseil de Bleuler, d'ailleurs, avait lancé ses expériences d'associations ou avait repris des expériences d'associations qui avaient été commencées par Clérambault. Et que grâce à çà, il a pu donner un fondement, je dirais empirique et chiffré, à la théorie des complexes qu'il a élaborée, qui venait parfaitement confirmer les dires de Freud sur le refoulement, notamment, et les symptômes hystériques. Par conséquent, ça a été quelque chose de fondamental pour Freud, de voir ses théories confirmées par des

chiffres. C'était très important. Et des chiffres qui passaient par Bleuler !


D'ailleurs, de façon très symptomatique, dans le vocabulaire (1) de Laplanche et Pontalis, la seule fois que Jung est cité, je crois, c'est à propos des expériences d'associations au mot "complexe". Mais il est tout de même cité là. Le reste du temps, non… Même sur les fantasmes archaïques, je crois qu'il n'est pas cité. Ou alors, en toutes petites lettres, avec les références.

Au mot "complexe", il est tout de même cité,avec l'Ecole de Zurich.

C'était en partie aussi l'esprit du temps, qui voulait qu'on fasse des expériences, à ce moment là ; mais disons qu'il a eu le mérite de trouver le joint chiffré de choses qui a priori ne sont pas faciles à chiffrer : En ayant l'idée de mesurer les temps de réaction ; de déduire des différences de temps de réaction, la présence de complexes sous- jacents. C'était ça , son idée.

Je dirai que c'est à partir de là, d’ailleurs, que sa théorie des archétypes s'est mise en route . Parce que c'est à partir de ses expériences d'associations entre 1906 et 1909, qu'il a repéré dans certaines familles ou dans certains groupes sociaux, des réponses typiques. Dès ce moment là, il a des formulations (dans le Tome 3 des Recherches Expérimentales) qui laissent présager ce qu'il dira plus tard des archétypes.

MCC - A votre avis, la situation analytique favorise- t- elle l'occurrence de tels phénomènes, dits paranormaux ?

( 1) Vocabulaire de la psychanalyse, Paris PUF, 1976.


Bon. Effectivement : La situation analytique favorise, je ne dirai pas « l’occurrence », je dirai la perception. Parce que « l’occurrence », comme nous le disions tout à l'heure dans la lettre à M. Cornel, je crois qu'elle est permanente et partout. Mais on les perçoit ou on ne les perçoit pas. On les rentre dans des lignées causales déjà préétablies, en quelque eorte, ou bien on les considère comme de simples hasards, comme des coincidences sans signification. En fait, la situation de l'analyse permet tout de même, par l’ "abaissement du niveau mental" , de percevoir que la causalité n'est pas toujours forcément en cause, précisément, et que quelque chose d'autre peut éventuellement se produire et être à l'œuvre.

MCC - Croyez- vous qu'un "complexe mystique", comme dit Hitschmann, soit nécessaire, de la part de l'analysant ou de l'analyste, ou des deux ?

-         Expliquez- moi ce que c'est qu'un "complexe mystique", parce que je ne sais pas moi !

MCC - Hitschmann, un successeur de Freud qui s'est penché sur l'occulte en psychanalyse, détermine le degré de perception de ces occurrences en fonction de la croyance ou de l'incroyance des individus. En d'autres termes, y- a- t- il un rapport entre mystique et phénomène paranormaux ? Ou tout simplement entre le fait d'y croire ou pas et leur production?

- Comment décrit- il, repère- t- il les composantes du « complexe mystique »? Parce qu'un complexe, ça comporte un noyau et puis des éléments constellés autour. Quels sont ces éléments ? Je ne comprends pas bien ....


J'avoue que cette formulation - "complexe mystique"- me semble assez vague . Qu'est- ce qui prédispose un individu à voir dans des phénomènes des phénomènes paranormaux ?

Je dirais plutôt, pour le « complexe mystique », qu'il y a une première condition qui est effectivement rencontrée chez certains individus et qui est une certaine primitivité, qui est encore proche de l'identité archaïque. Ce n'est pas un complexe mais effectivement, il y a toutes sortes de complexes qui baignent dedans et, qui en sont imprégnés. Il y a des individus qui, de par leur niveau culturel, leur origine paysanne (ce n'est pas méprisant pour eux ! Nous sommes tous comme ça) sont effectivement des gens - les voyants, les médiums qui vivent dans cette identité archaïque pour une grosse partie de leur identité. Par conséquent, ceux- là sont particulièrement portés à percevoir les phénomènes paranormaux, oui.

D'autre part, et là nous revenons à la question précédente, dans l'analyse il existe un "abaissement du niveau mental" et par conséquent il se fait un retour - et ça,c’est la définition du transfert tel que Jung l'a décrit, non pas Freud - il se fait un retour dans cette identité archaïque pour une part importante. La relation entre l'analysant et l'analyste est vécue dans une identité archafque. C'est ça, le transfert pour Jung : C'est la "commune inconscience". C'est sensiblement différent de ce qui se passe dans le transfert pour Freud.

MCC - Et le contre- transfert ?

- Je dirai que, justement, ce qui caractérise le transfert pour Jung, c'est que le transfert et le contre- transfert sont mêlés dans


une identité archaïque : Au moins pour un certain noyau d'eux- mêmes. Ce noyau touche à l'inceste, c'est- à- dire à la relation profonde avec l'Inconscient. En troisième lieu, toutes les fois qu'un contenu inconscient doté d'une énergie puissante se rapproche du conscient et demande à devenir conscient par suite de la dynamique de l'archétype (celui- ci a une double dynamique : D'un côté il veut rester semblable à lui- même, il est organisateur ; d'un autre côté, il est l'organisateur du désordre aussi ; il veut l'évolution vers la culture, que la nature soit frustrée, contrainte et souffre pour évoluer vers la culture) donc, toutes les fois qu'il y a activation dans l'Inconscient d'un archétype, il y a en face, si les choses se passent bien, un abaissement corrélatif : Du niveau conscient, donc un affaiblissement du conscient.

Et à ce moment là, de nouveau, cette identité archaïque qui est la caractéristique de l'Inconscient va affluver : Donc, les phénomènes paranormaux pourront être perçus. Qu'ils se produisent en permanence, en effet, est une chose probable ; mais qu'ils soient perçus en est une autre. Ils le sont à condition que le MOI conscient, fondé sur la rationalité et la causalité, accepte d'abaisser son niveau pour les laisser transparaître. Voilà ...

MCC - Y a- t- il un contenu spécifique de l'Inconscient servant de réservoir archaïque à la production de phénomènes paranormaux ?

- Oui ... Je pense qu'on peut parler... Bien que... C'est difficile, la question que vous posez, parce que si on est trop dans le tantôt perçu, tantôt pas perçu... Il faudrait nuancer ... Ce qui est sûr, c'est qu'il y a tout de même une certaine disposition du conscient


qui fait que le phénomène va se produire : Disons que la possibilité du phénomène à se produire existe dans l'Inconscient. Mais il y a une participation du conscient, qu'il faudrait décrire à la fois comme présence et abaissement de niveau nécessaires à sa production . Si le MOI conscient n'est pas présent, le phénomène ne ne se produira pas. S'il l'est trop, il risque de ne pas se produire non plus ou alors de se produire par "effraction" : Ce sont les gros phénomènes parapsychologiques qu'on aperçoit de temps à temps. les visions de Fatima, par exemple, ou la lettre (c'est noté par Flammarion, je crois) du bonhomme qui avait assisté à l'éruption de la Montagne Pelée. E nfin, je ne sais plus très bien quelle est l'histoire mais elle est classique et connue .

Bon. Eh! bien,çà, ce sont des choses qui passent par "effraction" .

Mais en temps normal, ça passe plut6t dans des conditions mitigées : A l'occasion d'un certain abaissement du seuil mental.

MCC - Et par rapport à la topique de Freud ?

- C'est difficile de faire entrer ça dans la topique de Freud, justement ! C'est difficile !.. C'est un autre point de vue. La topique de Freud a son utilité pratique. Au plan du traitement, elle est très utile, même indispensable . Des quantités de traitements se font d'après cette topique parce que ça marche très bien, c'est un outil très commode . Mais il y a certains phénomènes ou certaines structures psychiques qui répondent beaucoup mieux à celle de Jung, si vous parlez de topique.


MCC - S'agit- il d'un syndrome psychotique chez le patient votre avis ?

Je dirai que le syndrome psychotique étant le passage de l'Inconscient dans le conscient et la disparition du conscient, cela y ressemble beaucoup. Avec cette nuance tout de même que le conscient est encore là dans le phénomène paranormal. Maintenant il faut effectivement savoir et reconnaitre que chez les psychotiques, il y a

des intuitions, des perceptions, des phénomènes paranormaux ... tout à fait fréquents ! C'est classique que l'on soit devant un paranoïaque, et qu'il vous dise : « Pourquoi pensez- vous cela de moi ? »  Et précisément, on est en train de le penser ! Ca m'est arrivé souvent . C'est la limite du paranormal.

Je pense que cela fait partie de l'Inconscient de l'analysant, de toutes sortes de perceptions très animales, par exemple, des mouvements du corps, puis de l'analyste ;  de toutes sortes de perceptions subliminales perçues par ces gens là.

MCC - Y a- t- il un rapport entre « abaissement mental » et perception subliminale ?

- je sais, pour avoir travaillé sur le corps, que certaines personnes observent très bien... peuvent sentir le corps de quelqu’un. D'autres, qui sont absolument "absentes", se présentent dans une position crispée, comme ça, d’emblée. Elles, elles peuvent continuer à parler sans rien percevoir ... Alors que d'autres personnes seront tout de suite gênées et sentiront, interpréteront même ce que l'autre est en train de penser. C'est une intuition


Ce n'est pas du paranormal, ça . Je ne pense pas.

MCC - Pouvez- vous préciser, s'il vous plait ?

Disons que ce n 'est même pas un cas d "abaissement" suivant le point de vue auquel on se place. Ca peut être un « abaissement » si on parle d'une relation intellectuelle entre deux personnes, par exemple, au niveau d'un échange de concepts. C'est un abaissement en ce sens que, si je vous vois vous tortiller sur votre fauteuil alors qu'on est en train d'échanger sur des concepts, si je perçois que vous avez une souffrance dans le corps, vraisemblablement ma perception des concepts que vous élaborez et de ceux que j'élabore va diminuer. Puis je vais être beaucoup plus sensible à ce qui se passe, en me disant : "Tiens, mais qu'est- ce qu'elle a ? Elle n'est pas bien" ... Dans ce sens là, c’est un « abaissementI ». Maintenant, il faut nuancer. Disons que c'est un déplacement du centre de gravité du conscient et du centre de la conscience. C'est un déplacement vers un autre ordre de phénomènes, plus tenus, mais qui parlent.

Voilà comment je vois la chose.

MCC - Dans les milieux scientifiques, la perception subliminale est reconnue mais l’ abaissement mental, le passage de l'Inconscient au conscient est peu étudié, il me semble ?

- Ces milieux scientifiques sont très teintés, pavloviens... Il y a une incompatibilité entre les théories pavloviennes et ces phénomènes, je pense .


Ce que je n'explique pas, d'ailleurs, c'est qu’il parait qu'en URSS les crédits attribués à la recherche parapsychique sont très supérieurs à ceux qui sont alloués dans tous les autres pays réunis.

C'est très intéressant sur le plan de l'idéologie , en général : Voir que dans les zones où l'on est le plus rigide sur le plan du pouvoir, c'est justement là qu'on favorise l'intérêt pour la recherche parapsychique.

Bien ...

MCC - Quelles grandes psychoses alors incriminer ? Pour en revenir à notre questionnaire.

-         Alors là, je passerai très vite. Je crois qu'on peut tout incriminer, hein !

Quant aux interprétations qu'on peut en donner, prenons un schéma de psychose tout à fait général : La psychose, c'est l'occupation du MOI par l'Inconscient . Le MOI disparait, il est occupé par l'inconscient. Que se passe- t- il à ce moment là ? Ca peut soit provoquer des psychoses tout à fait chroniques, soit des réactions de l'Inconscient qui se manifestent par l'activation de certains archétypes. On voit surgir des bouffées délirantes.

On peut considérer que l'Inconscient cherche par là - que la dynamique de l'archétype cherche par là- à rétablir un centre de la personnalité, un rudiment de MOI. Mais ceci n'arrive pas, précisément, parce que - comme c'est le cas dans la schizophrénie - ceci ne parvient


pas à reconstituer un complexe MOI.

Les phénomènes paranormaux doivent apparaître, à ce moment là, parce qu'ils apparaissent toujours quand il y a activation d'un archétype.

MCC - Qu'est- ce qu'un archétype ? Vous parliez tout à l'heure de son rôle d’organisateur ; Organisateur dont le dynamisme est double, destiné au maintien du semblable, d’une part, et organisateur du désordre dans une perspective d'évolution, d'autre part. Y- a- t- il un rapport avec l’"individuation" dans votre terminologie ?

-         Oui. A condition d'utiliser ce concept dans un sens très, très large ! Jung a utilisé le mot "individuation" et il faut reconnaitre qu'il est souvent utilisé à tout. Il faut lui donner un sens bien particulier. Un sujet qui a réussi à réaliser une adaptation correcte au monde, à la société, à sa famille, à autrui, à lui- même, à son Inconscient ... n'est pas « individué » . Il est devenu ce que Jung appelle « un être collectif », c'est- à- dire qu'il est conforme à certaines normes moyennes. L’individuation commence à partir de ce moment là : A partir du moment où étant un être collectif, il va tenter de développer ce qui est proprement individuel chez lui, ce qui n'appartient qu'à lui et en prendre conscience. Ce qui fait qu'à partir de ce moment là, il va se décoller du collectif et voir apparaitre le collectif face à lui.

Par contre, dans une psychose nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure, en ce sens que le sujet n'existe pas : Puisque l’Inconscient est à la place du MOI. Parler d’ « individuation » dans ce


cas me parait tout à fait exagéré. Jung est très précis : Pour ce qui est de l’ « individualisation », il en parle à partir du moment où l'individu se constitue en tant qu'individu. Pour cela il faut qu'il ait un MOI. Alors ça commence chez l'enfant etc ... Il faut qu'il y ait un MOI. Chez le psychotique, s'il n'y a pas de MOI ... Je prends ça de façon très schématique car, bien évidemment, il existe des psychotiques chez qui il y a un débris de MOI ou un complexe dans un coin qui va tenir lieu de MOI ; et on peut parler d’"individuation" effectivement, si on s'en tient à ce complexe et à son évolution par rapport au reste du collectif. Oui. Mais le terme est lui- même relativement net dans son usage, chez Jung. "Individuation", c'est à partir du moment où l'être a réalisé une adaptation collective, au moment où il développe ses facultés personnelles.

Mais encore une fois, l'l'individuation" n'est pas automatique. Il y a bien des individus qu'on voit - des sujets, plus exactement - qu'on voit faire une analyse et puis s'arrêter au moment où ils ont atteint une parfaite adaptation à la société, et ne pas poursuivre d'individuationau- delà. Pour Jung, l'"individuation" c'est quelque chose qui va beaucoup plus loin que ça. Elle apparait par décollement progressif du collectif. D'où ces rêves ...

MCC - Le sujet va t- il rester "collectif" ?

Bien, voilà ! C'est qu'il ne s'agit pas de devenir individualiste, de se séparer du collectif ! Il s'agit de rester relié au collectif et en même temps de s'en différencier. C'est d'avoir développé son individualité tout en restant lié au collectif. Ce


n'est certainement pas une affaire simple ! Le concept est précis. Par exemple, en tant que représentation ou incarnation d'un archétype, le Christ est une représentation du mécanisme d"'individuation". Oui. Il est certain qu'il y a toujours une dangereuse proximité, je dirai, entre l'l'individuation" et la psychose. Car l'individuation présuppose un affaiblissement progressif du MOI au profit d'un autre centre de la personnalité, qui est le SOI, en termes Jungiens. N'est- ce pas ? Et il est certain que cet affaiblissement du MOI peut à certains moments prendre une telle ampleur, les contenus de l'Inconscient deviennent alors tellement prégnants que l'on peut avoir, à certains moments, des apparences de psychose. D'ailleurs, le danger de toute "individuation" c'est toujours la psychose. Les Yogis Tibétains parlent des trois grands risques : Maladie, folie ou mort. Bien ... Ce n'est donc pas un processus anodin.

MCC - Qu'entendez- vous par SOI ?

Le SOI ? Dans le cas idéal d'une "individuation" qui se réalise, l'importance du SOI grandit par rapport à celle du MOI. Le MOI devient seulement, comme disent les alchimistes, « le- serviteur de- l'œuvre ». C'est- à- dire que ce n'est pas MOI qui décide. MOI, je suis simplement là comme le gérant de quelque chose d'autre qui se passe et qui demande à vivre. Ce serait la meilleure image de relation au SOI.

Alors il n'y a pas de stade du SOI. Du moins, ce serait de plus en plus quelque chose comme ça qui s'installe et ça apparaît, par exemple, dans certains types de rêves : Vous revez que vous avez votre maison et puis qu'il y a une pièce nouvelle qui est à vous,


ajouté à la maison. Ca, c'est le processus d'identification du MOI. Ensuite, dans cette pièce nouvelle, quelqu'un est devenu propriétaire de la maison. Ce n'est plus vous le propriétaire. C'est le propriétaire qui décide. Mais quand même, vous habitez là .... Vous êtes en parfait accord avec lui ... Voilà. Le MOI continue de régler les affaires courantes, de s'adapter à la vie et de décider, s'il v freiner au feu rouge, s'il va faire sa déclaration d’impôts ... Mais il y a un autre centre de la personnalité qui est là et qui prend de plus en plus d'importance. Le processus d'"individuation", c'est ça : un stade.

MCC - Y- a- t- il un rapport avec le paranormal ?

-         Oh ! Je ne dirais pas un état paranormal ! Parce que là, ce n'est pas paranormal. L’ « lindividuation » en soi n'est pas un phénomène paranormal. Même si dans le cheminement de l’ « individuation », il y a de temps en temps des bouffées d'évènements paranormaux qui se produisent. Ce n'est pas un état paranormal. C'est quelque chose de naturel, voulu par la nature. Ce n'est pas induit par le thérapeute ou l'analyste. C'est un phénomène naturel, demandé par l'évolution propre de l’archétype.

L'archétype pousse à cela. L'archétype du SOI qui au début est le SOI primaire et a provoqué l'apparition, la création du MOI et du "complexe MOI" veut, au fur et à mesure du déroulement de la vie de l'individu - et chez certains individus seulement, pas chez tous, dans certaines conditions aussi parce qu'il faut des conditions favorables à ça- veut que le MOI perde peu à peu sa prééminence au profit d'un autre centre de la personnalité. Bon ... Ce n'est pas anormal


ni paranormal. C'est naturel, et en même temps C'est contre nature, paradoxal.

Que pour le MOI, à ce moment là, les complexes soient ressentis et vécus comme des "esprits", ça, c'est tout à fait compréhensible, compte tenu de l'autonomie des complexes. Il faut remonter aux toutes premières expériences de Jung, au moment où il a écrit sa thèse en 1903 ou à ... (je ne sais plus) et à ses expériences d'associations. Les complexes sont autonomes. Ils se manifestent de façon autonome. On peut décider tout ce que l'on veut ! Le complexe fonctionnera suivant sa propre autonomie ... Donc, que dans un certain mode de pensée, relativement archaïque, ces complexes soient ressentis comme des "esprits", c'est tout à fait possible. Et effectivement, quand un primitif parle des "esprits", il parle en réalité de ses propres complexes. Ca, c'est net.

Alors, que le SOI soit ressenti par le MOI comme un "Esprit" (avec un grand E) d'un domaine supérieur à certains moments de son évolution, c'est aussi compréhensible. Dans la mesure où ce SOI est une donnée autonome, par rapport au MOI. Le SOI jouit de la plus grande autonomie. Le MOI est conditionné par la causalité, justement, par l'ici et maintenant, par le temps, par l'espace, par l'âge, par le corps etc ... le SOI, pas. Par conséquent, il peut être ressenti par le MOI comme un "esprit" ou « l'Esprit » (avec un grand E). Disons que c'est une commodité de vocabulaire.

Effectivement, quand on parle de "phénomènes spirituels", c'est ça. Les gens n'ont pas compris que ce que Jung décrivait était, en fait, des phénomènes naturels qui se passent depuis des millions d'années ... C'est "religieux" si l'on prend le terme religion comme


religere = Quelque chose qui "relie à" ... C'est l'essence du phénomène religieux, oui.

MCC Que pensez- vous de la position des autres écoles psychanalytiques à ce sujet ?

-         J'avoue que,là ! la position Jungienne, je suis en train de vous la décrire . La position Lacannienne, connais pas . Reichienne encore moins! et Freudienne, on en a un peu parlé.

MCC - Pensez- vous que la démarche psychanalytique favorise la sensibilisation à ce type de phénomènes, en général ?

-         Je dirai qu'une certaine attitude que l'on rencontre en cours d'analyse favorise, effectivement, la perception de ces sensibilisations et par conséquent, de ces phénomènes. Comme on l'a dit, il y a donc des conditions d’abaissement mental et une activation des archétypes. Il faut donc toujours les deux choses : Que l'archétype soit activé et que l’Inconscient entre en mouvement. C'est- à- dire, que les deux faces de l'archétype commencent à se dissocier, à se différencier, pour qu'il y ait une tension à l'intérieur de l'archétype - entre la face constructive et destructive , ordre et désordre- que les deux faces se dissocient, vous voyez, se tendent... Sous l'effet de cette tension, l’archétype entre en mouvement . Ça se répercute au niveau du MOI.

MCC - Oui, nous l'avons vu . Je posais la question à propos de la démarche, en général. Au niveau de la pratique dans une société donnée?


Oui,vous posez la question là, au niveau du collectif d'une société ...

Tout à fait d'accord pour aborder cette question, maintenant, de ce nouveau point de vue. Si dans une Société donnée un certain nombre de personnes ont un contact avec leur inconscient, il est certain que ça peut favoriser l'apparition de phénomènes paranormaux . Mais le problème est compliqué . Il faudrait relire pour cela le livre de Jung sur Un Mythe Moderne : Le phénomène des soucoupes volantes. Est- ce que les gens qui voient les soucoupes volantes sont spécialement sensibilisés à leur Inconscient ? Je n'ai pas l'impression : Pour autant que j'aie entendu parler, que j'aie eu des contacts avec des gens qui avaient vu des soucoupes volantes ... j'ai plutôt l'impression que ce sont des gens qui sont, soit à la limite de la débilité, soit dans une introversion très,très grande! Que l'extériorisation du phénomène correspond à l'extériorisation de leur Inconscient et d'un centre, dans leur Inconscient, qui a besoin de se rapprocher d'eux. Par conséquent, je ne considèrerai pas cela comme un phénomène qui soit un bon signe , sinon pour ces personnes là !

Au niveau d'une société entière, maintenant, qui nie l'Inconscient - car il faut bien dire qu'on envoie des satellites en l'air sans se préoccuper de ce qui se passe à l'intérieur de nous mêmes - dans l'ensemble de cette société que les phénomènes paranommaux se produisent serait le signe que l'Inconscient est tellement activé qu'il provoque des extériorisations d'objets, comme Jung disait dans la lettre à Cornel : A force; "par force", à défaut de prise de conscience des sujets ou sans ces sujets , par cette espèce de mode archaïque de se


comporter. Il faut bien prendre conscience qu'il y a autre chose dans ce monde que, comme disait Hamlet, "toute votre philosophie". On pourrait penser cela . C'est du moins ce que Jung en pense. Je suis partisan de cette pensée.

MCC - Quelle est la nature - et l'aventure- de l'Inconscient.

-         Alors là, vous me posez une question à laquelle je peux difficilement répondre ! Je dirai qu'il est inconscient, voilà tout - . C'est sa seule nature, pour moi. Mais disons que l'intensité de sa pression est corollaire de l'intensité de sa négation. Car l'une des caractéristiques de l'Inconscient - et non de sa nature, ça, Jung l'a bien montré- c'est d'être compensatoire. C'est à dire de tendre à compenser la nature du conscient. Plus l'attitude du conscient est unilatérale, plus la compensation par l'Inconscient devient puissante et intense. Et le phénomène des soucoupes volantes, comme d'autres phénomènes - Fatima ou quelques autres phénomènes de ce type là - sont des compensations extrêmement intenses d'un état d'unilatéralité exagéré. Je suis d'accord avec cette interprétation de Jung, là aussi.

Dans l'état actuel de la science, je pense qu'on est incapable de connaitre la nature de l'Inconscient. D'un côté, les psychologues, les psychanalystes font certaines observations. D'un autre côté, les scientifiques en arrivent à certaines conceptualisations. Il semblerait qu'il y ait un certain parallélisme entre les deux mouvements. Maintenant, induire de ce parallélisme à une identité de matière observée, c'est aller très loin ! Parce que ce parallélisme peut être dû uniquement, c'est une hypothèse parfaitement défendable, peut- être dû unique-


ment au fait que l'esprit du psychanalyste et l'esprit du physicien qui étudie les corpuscules est bâti avec les mêmes structures. Et ces mêmes structures sont projetées sur les faits observés.

Par conséquent,’c’est très difficile de dire s'il y a dans la nature quelque chose d'objectivement identique, ou si c'est simplement le fait de l'esprit qui observe ça, qui est identique chez I’un et chez l'autre. Je serais incapable de répondre à cette question. Jung lui-même se l'est posée, en disant qu’il est possible qu’il y ait une matière commune, la matière et la psyché. C'est possible. Il y a des phénomènes qui le laisseraient penser, mais c'est aussi peut- être dû à notre faculté de projeter notre esprit sur la matière, à notre situation d'observateur.

Là, on est un peu au bout de ce que l'on peut avancer actuellement. On est toujours dans cette position instable qui est que l’observateur, quand il observe un objet, on peut dire qu'il est objectif ; mais quand il observe sa propre psyché, il est en même temps l'observateur et l'observé. Et c'est quelque chose d'assez nouveau dans l’histoire de l'humanité qui fait qu'on ne sait pas trop quoi faire avec ça ... Ni comment se débrouiller.

La similitude de la nature et de l’esprit peut être due à la psyché, à la structure de la psyché qui observe. La faculté de perception de la psyché peut être comme une grille à travers laquelle certaines perceptions, seulement, peuvent passer ; ce qui fait que de l'autre côté, on retrouverait des ressemblances étonnantes, qui soient uniquement dues à la grille . Scientifiquement on ne peut pas aller plus loin que ça, je pense. On bute sur les limites épistémologiques.


MCC - Peut- on considérer, en théorie et pour la théorie, la parapsychologie comme une catégorie de la psychanalyse ou de la psychologie en général, à votre avis ?

-         La science procède par alternance d'élimination et de reprises en concepts du résidu qui ne répond pas à la loi. Voir la découverte du radium. Il est donc souhaitable que le phénomène "para', soit reconnu dans son existence mais qu'il tienne une place relative. Sans ça, il n'y a plus de science. Si on transforme tout en parapsychologie, il n'y a plus de causalité possible! donc plus de science ...

Je crois que la parapsychologie représente un résidu du développement de l'esprit humain suivant le mode causal. L'esprit humain s'est développé en développant l'observation des relations causales entre les évènements et les phénomènes. C'est- à- dire qu'il a développé les concepts de temps, d'espace, de causalité. Et ce faisant, il a éliminé effectivement, un certain nombre de données qui étaient aussi de fait dans l'Univers. Une fois éliminées, elles reviennent- naturellement- en position "para", ça ! D'où la parapsychologie ... Je dirai que c'est un petit peu comme les mathématiques et les géométries non- euclidiennes. Si on pouvait tout décrire en géométrie euclidienne il n'y aurait pas besoin à ce moment là, de géométries non euclidiennes. Et inversement. il y a toujours un résidu qui est éliminé pour faire entrer quelque chose dans une lignée causale, c'est- à- dire qu'on élimine les aberrations, les résidus. Si on veut alors tenir compte de la totalité, le résidu doit revenir. Mais il est important qu'il ne revienne que relativement, c'est à dire en position "para" ! Si on le laisse trop revenir, alors, on bascule dans une axiologie contraire et on est dans une position exactement équivalente à celle de départ .


Par conséquent, je pense que cela peut être une "catégorie" ou plus exactement un questionnement de la psychanalyse ou de la psychologie en général. Mais ça ne doit pas dépasser ... Ça doit rester dans certaines limites. Il se trouve que le monde a évolué de telle façon que c'est la causalité qui y est ; de même qu'il se trouve que c'est le cerveau gauche qui a été développé chez les humains, de telle sorte que nous sommes majoritairement droitiers.

Bon. A partir de ce moment là, on sait aussi qu'on a une main gauche et qu'elle sert à autre chose. Mais ça ne veut pas dire qu'il faille remplacer la main droite par la main gauche et vice- versa.

Il n'est donc pas souhaitable que la parapsychologie soit plus qu'un accessoire qui fait se poser des questions, qui permet de ne pas justement être pris entièrement dans la causalité de façon stérile. C'est souhaitable aussi que ça ne déborde pas non plus cette position.

MCC - La causalité est, selon vous, un terrain gagné sur le reste ?

Ce qu'on peut observer de l'histoire de l'humanité montre que l'on a de plus en plus progressé dans l'étude de la causalité et dans les découvertes liées à une causalité. Les découvertes de la science moderne et les réalisations de la technique moderne en sont une preuve. Mais je pense que, plus on avancera dans ce sens, plus il y aura un résidu qui sera toujours là présent, à titre de "para"- psychologie, « para »- physique ou tout ce qu'on veut ; qui sera précisément le résidu qui n'aura pas été pris dans la loi statistique. Car toute loi causale est une loi statistique, qu'on le veuille ou non.


Votre question me fait penser aux astrophysiciens : Est- ce que l'univers se rétrécit ou est- ce qu'il augmente ? C'est très difficile, de savoir ça ! Finira- t- il par se rétrécir ou par se disperser ?

Au moins, qu'il soit comme une frange qui se tibenne au- devant de ce problème de la science et qui ressemble à une vague qui déferle. Il y a la crête de la vague et puis il y a l'écume au- devant de la vague.

Ca continue de déferler avec l'écume qui est au- devant ... Hein ? Le phénomène « para » est, peut être, cette espèce d'écume qui est devant la vague, et qui sera toujours devant. En ce sens que toutes les fois que l'on fait une loi statistique, on fait une loi causale ! C'est-à- dire qu'on élimine quelque chose et ce "quelque chose" reviendra toujours sous forme "para ". Par conséquent, j'ai le sentiment, pour ma part, que ce qui est dans la parapsychologie notamment, est quelque chose qui se tiendra toujours devant nous, même si on arrive à déterminer causalement certaines observations - ou à les expliquer causalement - Avant, elles étaient rangées sous le terme parapsychologie ... Il y aura vraisemblablement devant nous encore d'autres choses qui statistiquement ne sont pas encore rentrées dans une explication causale. L'esprit humain sera toujours tiré dans une recherche au- devant de lui. C'est mon sentiment. Mais c'est un sentiment qui n'a rien de scientifique. Il est plutôt vraiment subjectif ! C'est peut- être très projectif ! il y aura toujours une disproportion entre ce qu'on connait et ce qu'on ne connait pas.

MCC - Une saisie « télépathiquel » de son patient peut- elle aider le clinicien dans sa pratique, selon vous ?


Disons que certains analystes ont un don comme ça. Jung l'avait. Ça le caractérisait. Il lui est arrivé, lors d'un repas, par exemple, de raconter une histoire tout à fait hypothétique et inconnue, disait- il, pour illustrer une théorie. Or, il se trouvait que c'était l'histoire de la personne en face de lui à ce moment là !..Il y a des gens comme ça. On peut ranger ça sous le terme d'intuition, de parapsychologie, si l'on veut ... A certains moments, on est effectivement au fait avec l'Inconscient d'une personne. A d'autres, pas du tout. Une personne chez qui il y aurait ça en permanence serait d’abord extrêmement gênée, ne pourrait pas vivre et serait débordée par son Inconscient ...

D'autre part, ce serait vraisemblablement très pathologique. Maintenant, il y a des médiums qui peuvent vivre ça d'une façon assez permanente ... Mais au détriment de bien d'autres choses et de bien des qualités d'adaptation à la vie, sûrement ! Donc, je n'y crois pas beaucoup.

Au contraire, c'est une question d'humilité humaine. L'esprit humain s'est développé en créant un lien avec la causalité. C'est une limitation incontestablement. C'est avec ça qu'il doit s'adapter à la réalité. C'est son moyen de s’adapter. Et à la réalité du patient qu'on a en face de soi, quand on est analyste.

Quand je suis analyste, par conséquent, je pense avec mon intellect et du mieux que je peux . Ca m'arrive de me tromper. Quelquefois il arrive aussi que mon Inconscient, à ce moment là réagisse violemment et me fasse percevoir des choses par une voie intuitive ou parapsychologique . Ça, c’est la compensation.

Dans certains cas, disons que l'inconscient vient corriger les erreurs grossières du conscient. Parfois,il ne corrige pas tellement


C'est plutôt quelque chose d'épisodique qui arrive de temps en temps, comme une "grâce" qui vous tombe du ciel, et qui peut très bien ne pas tomber.

Je verrais la parapsychologie dans la pratique de l'analyse de cette façon là .

Ceux qui, ou celles qui - ce sont souvent des femmes- baignent dans la parapsychologie en tant qu'analyste, je me méfie beaucoup de ces gens là ! Parce qu'en général, ils sont en état d'inflation par un archétype bien caractéristique qui est celui de la Grande Mère, qui sait tout, ou du vieux sage- quand ce sont des hommes- qui sait tout aussi. Alors, ils perçoivent tout l'Inconscient . Moi, je me méfie beaucoup de ça ! Ce qu'ils perçoivent, en général, c'est leur propre Inconscient. Et quel intérêt cela a- t- il ? En admettant qu'ils perçoivent l'Inconscient de l'autre et son Inconscient collectif, à quoi cela avance- t- il ? C’est du domaine de l'inflation et d'une espèce de pensée magique qui persiste et finalement n'est pas du tout souhaitable.

MCC - Faites- vous une différence entre l'occulte et la parapsychologie ?

-         Ah ! Si l'on voulait mettre des mots ... Seulement là, je vais m'attirer les foudres de tous les occultistes, si je dis que c'est ça, l’occulte !

Moi, je dirais que c'est une perversion de la perception, de la disponibilité à recevoir quelquefois plus que les capacités de l'esprit à raisonner sainement. Parce que la première capacité de l'esprit humain c'est tout de même de raisonner sainement et de tenir compte sainement du fait empirique .


Que l'irrationnel passe aussi de temps en temps, très bien ... Que de temps en temps du parapsychologique passe, encore mieux ; mais l’occulte qui serait purement occulte, rien que de l'occulte et partout de l’occulte ! Alors là, je dirai: c'est quelque chose qui doit rester toujours en prise directe avec le rationnel !

MCC - Faites- vous une différence entre l'inconscient collectif et l'Inconscient personnel ?

- Non, je ne pense pas qu'il y ait deux réservoirs . Les archétypes n'existent que s'il y a un sujet en face, capable de se confronter à sa dimension, de l'incarner. C'est- à- dire d'en incarner une partie - une partie seulement ! Ca, ça n'est pas pathologique . Ce qui

est pathologique, c'est que le sujet prétende être le gérant de tout cet archétype, de toute cette ménagerie archétypique.

Que tout soit vu à travers la grille de l'occultisme, je dis que ça touche à une unilatéralisation extrême qui est le pendant de l'unilatéralisation opposée des rationalistes, qui ne veulent pas entendre parler de parapsychologie ni d'occulte . Ne pas vouloir en entendre parler et baigner dedans entièrement, ce sont deux attitudes exactement opposées et identiques. C'est, de toutes façons, être « bouffé » quelque part par l'inconscient. D'un côté, si l'occulte prend toute la place, on est occupé par l'Inconscient : L'inconscient possède le MOI . De l'autre côté, si le MOI est entièrement rationnel, c'est le MOI qui prétend posdéder l’Inconscient et peut devenir une personnalité tout à fait banale.

MCC - Je vous remercie .

(suite)



Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email = auriol @ free . fr)

dernière mise à jour le