Marie-Christine Combourieu – 1985
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(F1, 10-13) développe la théorie de la
synchronicité jungienne sans toutefois relater d'exemples précis personnels
ou relatifs à ses patient(e)s. Nous sentons dans son discours que ces événements
ne lui sont pas étrangers ni du champ expérienciel de ses analysant(e)s (F1,35-36).
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(F2,1-7) relate, lui, 5 exemples personnels
et/ou impersonnels, dont 1 synchronistique (F2,2-3) ; 2 télépathiques (F2,3-4,6-7)
; 1 précognitif (F2,5-6) ; 1 de "transfert de pensée” télépathique (F2,5-6).
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Il semblerait que dans la théorie jungienne
ces différences catégorielles entre les événements télépathiques, synchronistiques,
précognitifs, soient secondaires, étant basés sur ce que Jung appelle
"le savoir absolu" de l'inconscient. Celui-ci, intuitivement, semble
détenir, pour Jung, une connaissance (ou pré-science) a-temporelle des événements
passés, présents, futurs.
(D, 13) tenait à peu près le même propos
: "Ca peut concerner le passé. Et ça peut concerner aussi le présent (rires),
si tant est que nous soyons dans le présent, toutefois ! Ca concerne souvent
le futur. Ca dépend de l'émotivité et des motivations" (elle parlait de
"l'imagerie mentale", les "clichés ou flashes" qui s'imposent
au sujet dans certaines situations similaires à celles des exemples rapportés
par (F2,2-7.)
Le concept de "synchronicité"
se distingue de ceux de "synchronisation" (A1, 14-15) et de "synchronisme"
(I, 17), qui traduisent davantage une notion d"harmonisation" (A1,15)
entre deux sujets A et B - particulièrement dans la relation parentale mère
/ enfant , père / enfant : (F2,3-4 ) .
Dans l'extrait que nous
a lu (F2,14) concernant les phénomènes parapsychologiques - ou "psi"-
, voici la définition que nous trouvons de la synchronicité : "Là où un archétype s'impose, en peut
s'attendre à des phénomènes de synchronicité ; il est des correspondances a-causales
qui se reconnaissent par l'ordonnance parallèle des faits dans le temps"...
Dans les Cahiers de Psychologie jungienne, n°28, 1er trimestre 1981, nous trouvons
à la page 2 cette définition plus complète de la "synchronicité" :
"J'emploie donc ici le concept général de synchronicité dans le sens particulier
de coïncidence temporelle de deux ou plusieurs événements sans lien causal entre
eux et possédant un sens identique ou analogue. Le terme s'oppose à "synchronisme"
qui désigne la simple simultanéité de deux évènements. La synchronicité signifie
donc d'abord la simultanéité d'un certain état psychique avec un ou plusieurs
événements parallèles signifiants par rapport à l’état subjectif du moment,
et - éventuellement - vice-versa."
(C. G.Jung, Naturerklärung und Psyche,
vol. IV des Etudes du C.G.Jung Institut, Zurich, 1952 ; en franç.
La Synchronicité, principe de connexions
acausales, Explication de la nature
et psyché).
Le concept de synchronicité, tel qu'il
est défini plus haut, nous semble pallier l'absence d'explication (s) concernant
l'épisode de "la pièce d'or" rapporté par, D. Burlingham (voir p.130)
Opérons brièvement un retour sur cette
anecdote :
1°/ A deux reprises, il se produit bien
une "coïncidence temporelle de deux évènements" sans lien causal apparent.
Une première fois lorsque la mère parle, au cours de sa séance d'analyse, "d'une
pièce d'or qui joue un certain rôle dans une des scènes de son enfance"
et que, rentrée chez elle, son fils (10 ans) lui apporte celle qu’il a reçue
en cadeau le jour de son anniversaire quelques temps auparavant, à son insu.
Une deuxième fois quelques semaines plus
tard, lorsque la mère s'apprête a relater par écrit cet incident et que son fils exige qu'elle lui
rende, précisément au même moment, sa pièce d'or.
2°/ Le sens du discours que tient la mère
à son analyste et le geste du garçonnet nous semble effectivement "identique
ou analogue". Il s'agit dans les deux cas, précisément, bien "d'une
pièce d'or" jouant un rôle dans une scène d'enfance. Nous pourrions voir
là une transposition a-temporelle d'un épisode conservé dans l'Inconscient de
la mère et reproduit dans celui de son fils encore enfant . "De même que
dans le monde psychique il n'y a pas de corps évoluant dans un espace, il n'
y a pas de temps. Le monde endopsychique est éternel, il est en dehors du temps",
explique Jung dans le passage cité par (F2, 14). La similitude entre les deux
épisodes est frappante.
3 °/ Ce qui nous semble le plus intéressant
toutefois, c'est l’illustration que fournissent les deux événements, de la seconde
partie de la définition de la synchronicité de Jung. Il s'agit bien à chaque
fois de "la simultanéité d'un certain état psychique
avec un événement parallèle signifiant
par rapport à l’état subjectif du moment
- et vice-versa". A deux reprises, c'est “l'état psychique" subjectif de la mère qui se conduit comme l'inducteur
du comportement de son fils.
Le concept de synchronicité jungien nous
semble donc suppléer au vide laissé par les explications psychanalytiques dans
une perspective causaliste et déterministe
de relation de cause à effet entre le comportement subjectif de la mère et le
comportement objectif du fils.
Il tente d'expliquer ce qui ne figure
pas dans les définitions de la “synchronisation” (A1, 14-15), ni du “synchronisme”
(I, 17) fonctionnant comme de simples constats évènementiels /phénoménologiques.
C'est rechercher malgré tout, de la part
de Jung, un principe explicatif. Nous ne pouvons pas ici le taxer d'irrationalisme - ni de mysticisme -
dans sa démarche. Si sa théorisation échappe, ou même contredit celle de Freud
c'est en raison de principes axiomatiques différents.
Jung écrit, en effet, à l'inverse des postulats freudiens
(voir p.) :
"Une fréquentation de la psychologie
des phénomènes inconscients m’a forcé, depuis un grand nombre d'années déjà,à
me mettre à la recherche d'un autre principe d'explication, puisque le principe
de causalité me paraissait insufisant pour éclairer certains phénomènes remarquables
de la psychologie inconsciente. Je découvris en effet l'existence de phénomènes
psychologiques parallèles entre lesquels il n'est absolument pas possible d'établir
une relation causale mais qui doivent être dans un autre ordre de connexions.
Une telle connexion me parut consister essentiellement dans la simultanéité
relative, d'où le nom de "synchronicité".
On dirait en effet que le temps n'est rien moins qu'une abstraction,
mais bien plutôt un continuum concret renfermant des qualités ou des conditions
fondamentales qui peuvent se manifester dans une autre relative simultanéité
en différents endroits selon un parallélisme dénué d'explications causales :
c'est le cas par exemple de l'apparion simultanée de pensées, de symboles ou
d'états psychiues identiques.
(Cahiers de Psychologie jungienne, ibid,p.1-2).
Cette axiomatique s'oppose presque point
par point à celle qui régit la pensée freudienne dans les déclarations citées
p. . Pour Jung, en effet, une conception / vision mécaniciste de l'univers est
insuffisante, limitée ; comme est limitée la psychanalyse dans l'exemple de
"la pièce d'or" rapporté par D. Burlingham pour mettre en lumière
les motifs inconscients, mais cependant efficients, permettant d'expliquer
la conduite du fils "synchrone" avec celle de sa mère .
Il est nécessaire de revenir
sur la théorie jungienne, dont les éléments centraux nous sont fournis par les
extraits que nous a lus (F2,8-10,14) pour expliciter les présupposés du concept
de synchronicité. Jung parle en effet d’”archétypes” :
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