Marie-Christine Combourieu – 1985
"Si interpréter un rêve veut dire non pas en donner une explication,
mais le déployer dans le champ flottant, il s'agit là d'un exercice peu différent
de celui du musicien qui reconstruit une partition..."
Michèle Montrelay
(Lieux et génies, Cahiers Confrontation
n ° 10, p.119).
Il n'est pas possible dans le cadre du
présent travail d'énumérer tous les articles ou ouvrages parus sur le thème
de la télépathie dans l'analyse ou en dehors .
La bibliographie étrangère est finalement
fournie et spécialisée.
|
A titre indicatif, E. Servadio, que mentionnent
(A3, 1) et (F1, 10) écrivit plus d'une dizaine d'ouvrages consacrés au paranormal
et en particulier à la télépathie en cours d'analyse.
J.Ehrenwald, qui n' est jamais cité, et
J.Eisenbud (D, 4) écrivirent aussi de nombreux textes sur ce sujet.
Ils sont sans doute parmi les plus connus,
mais n'oublions pas d'au très grands noms qui ont travaillé dans ce domaine
de recherches, comme A.Ellis, G. Roheim et l'Ecole hongroise, Hollos, Balint,
Fodor, Hann-Kende, Devereux...
Nous ne pouvons omettre de mentionner
la première tentative de regrouper, en 1953, l'ensemble des articles parus sur
plus d'une décennie par Georges Devereux, in Psychoanalysis and the occult, International Universities Press, New
York, depuis ceux d'H.Deutsch et de D.Burlingham, cités par Freud, jusqu'aux
plus récents à cette même date, de E. Servadio et de l' Ecole hongroise.
Il fallut attendre ensuite vingt années,
l'automne 1983, pour que les Cahiers Confrontation, édités à l'instigation de
René Major dès 1979, chez
Aubier à Paris, entreprennent la même initiative.
Cette revue, comme son
titre l’indique, a pour vocation de « confronter » des points de vue
différents, inter-Ecoles ; en ce sens, ce n’est pas une publication exclusivement
freudienne ou lacanienne …, mais ouverte à des analystes de différentes appartenances.
Toutefois, aucun analyste
jungien ne figure dans l’index ; ni même l’ouvrage déjà mentionné de C.
Moreau, Freud et l’occultisme (Privat,
1976), dans la bibliographie.
Nous insistons sur ce
clivage.
La revue des Cahiers Confrontations n°10
est exclusivement consacrée à la question de la télépathie.
A son tour, elle offre la lecture en langue
française des articles de H. Deutsch, Processus occultes en cours d’analyse (1926) ; E. Hitschmann, Télépathie
en analyse (1933 ; E. Hitschmann est un disciple de Freud) ; D. Burlingham,
L’analyse d’enfant et la mère (1935)
; G. Roheim, Télépathie dans un rêve
(1938) ; W.H. Gillespie, Les éléments
extra-sensoriels dans l’interprétation des rêves (1948) ; Denis Farrell,
“Transmission de pensée”, refoulement
et avenir de la psychanalyse chez Freud (1983) …, parmi les plus intéressants.
Pour les auteurs français, nous trouvons
traduits les articles de R. Major et P. Miller, Empathie, antipathie et télépathie (dont la première version est parue
en anglais dans la revue Psychoanalytic
Inquiry, 1981, New York, Int. Univ. Press), et celui inédit de M. Montrelay,
Lieux et génies (1983).
R. Major est actuellement membre titulaire
de la Société Psychanalytique de Paris – l’Institut - , ce qui n’est pas sans
importance.
Outre les articles cités plus haut, nous
lisons de Maria Torok, L’occulté de l’occultisme
(1983), qui reprend en détail le cas “Vorsicht” ; celui de Touria Mignotte,
La transmission de pensée : Réel alchimique
(1983) qui nous paraît plus évocateur par son titre que par son contenu ; celui
de J. Derrida, Télépathie, reprenant un premier article paru dans la revue Furor, n°2 (1981, épuisé) ; enfin,
notons l’article de O. Costa de Beauregard Rationalité du paranormal (1983). Ce physicien de la nouvelle génération
tente de dépasser théoriquement le paradoxe E.P.R. (Einstein-Podolski-Rosen)
au regard de la télépathie, qui serait le produit d'une "télégraphie dans
l'Ailleurs" ; que refusait Einstein, car cette hypothèse remettait en cause
sa théorie physique de la vitesse de la lumière comme constante absolue dans
tout l' univers...
Nous avons insisté sur l'intérêt de plusieurs analystes, notamment (E1), (F1)
et (I), pour cette question d'épistémologie.
Ainsi que nous le constatons,
la revue Confrontation pratique plutôt
l"'ouverture d'un champ" qu'un répertoriage didactique
- érudit - d'articles spécialisés concernant la télépathie.
Nous mentionnerons personnellement, de
façon succincte, les apports théoriques de E.Servadio, J. Eisenbud, puis les
articles de Confrontation qui nous
semblent les plus intéressants.
Ceux de R. Major et P. Miller, de M. Montrelay
(qui a participé récemment au Colloque sur le Ki au Japon, à Tsukuba, en novembre
1984
[3]
), nous semblent
essentiels, à la pointe actuellement de ce que l'on peut dire ou écrire sur
la télépathie comme processus psychiques étudiés dans le champ du transfert/contre-transfert
en analyse (citons ici également M. de M'Uzan, auteur de l'article Contre-transfert
et système paradoxal, in De l'Art à la mort, 3° partie, III, p. 164-181
; Paris, Gallimard, 1976, à qui font allusion (A3,12 et A4, 9) , par ailleurs
membres de la Société Psychanalytique de Paris comme lui).
C'est dans son ouvrage : Le conditionnement transférentiel et contre-transférentiel
des événements "psi" au cours de l'analyse (1955) qu'il aborde
la question de la télépathie en analyse, de la manière la plus freudienne. Mais
les phénomènes télépathiques débordent ce cadre.
Il s’agit du "transfert de pensée",
au sens freudien.
E. Servadio s'attache particulièrement
à l'examen du rôle joué par le transfert et le contre-transfert dans la production
de ces occurrences dites télépathiques. Selon lui, ce passage de La Signification occulte des rêves (1925)
est l'un des points centraux permettant d'expliquer des processus télépathiques
entre l'analyste et l'analysant . C'est Freud qui parle :
..."Par
des tentatives répétées dans un cercle intime, j'ai aussi acquis l'impression
que le transfert de souvenirs fortement accentués affectivement réussit sans
difficulté. Si on se risque à soumettre à un travail analytique les idées de
la personne sur laquelle elles doivent être transférées, des correspondances
apparaissent souvent qui, autrement seraient demeurées inconnaissables. De
maintes expériences je suis enclin à tirer la conclusion que de tels transferts
réussissent particulièrement bien au moment où une représentation surgit de
l'inconscient, c'est-à-dire en termes théoriques, en tant qu'elle passe du "processus
primaire" au "processus secondaire" ...
(extrait cité
dans Confrontation, p. 28, également, par H. Deutsch) .
*Hollos ajoute à ce point de vue le cheminement
inverse, c'est-à-dire que "le transfert de pensée est également possible
lors du passage du "processus secondaire" au "processus primaire"".
_C'est sans doute à cela que faisait allusion
(B2, 13-14), par exemple, en parlant de la saisie par le patient de motions
inconscientes chez l'analyste, qui se retrouvaient dans ses propres rêves .
Nous trouvons ici un aperçu de la situation
"en miroir inversé" de l'analyste et de l'analysant : L'un effectue
préférentiellement le cheminement des "processus secondaires" vers
les "processus primaires"; alors que l'autre l'effectue en sens inverse.
Tous deux réalisent, cependant, le même travail par le biais de "chaînes
associatives" parallèle (A2,2 /A3,4,8... ) . Plusieurs analystes insistent
sur ce cheminement parallèle des "associations d'idées" de l'un et
de l'autre.
Dans son ouvrage, Techniques de la psychothérapie, (D, 4) , J.Eisenbud reprend les positions
théoriques que nous venons d'envisager
avec Emilio Servadio. Il insiste toutefois sur les difficultés du thérapeute,
parfois, refusant d'accepter un matériel qu'il est en train lui-même de refouler.
Cette situation crée une impasse dans l'analyse :
. . . "Avant
que le thérapeute puisse percevoir librement et intégrer d'une manière significative
le “psi” qui apparaît discrètement, il doit, d'une façon ou d'une autre, être
d'abord passé par ou être prêt à traverser un foyer de conflits intérieurs,
conflits qui pourraient être liés très étroitement aux problèmes avec lesquels
se débat le patient d'une manière psi-conditionnée" ...
(ibid, chap.
III, L'utilisation de l'hypothèse de télépathie en psychothérapie, p. 38 à 53).
_( F1, 35) met en relief cette situation
d'impasse : "Si vous êtes paniqué par ces problème là et que sur un divan
ou sur un fauteuil ou dans la vie courante, quelqu'un vous offre, vous fait
vivre, vous apporte une expérience ( . . . ) , qu'allez-vous faire ? Si vous
n'avez, vous, jamais eu accès à ce genre d'expérience là ? Si vous êtes honnête,
vous allez ouvrir de grands yeux en disant : “Attendons voir ce qui se passe.".
Seulement, l'autre ne va pas du tout se sentir accueilli (... ). Si l'analyste
est honnête, il va se poser des questions. Mais s'il ne s'est jamais posé de
questions, ça va être le raz de marée ! Il risque, lui, de se casser en deux.(
... ). Comme ce n'est pas le moment - vous n'êtes pas chargé de vous casser
en deux lorsque vous êtes responsable de la personne qui travaille avec vous
- il reste la solution - la plus saine,
je ne dirai pas -, de passer la porte et de dire : "Ce genre de choses,
ça n'existe pas".
Une défense en béton ! Je pense que le
problème s'est posé pour un certain nombre d'analystes. Alors soit ils se réfèrent
à Freud, soit à Dieu sait qui ! Mais il leur faut une référence pour s'agripper
et renforcer leurs défenses ! Seulement, qui paie les pots cassés ? Eh! bien,
c'est l'analysant. . .", (F1,35-36).
_Inversement (D, 4) ,elle,
a réussi à débloquer une thérapie : "Ca m'a permis, d'ailleurs, de faire
avancer énormément une thérapie qui piétinait".
En résumé, J. Eisenbud
et plusieurs analystes interviewés montrent que l'admission de la télépathie
permet de résoudre des cas d'analyses qui parfois, sans elle, seraient vouées
à l'échec.
Dans son article déjà mentionné, E. Hitschmann
revient sur son scepticisme face à l'existence de processus télépathiques.
En effet, un incident pour ainsi dire
de même nature que le cas "Vorsicht" est survenu dans sa pratique
analytique en 1932-1933 : Un patient lui demande, alors qu'il pense très fort
à une lettre urgente qu'il a oubliée de récupérer : "Ne venez-vous pas de parler d'une lettre ?"
Surpris au dernier degré, E.Hitschmann
examine toutes les associations de son patient au sujet de la lettre, pour vérifier
s'il s'agit bien d'une "transmission de pensée". Comme Freud, il cherche
d'autres explicatons - qu'il trouve - et demeure sur un "non liquet",
lui aussi. Voici l'alternative par laquelle il conclut :
. . ."Une personne au complexe anti-mystique
s'exclamera ici avec force que l'on ne peut être trop sceptique quand on envisage
la possibilité de la transmission de pensées. L'homme au complexe mystique,
toujours prêt, en revanche, à défendre les phénomènes occultes, adoptera un
point de vue différent sur l’affaire. Elle l'autorisera à considérer comme probant
le fait que le malade avait demandé à l'analyste si ce dernier avait parlé d'une
lettre au moment même où l'analyste pensait intensément à sa lettre…”
(Confrontation, ibid, p.11).
Toutefois, E. Hitschmann - comme Freud
- dans la dernière ligne de son article mentionne que "la situation analytique
semble cependant particulièrement propice" à ces occurrences.
_Nous avons cité ce passage parce qu'il
comporte l'expression "complexe mystique/ anti-mystique", que nous
avions retenue dans notre questionnaire d'entretiens (p.38).
Elle parle des rêves télépathiques en
cours d'analyse et préconise les "conseils techniques" de Freud :
... "On tient éloignées de son attention
toutes les influences conscientes et on s'abandonne complètement à sa mémoire
inconsciente. (L'analyste doit) à l'inconscient donneur du malade offrir son
propre inconscient comme un organe récepteur de téléphone est disponible à la
plaque du microphone. De même que la réception transforme à nouveau en ondes
les vibrations électriques de la ligne excitées par les ondes, de même l'inconscient du médecin
est capable à partir des rejetons de
l'inconscient qui sont transmis, de reproduire cet inconscient, s'il a déterminé
les pensées du malade" (ibid, p.29-30).
Nous trouvons explicité
le "modèle téléphonique" auquel Freud fait allusion à plusieurs reprises,
notamment comme le prototype de la communication spécifiquement télépathique
(voir p.110)
..."Le contact psychique entre l'analyste
et l'analysé durant la psychanalyse est si intime, le processus se jouant là
si multiforme, que l'on devrait s'attendre à y trouver des conditions qui favorisent
particulièrement l'existence de tels phénomènes"...
(ibid, p.28).
_Evoquons ici la métaphore de "l'analyste
plaque-photo sensible",. cité par (A4,11).
_(E1, 19-20) illustre très bien, ainsi
que dans les dernières pages- de son entretien, (E1, 35-36), cette notion de
"champ associatif commun" à l'analyste et à l'analysant : "Le
pain quotidien pour le psychanalyste, de la rencontre en analyse, c'est le surgissement
. ( ... ) .Je ne me prive jamais de dire ce que je pense lors des premiers entretiens
avec quelqu'un que je dois prendre en analyse. Bizarrement quelquefois, dans
des formes linguistiques, des mots qui viennent juste constituent le mot auquel
la personne était en train de penser ou le mot qui préside dans sa vie ! ...Le
mot dit comme déterminant.. .
et c'est vrai. Alors ça, ça m' arrive très , très , très souvent.(...
) Je crois qu'il y a du surgissement. Il y a eu du surgissement dans le rêve,
dans toute chose. On nous en fait part et on laisse à
celui qui écoute la relation de ce surgissement, que surgisse en lui
aussi quelque chose qui n'est, bien s ûr, pas en rapport avec tout ce qui est
dit, avec les associations... Ca ne suffirait pas pour que surgisse l'interprétation.
( . . . ). Ca m'a permis de penser qu'il y a quelque chose d'autre qu'une écoute
bien attentive, scolaire, consciencieuse, de ce qui est dit. Freud ne nous a
pas dit : "Faites bien attention à ce qu'on vous dit, hein ! Parce que
sinon vous allez perdre des éléments !...",(E1, 19-20).
Cet analyste pense également
que l'interprétation doit surgir dans ces conditions : "Je dirais même
que l'interprétation, le moment juste où il faut la donner."..(c'est dans
ce champ contre-transférentiel, spontanément).
Freud se réfère à elle dans Rêve et occultisme, comme nous l'avons
vu, pour l' épisode de "la pièce
d'or" qui fit irruption, tel un "corps étranger" dans la vie
de l'enfant, alors que c'était sa mère qui se préoccupait d'une pièce d'or
ayant "joué un certain rôle dans son enfance."
Dans son article, D. Burlingham donne
trois autres exemples de transmission de pensée télépathique entre des enfants
et leur mère. Soulignons que le rôle du père est mineur dans la production de
telles occurrences (toutefois, (F2,3-4,5) nous fournit un exemple de télépathie
père/ fils ).
C. Moreau dans son ouvrage mentionne que
dans un article plus récent, Empathy between
infant and mother, in J. Am. Psychoanalytic
Ass., 1967, 15, 764-780, D. Burlingham nuance le jugement contenu dans son
premier texte de 1935, et insiste davantage sur l’"empathie", la capacité
d'observation très fine de l'enfant. Celui-ci puiserait des informations dans
les mimiques et la gestuelle de la mère.
_La question est donc de distinguer l'empathie
de la télépathie : question que pose très clairement (A4,5-6) : "Le problème
est donc de savoir comment ça se passe métapsychologiquement. La première chose
c'est la relation entre télépathie et empathie. Parce que, quand on travaille
en "attention flottante" avec le patient, au bout d'un certain temps,
quand on le connaît bien, on est amené(e) à vivre dans une certaine empathie
avec lui, où il se passe des phénomènes de communication, je ne peux pas dire
curieux car on finît par y être habitué (e) . Au début ça l'est, après ça devient
banal. Mais est-ce de la télépathie ou de l'empathie avec quelqu'un dont on
connaît bien le fonctionnement mental ? Avec qui l'on se sent en phase ?"
(A4,5).
_Nous avons vu que beaucoup d'analystes
employaient, préférentiellement le terme "empathie" pour expliquer
d'éventuels processus de "transfert de pensée", apparemment télépathique
(A1, 6-7, 14-15)...
Cet article, dont la première version
anglaise date de 1981, nous semble fondamental en ce qui concerne le positions
psychanalytiques les plus actuelles
au sujet de la télépathie.
Nous n'avons pas le loisir -malheureusement
- d'examiner ici en détail cet article. Nous nous contenterons de donner les
passages les plus saisissants, les plus éclairants aussi.
Ainsi, la notion d'inconscient personnel
(du patient) est remise en cause :
..."Bien que
la notion d'un inconscient qui appartiendrait "en propre" au sujet
paraisse discutable, elle indique à la fois la séparabilité et la non-séparabilité
des champs associatifs soumis au régime du processus primaire. L'art de l’interprétation
s'y distingue moins comme l'oeuvre du sens relevant d'une logique secondaire
que comme l'appariement inconscient de représentations survenant dans un processus de communication
entièrement soumis à un régime qui remodèle le temps et l'espace. On ne s'étonnera donc pas que les conditions
de l'expérience analytique, qui supposent que analyste s'adonne à un processus
de réflexion régressive, donnent lieu à des phénomènes de divination de pensées.
Sans doute ces transferts de pensées servent-il de principal étai à l'interprétation.
Cette disposition
psychique de l'analyste, faisant place à une tendance accrue à la communication
empathique avec l'analysant, peut aller jusqu'à faire apparaître des phénomènes
de télépathie ou des phénomènes comparables". (..: )
(ibid, p.71).
L'existence objective de la télépathie
est prise en considération. Rappelons les tournures euphémiques ou ambivalentes
qu'employait Freud :
. . . "Je
dois cependant avouer qu'il m'est arrivé ces dernières années quelques expériences
remarquables qu'on aurait pu facilement
expliquer en admettant l'hypothèse de la transmission de pensée télépathique"
...
(La Psychopathologie
de la vie quotidienne, édition de 1924, cité par Schur (M.), in La Mort dans
la vie de Freud, Paris ,Gallimard,1975).
. . . "La
balance semble pencher vers la véritable transmission de la pensée" ...
(Rêve et occultisme,
ibid, p.59).
..."Avouons-le,
à mon avis la balance penche ici encore du côté de la transmission de pensée"...
(Rêve et occultisme,
ibid, p.74, voir p.128-129).
Des analystes-chercheurs post-freudiens
comme E. Servadio, J. Eisenbud, etc... ont certainement ouvert la voie à ces
travaux plus récents.
Pour R. Major et P. Miller, la télépathie
est un surgissement dans un "lieu intermédiaire" :
. . . "Dans le premier temps du travail
de l'interprétation, il se produit un
transfert de pensée qui fait qu'un désir inconscient subit un changement de
lieu psychique si l`on considère que le "lieu de l'interprétant” constitue
un espace intermédiaire qui ne tient ni de la seule activité psychique de l'analysant
ni de celle de l'analyste mais d'un "médium” où se croisent différents
représentants inconscients de l'activité pulsionnelle. Ce processus est comparable
à ce que nous pouvons observer dans l'expérience télépathique."(…)
Le deuxième temps de l'interprétation
est de caractère visuel - fantasmatique :
“L'analyste se voit
lui-même sujet et objet (d') un fantasme en rapport avec celui de l'analysant"
(. .. ).
Enfin, le troisième temps,
“fait donc passer les représentations du champ de la pulsion à voir à celui
de la pulsion à entendre. La communication empathique-antipathique est alors
relayée par l'image acoustique (le signifiant) qui peut donner lieu à un "inter-prêt"
; ce qui constitue, cette fois comme au réveil, une interprétation de l'expérience
télépathique qui vient de se produire dans l'état où l'analyste s'est lui-même
abandonné à sa propre activité psychique inconsciente".
(ibid, p.72).
Le processus de la transmission de pensée
télépathique n'est plus le fait de deux individus seulement (analyste/analysant)
mais intègre ce "lieu intermédiaire” - "médium" -, au sens où
l'Inconscient, lui-même, est un "lieu" dans la topique freudienne
(Topos, en grec = lieu ; topique.)
L'espace intermédiaire est sans doute
le lieu d'intersection (inter-ception) de
deux inconscients qui en produisent pour ainsi dire un troisième, objectif,
à la fois commun et impersonnel aux deux autres .
_(F2, 18) l'appelle la “commune inconscience”
; “vécue dans une, identité archaïque entre l'analysant et l'analyste"
. Il précise : "C'est ça, le transfert pour Jung. C'est sensiblement différent
de ce qui se passe dans le transfert pour Freud."
_( E2, 20) , lui, conceptualise
ce "lieu intermédiaire" comme l"'ouverture d'un champ". "Oui, c'est un champ...
"Ouvrir un champ". Notre attention, c'est l'ouverture d'un champ.
Et une certaine disposition intérieure qui ouvre - ou qui ferme - un champ.
Ca, c' est fondamental ! Il y a des moments où l'on ouvre. De toutes façons, on ouvre ou on n'ouvre pas.
C'est ouvert ou c'est fermé. L'ouverture est toujours dans le sens de cette
"attention” qui est communication. Et qui fait que, si nous entrons dans
cette disponibilité intérieure, nous
sommes à l'écoute de l'autre. Entre deux séries de fantasmes, celle où le patient
(ou la patiente) se trouve et notre série à nous - où "nous" nous
trouvons - il y a un croisement, comme ça. Et à ce point là…(…)
Nous comptons sur le fait
que ce "Là" va être. L'expression d'une de mes patientes : "Je
me sens devenir le "Là" du diapason de l'autre". Pas beau ça
? Hein ! Le Là...Etre le Là du diapason de l'autre, c'est dresser l'antenne
qui fait que hors de notre désir conscient ou de notre volonté, tout ce qui
va survenir va contribuer à constituer un champ nouveau où l'existence pourra
s’élargir (E1,24-25).
(... ) Mais voilà une chose étonnante.
Je suis dans une certaine disposition d'esprit. Je crois être pris dans des
fantasmes imbéciles. Je m’enfonce dans mon fauteuil. Et quelque chose me touche
au plus profond et je démarre : Je réponds. Quoi ? D' ailleurs, je n'en sais
rien! Je dîs un truc et ce truc "ouvre" quelque chose. Brusquement,
je sens qu'un masque tombe, descend. Quelque chose est inauguré. Dès la première
séance… Et qui n'a rien à voir avec ce que moi je pense. Mais voilà ! Un petit
coup d'antenne s'est manifesté, quelque chose m'est venu comme n'étant pas de
moi, m'a poussé à parler, m'a fait parler de choses dont je n'avais pas du tout
l'intention de parler. Puis, en fin de compte, quand je l' ai dit, je me suis
aperçu que c'était un "tout" cohérent, qui pour moi-même est une espèce
de découverte !", (E1,25-26).
• Ce qui est remarquable
ici, c'est le mot "antenne", qu'employait également (F1, 5) pour désigner
les facultés télépathiques d'un individu : "Je crois que si on a les yeux
et les oreilles ouverts... Je ne parle même pas des "antennes" parce
que ce n'est pas un terme scientifique !(... ). Il est difficile de ne pas avoir
d'expérience (s) où de ne pas s'ouvrir à ça dès l'enfance" (il parle des
phénomènes parapsychologiques)
[4]
.
_(E2, 16) emploie aussi ce même terme
d"'antenne" pour qualifier tes capacités télépathiques, intuitives,
du petit enfant; elle pense que Freud a éliminé d'emblée ce terrain d'études
: "Sinon il n'aurait pas été comme il a été avec Ferenczi et puis Jung.
Je pense qu'il n'a pas du tout supporté tout ce qui pouvait être "intuitions
du petit enfant". Par exemple, la façon dont un enfant est avec ses parents
et celle dont il peut développe des "antennes". Nous avons des travaux
sur la façon dont, très tôt, les enfants développent des "pare-excitations"
- ce sont des "paranormaux", en fait… par rapport à leur mère. L'enfant
est le "pare-excitation" de la mère et la mère est le "pare-excitation"
de l'enfant" (F2, 16).
Nous retrouvons la thématique, désormais
classique à nos yeux, de la relation mère/enfant. En effet, nous avons souligné
celle-ci comme le support de phénomènes dits paranormaux et/ou télépathiques,
aussi bien durant l'enfance que lors de la "régression" qui accompagne
la cure analytique. Une fois de plus, c'est le "champ maternel" qui
semble l'inducteur ces phénomènes : "Le nourrisson vit en symbiose complète
avec sa mère. (…) Il y a une symbiose en permanence. Cette énergie
dont nous parlions tout
à l'heure, véhicule énormément d'information
(s) (il parle des énergies de l'Inconscient, débloqués par les archétypes) .
Celles-ci, jusqu'à l'âge de 7 ans( ... ) , et surtout dans la relation à la
mère plus qu'au père
et indépendamment du sexe de l'enfant
- mais ça se passe aussi beaucoup dans le "champ maternel". Beaucoup
de médiums, d'ailleurs, sur le plan
analytique (c'est ainsi
qu'on les nomme en vieux termes, en parapsychologies) sont des femmes",
dit (F1,21).
Four R. Major et P. Miller, c' est le
corps qui constitue un espace psychique parcouru par (les ondes ?) de la transmission
de pensée (p.2) .
Voici l' exemple, assez étonnant, qu'ils
rapportent :
. . . "Une collègue nous a rapporté
qu'elle avait été réveillée à une heure de la nuit où elle ne s'éveille
jamais, alors qu'elle rêvait que son fils, dans une autre pièce de l'appartement,
était en train de s'étouffer. Elle se leva et se précipita vers la chambre de
son enfant, juste à temps pour lui sauver la vie. L'enfant n'avait poussé aucun
cri. Aucun signal, visuel, acoustique ou autre, n'avait pu contribuer au réveil
de la mère" ...
(ibid, p 73) .
Cet exemple concerne toujours la relation
mère/enfant ; sans doute le "narcissisme primaire" (A2,4), "l'unité
duelle primaire" (E2,21).
Il confirme par ailleurs ce que dit (A3,28)
: "D'autres collègues à qui des histoires semblables sont arrivées,
en racontent. Je vous dis, on en parle de temps en temps" ; c'est-à-dire
que ces récits demeurent oraux.
Analyste lacanienne à l'origine, Michèle
Montrelay présente un exemple, aussi, de mouvance dans son cursus personnel.
Elle a participé dernièrement ( fin 1984) au Congrès sur l'énergie du Ki
[5]
au Japon.
Sa première question, dans son article,
est :
. . . "Quelle sorte de signifiant
emprunte dès lors le signifié? Comment voyage la pensée ? On n'en sait rien.
Le fait qu'il y ait énigme passe au premier plan, et décourage très vite la
réflexion.
Chacun raconte son anecdote, on partage
l'étonnement, mais il est inélégant d'insister. S'attarder sur l'inconnaissable
serait faire preuve de complaisance envers l'occulte et l'irrationnel. On sait
d'ailleurs quelle résistance Freud rencontrait lorsqu'il s'y risquait"...,
(ibid, p.111).
rappelle-t-elle.
Résumer son article est difficile. Nous
tenterons de dégager les idées maîtresses de sa réflexion théorique.
1° / Pour elle, la transmission de la
pensée existe, y compris d'une génération à l'autre. C'est l'explication qu'elle
donne de la "forclusion" - "part _retranchée du symbolique", (B3, 7) -
qui informe et organise cependant le corps d'un patient, à son insu :
..."les humains semblent voués à
transmettre non seulement la vie, mais un stock d'informations, avec du corps
et des mots qui du même coup leur sont soustraits"…
(ibid, p. 114).
dit-elle.
2°/ Le titre de son article, Lieux et génies, n'a rien de surnaturel.
Elle s'en explique ainsi :
..."Disons que l'ensemble des "pensées"
qui passent en acte à travers nous, n'est peut-être finalement rien d'autre
que ce qu'on appelle "le génie""...
(ibid, p. 115).
Elle prend ce terme au sens de : a/ "genie"
d'un lieu, d'une langue = ce qui est le plus typique, spécifique, d'une chose
ou d' un être.
b/ "puissance tutélaire" : au
sens de protection, comme celle révélant à Freud qu'il serait un jour "un
grand homme" ou "ministre", voir p. 93).
c/ "lieu" : "génie"
d'une maison et/ou d'une lignée d'ancêtres. d/ "génie constructeur"
: art de construire les ponts, les barrages, les routes, etc.... toutes choses
qui font circuler ou transforment les énergies. . .
En résumé, pour Michèle Montrelay, la
télépathie a à voir avec la “transmission-organisation" de la "pensée"(
= "génie") dans le corps.
3°/ Elle envisage l'"espace"
du transfert/contre-transfert, comme R. Major et P.Miller : un "lieu intermédiaire"
créé par la situation analytique.
Ce sont ces "champs associatifs"
activés en commun à la fois par l'analyste et l'analysant. Ils n'engagent plus
un simple décodage à visée interprétative mais, à la limite, créative.
Parlant de l'"attention flottante",
elle introduit cette nouvelle définition :
..."Le mot "flottant" désigne
un type particulier de distribution du signifiant. Soit l'ensemble de mots compris
dans le récit d'un rêve. On peut les situer dans un espace classique de type
cartésien. Un mot suit l'autre. Les phénomènes qui les composent, les lettres,
les ponctuations etc... occupent une portion de l'espace séparable de toutes
les autres.
Soit maintenant un autre ensemble qui
comprend à la fois ces mots et les chaînes d'associations qu'ils suscitent de
la part de l'analysant et de l'analyste. Chacun des signifiants qui lui appartient
est une entité distincte, mais aussi, il tient repliés en lui-même une quantité
d'autres signifiants que le travail d'association déploie simultanément. Par
exemple le mot "indicible" contient "indice", "cible",
et "dix", "inde" phonétiquement etc... Autant de mots qui
peuvent figurer dans x chaînes d"associations. Un espace où chaque point
en contient une infinité d'autres n'est pas de type cartésien. Qu'on y plonge
un objet - ici le récit du rêve -, de linéaire qu'il était, non seulement il
se feuillette, se démultiplie, mais chacun de ces éléments est à la fois ici
et partout ailleurs. Tel est le champ de type flottant.
Elle compare l'interprétation d'un rêve
à celle d'une partition musicale, avec des résonances, des connotations (voir
phrase mise en épigraphe, p.)
. . . "Si interpréter
un rêve veut dire non pas en donner une explication, mais le déployer dans le
champ flottant, il s'agit là d'un exercice
peu différent de celui du musicien qui reconstruit une partition. Non seulement
on prendra le rêve comme un système de plans logiques, de rythmes, formes etc,
mais on prêtera à ses éléments toutes sortes de valeurs sonores, sémantiques,
visuelles , spatiales , qui mettent en jeu tout autant l'histoire, la culture,
le langage, que la sensibilité et le corps de l'analyste et de l'analysant.
Il s'agit donc, ici encore, de "réactiver
un système donné""... (ibid, p. 119).
4°/ Voilà pourquoi M. Montrelay évoque
le concept de "non-séparabilité" qu'elle emprunte à la physique théorique
(quantique) actuelle. Elle fait
référence au paradoxe E.P.R. - Einstein, Podolski, Rosen - mais préférentiellement
à d' Espagnat (ibid, p.120-121).
Elle distingue cependant ce concept tel
qu'il est utilisé en physique de l'acception qu'on peut lui donner en psychanalyse
: On ne peut pas transformer les systèmes physiques régis par la non-séparabilité,
explique-t-elle à la suite de d'Espagnat; alors que l'espace créé par l'analyste
et l'analysant comme "champ associatif intermédiaire"- médium - est
une pure invention/création à visée réorganisatrice du temps et de l'espace,
comme le disaient déjà R. Major et P. Miller :
. .."La règle de libre association
vise à tout autres effets. Elle tend, en synergie avec l'attention flottante,
à ouvrir une sorte de lieu où l'on ne peut pas décider si telle information
appartient à l'analyste ou à l'analysant. Le protocole analytique produit donc,
expérimentalement, la non-séparabilité, à l'intérieur du système d' information
qui est le sien..."
(ibid, p. 121).
Dès lors, les lois du déterminisme sont
bousculées ; le corps y a sa place :
... "Transmettre
une information, faire passer une pensée, cela revient à produire en acte un
champ où passé, présent, futur, aussi bien plusieurs points de l'espace communiquent
entre eux. Le propre de la psychanalyse c'est qu'elle construit ce champ à
deux : un travail, où le corps, le désir, la vigilance, l'imagination de l'un
ne le cèdent en rien à ceux de l'autre (. . .) ".
(ibid, p. 125).
Nous jugeons ces passages essentiels,
clés, pour comprendre certains entretiens, notamment (F1), et principalement
(E1).
_(E1, 27-29) relate ainsi deux anecdotes
: a/ celle du "bateau qui a le nez à l'envers" (qui nous fait penser
à celle racontée en A1,4-5) et b/ "l'étymologie du mot "félon"".
Dans ces deux exemples, est mis en évidence
un "champ associatif" qui se comporte comme un système - "un
tout cohérent"-. "Qui c'est ? Un dictionnaire à la place ?" ,
interroge (E1,29), constatant l'autonomie de l'ordre signifiant.
_"Alors ?... On me dira (... ) :
Ce sont des coïncidences, des hasards ! D'accord. Mais des hasards merveilleux.
Qu' est-ce qu'un hasard ? C'est une rencontre. Qu'est-ce qu'une rencontre ?
C'est un hasard qui devient nécessaire" , déclare-t-il.
(... ) "Le hasard qui devient nécessité.
Au fond, c'est la rencontre d'un Ailleurs. La rencontre d'un Ailleurs : pourquoi
ne pas dire comme ça ce qu'on a l'habitude d'appeler parapsychologie, machin,
truc, etc... ou télépathie ? Cette rencontre de l'Ailleurs, on la fait tout
le temps. Seulement voilà, il y a des gens (. . .) plus ou moins ouverts à
ça" (E1,31).
• Comme M. Montrelay qui comparait l'interprétation
d'un rêve à celle d'une partition musicale, il fait référence aux domaines artistiques
comme lieux d'actualisation immédiats de cet Ailleurs, à prendre au sens de
la physique des particules corrélées qui "télégraphient dans l'Ailleurs"
à une vitesse supérieure à celle de la constante de la lumière" (E 1, 12-13)
_( . . . . ) "Et la dimension de
l'Ailleurs, telle qu'elle apparaît chez un poète, un architecte, un artiste,
elle est toujours là" (E1,31).
•
Il disait de lui-même et du métier d'analyste . "Ah! Oui! (Je suis)
"un entr'ailleurs " ! (E1, 11) .
La psychanalyse, selon lui, est favorable
à l'ouverture de ces "champs associatifs" . "Alors, ce point,
justement, de rencontre où l'Ailleurs nous frappe, ce point d'impact d'un monde
qui est entièrement "ouverture" et qui vient, par l'antenne, se glisser
en nous et faire de nous une ouverture, ça, c'est merveilleux ! L'existence
même ! "Ex-sistence", c'est s'ouvrir, appeler "hors de soi".
Alors, justement, si nous sommes une antenne convenable, toute ouverture devient
possible" (. . .)(E1,32).
•
Dès lors, le champ psychanalytique est l'espace où s'opère -"hic
et nunc" - l'intersection des-organisatrice/ré-organisatrice du corps et
de la psyché : "Eh ! bien, nous autres, les psychanalystes, nous nous occupons
de ce lieu qu'est le corps - à proprement parler - du désir et du plaisir. Alors
là, il y a une rencontre qui se fait entre la causalité corporelle, qui est
organique, et puis cet "Ailleurs" du désir hein ! Il y a des lieux
de paroles "orgastiques", comme cela, de paroles qui viennent de l'Ailleurs
qui fait que nous nous sentons être des existences traversées. Eh ! bien, moi, personnellement, c'est ma conception de
l'analyse, hein ! Nous sommes là, en analyse, dans un lieu dit de "transfert"
pour que nous nous sentions traversés.(. . . ). Traversés par quoi ? Par l'Inconscient,
bien sûr !" (E1, 33).
•
Pour lui, l'Ailleurs est le lieu (topos = l' Inconscient ?) générateur
du sens, en dehors du sujet.
Ex-lacanien, nous sentons
chez lui des résonances de la formule de J. Lacan : "Ca parle". L'Inconscient
est avant tout organisation de signifiants ; selon lui : "La linguistique
nous montre qu'il y a un autre sujet, que le signifiant constitue son propre
monde indépendamment du sujet, que le signifiant constitue son propre monde
indépendamment du sujet qui croit être le sujet de la parole. Il y a un autre
sujet, hein ! Que la linguistique nous montre au travail, qui fait que signifiant
et signifié, en permanence, viennent justement se donner une sorte d'appui réciproque"
(E1,33).
•
Toutefois, nous avons vu que cet analyste est un exemple de "changement
de voie " particulièrement frappant. Présentement, la position lacanienne
accordant la primauté au seul langage lui semble insuffisante. Il dit qu'il
"pense du bien des gens qui s'intéressent aux images" -comme Jung
- parce que, pour lui, les images sont ontologiques : "Où est l'image de
l'Univers?(. . . ). Tu connais un Univers sans image ? Si tu comprends bien
ce que je veux dire ! Non pas un univers où il y a des causes limitées, on le
sait, par la constante de la lumière. Mais qui est de la pure simultanéité,
ce que la physique contemporaine exclut. Où est-ce qu'est apparue la simultanéité,
si ce n'est uniquement dans l'image du monde ?"(E1, 3) .
•
La technique et la praxis analytiques deviennent donc, une expérience
commune de l'Ailleurs", d'où surgit le sens :"Ah ! oui...Moi, je travaille
avec ça. Maintenant, je travaille uniquement avec ça. Je sais, quand les gens
viennent, qu'ils vont suivre les voies de la règle fondamentale, comme en analyse.
Mais je sais, moi, un peu dans mon "secret intime" de l'interprétation
de ce que c'est que l'analyse, qu'il s'agit d'autre chose que ce qu'on dit d'ordinaire.
. . Il s'agit de la "Semantein", justement. Et que de l'Autre survient.
Et que je suis là comme l'oiseleur attendant les oiseaux... J e suis là dans
l'attente. Je ne suis pas un spirite ni un mage. Mais c'est mon expérience que
d'un moment à l'autre, dans la journée, quelque chose est là présent, comme
une espèce d'ectoplasme ou de substance, qui fait que les gens y entrent, dans
un Ailleurs qui est déjà-là et qui les attend. Et puis moi aussi, par dessus
le marché !" (E1,35-36).
_(E2, 4) , elle aussi,
pense qu'il existe un "lieu de rencontre" entre l'Inconscient de son
patient et le sien propre : à condition de passer outre l'intellect et l'élaboration
rationaliste : "Moi, ce que je regrette dans la psychanalyse, c'est que
c'est devenu une grille. Et ça empêche énormément des éléments de surgir. Quelques
patients, par exemple, sont psychologues ou psychiatres. Alors, ceux-là ! Ils
savent tellement de choses intellectuellement qu'il n'y a plus de découverte
possible... Ces phénomènes paranormaux - de petits phénomènes paranormaux que
l'on trouve aussi dans la cure - en fait, font partie de la rencontre de l'analyste
avec son patient et du patient avec son analyste. Ca fait partie de la découverte
que l'on peut faire l'une avec l'autre. Moi, j'ai plusieurs patients, en ce
moment, qui, me parlent des Poissons. Et en fait, je suis du signe des Poissons
! C'était avant le mois de mars. Ils me disaient qu'ils aimaient beaucoup, beaucoup,
les gens du Poissons ! L'autre jour, quelqu'un m'a dit "Demain, c'est..."
Bref, m'a parlé de ma date d'anniversaire par personne interposée .( ... ).
En fait, cette patiente s'est mise à parler de cet homme. Il est né le 10 mars.
Moi, je suis née un 10 mars. Ce qui est assez étonnant !", dit-elle (E2,4-5,6).
Elle pense, donc, qu'il existe un "Inconscient
poétique", impersonnel, où se font les "rencontres signifiantes":
"Je pense qu'il y a des rencontres. (...) C'est vrai qu'il y a un Inconscient
comme ça, "poétique". Il y a des mythes qui fonctionnent au niveau
de l'Inconscient collectif. A ce moment là ils se rencontrent, se mettent en
branle - parce qu'on est porteur d'histoire (s)- quand il y a une rencontre
avec quelqu'un", dit-elle (E2,7).
Le champ de l'analyse, dès lors, est ce
lieu privilégié de la "rencontre des Inconscients" - d'une manière
proche de la "coïncidence": "Moi, je trouve qu'il vaut mieux
que ces choses se passent. Ca inaugure d'une bonne relation, d'une bonne rencontre
et où les Inconscients se sont rencontrés. Je pense qu'il vaut mieux vivre ça
avec l'analyste, plutôt que de faire des rencontres où il ne se passe rien (...
). Certaines rencontres donc, que l'on fait, permettent beaucoup plus l'émergence
de ces phénomènes que d'autres. On peut passer à côté comme on peut tomber sur
quelqu'un avec qui on peut prendre possession de ce qui est passé à côté de
soi", dit-elle (E2, 8, 28).
Le métier d'analyste,
comme le pensait (E1,35-36), consiste, pour elle aussi, à faire entrer le/la
patient(e) dans une forme d'"ailleurs", représenté par cet "Inconscient
poétique", objectif, comme diraient les Surréalistes : "Mais peut-être
qu'en tant que psychanalyste, de toutes façons, on a affaire à des phénomènes
paranormaux ?", conclut-elle.
Nous dirons quelques lignes de ce dernier
article intitulé : L'Ange dans ses rapports
à l'enfant mort et au fantôme, en raison de la présentation d'une
modalité contre-transférentielle inhabituelle : Il s'agit d'un contre-transfert
vécu sur le mode corporel :
..."Ce silence
avait encore une particularité - que je n'avais pas encore appris à reconnaître
comme une expression du transfert - il me faisait mal au ventre. Une incroyable
crispation me saisissait dans l'abdomen. Au bout de quelques mois cela devint
insupportable. J'avais envie de crier et de la mettre à la porte"
(. . .) ,
(ibid, p.133).
dit-il, parlant d'une de ses patientes
qui, pendant des mois, vient régulièrement à sa séance et se tait : Elle désire
régresser dans le ventre de son analyste à la manière d'un enfant mort .
_(D, 44 et E2,21), rappelons--le, rapportent
des exemples contre-transférentiels similaires (D, 44 est "malade à en
mourir" et E2, 21, prise de violentes quintes de toux).
Dans cette dernière partie, nous résumerons
les aspects importants saillant de notre matériel.