Marie-Christine Combourieu – 1985
La communication extra-verbale s'articule
sur les couche archaïques et affectives de la psyché, pour une partie : c'est
pour cette raison qu'elle est perçue par nos analystes à la fois comme une modalité
de communication dite paranormale et/ou télépathique, et un résidu irréductible,
une toile de fond de toute relation humaine, (A3, 26-27)...
1°/ Certes, le surgissement d'occurrences
paranormales ou télépathique étant liées à la résurgence ou à l'activation des
couche pré-oedipiennes de la psyché -c'est-à-dire pré-verbales-, si l'on s'en
réfère à la théorie freudo-lacanienne instituant l' Oedipe comme la phase d'acquisition
à la fois du langage et de la Loi par le sujet, il n’est guère étonnant, dès
lors, qu'au cours de la "régression" accompagnant la cure analytique
re-surgisse une modalité communicative spécifique de ce stade, (A3,12, 27 /
I, 12).
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Comme dit (I, 13) : "Je pense que
chacun de nos sens s'est structuré à un certain moment de notre évolution et
celui-ci, si c'en est un, a pu se structurer à des périodes très anciennes (...)
. Dans les tout premiers stades oraux, avant le stade oedipien ."
L'utilisation de ce "sens" resté
en "arrière-plan", comme le dit Freud, n'est pas pour autant "paranormale",
ni anormale : "Utiliser la télépathie qui est donc un mode très archaïque
de fonctionnement, au stade de la fusion, ne veut pas dire qu' on n'a pas de
limites ... On est capable de passer outre celles-ci en utilisant des mécanismes
structurés à un moment où elles n'existaient pas encore. Je ne pense pas qu'on
soit pour autant psychotique ", ajoute (I, 18) . (D, 28, 34, est du même
avis) .
Par conséquent, la modalité communicative
adoptée ici renoue avec "l'affective tune" relationnel , dont le prototype,
encore une fois , est la relation mère/enfant et le mode de perception, celui
des "affects et du tonus maternels
; pas le langage, (A1, 15).
Nos analystes emploient pour désigner
de mode de communication les concepts de : "harmonisation", "synchronisation",
(A1,14-15), "synchronisme", (I, 7) , "empathie/intuition",
(A1, 14 / A4, 5-6 / B4, 1, etc.), reposant sur un accord non-verbal, avec ou
sans médiation /support corporels :
a/ Pour certains, une sémiotique corporelle
entre en ligne de compte dans la communication extra-verbale : (A1 , 14 /A3,
11 /B1,4/ B4, 5 / F2, 21-22 / G, 17-18 / H1, 6-7).
La réflexion la plus originale à ce propos
nous semble être celle (A1, 14), qui introduit le concept de "contre-attitude"
: "J'ai été très intéressé par un texte que j'ai lu sur une exposition
faite par un Allemand, sur la communication extra-verbale. Sa thèse essentielle
-et je la crois vraie- c'est que la communication extra-verbale n'est pas destinée
à un interlocuteur. Ca veut dire que quand je fais des gestes, comme ça, avec
la main pour vous convaincre, ce n'est pas pour vous convaincre : Parce que
je regarde votre tête. Et c'est à votre tête que je réagis, ce n'est pas à ce
que je pense. C'est-à-dire que la communication extra-verbale est plutôt rétro-active.
Les phénomènes de rétro-activité, là, jouent un très grand rôle . (. . .) .
Ce sont plutôt des contre-attitudes qu'on contre-transfère".
b/ Pour d'autres, la communication extra-verbale
a pour support des indices plus ténus, participant davantage du "transfert
de pensée" : (A4, 11-12 / C, 9-10 / D, 43-44 / E1, 27 / E2, 16 / H1, 6-7).
En conclusion, voici plusieurs réflexions qui nous ont semblé pertinentes :
- "(Le psychanalyste)
essaie d'être une plaque sensible vierge. C'est un peu le "bloc magique"
de Freud. Là-dessus vient s'imprimer le discours du patient. Quand je dis "le
discours " et "plaque sensible", il n'est pas question du seul
discours verbal. Il y a aussi, une tonalité, ce que j'appelle "la chanson
de la parole", les attitudes corporelles, la tension qu'on perçoit d'un
patient qui est contracté, ou son abandon, son énervement ; il y a tout ce
que j'appelle l'"aura" du discours. (...) Ce n'est pas du "verbal"
. C'est compris, dit avec le verbal, mais ça n'en est pas entièrement. A table,
quand vous dites "passe-moi le sel", vous pouvez le dire amoureusement
ou avec colère : Ca sera toujours "passe-moi le sel". L'aura du "passe-moi
le sel" aura beaucoup plus d'importance que le sel lui-même. C'est toute
une alchimie entre le patient et l'analyste, sur laquelle on parle beaucoup.(
... ). On essaie bien de comprendre ce qui se passe mais j'ai l'impression qu'on
est encore bien loin du compte.( . . .) Parce que je pense que tout ne peut
pas être dit. Et tout n'est pas réductible à la métapsychologie analytique.
Sinon, on devient totalitaire et tyrannique. ( ... ). Dans la psychanalyse,
il y a des choses qui échappent à la psychanalyse. (. . .) Ce qui se passe
avec vous, dans l'analyse, c'est un morceau de quelque chose et un morceau de
vous qui réagit. Il y a des atomes crochus quelque part, des valences -c'est
pour cela que je parle d'alchimie- mais ce n'est pas la totalité. Ce terme :
"alchimie" évoque bien cette notion de "flou" de cette "partie
aveugle" qu'on a dans son analyse, dans sa propre vie" (elle emprunte
cette terminologie à Pierre Luquet), explique (A4, 11-12).
-"Il ne s 'agit pas d'analyse d'
"inconscient à inconscient", mais de communication. C'est-à-dire d'une
sensibilité qu'on peut appeler aussi : Empathie. C'est-à-dire une fusion
avec le non-dit de l'autre. Mais cela fait partie même de l'expérience courante,
entre toutes personnes qui se connaissent, qui peuvent se parler aussi, bien
dans le silence" , dit (B4, 1) . Ailleurs, elle précise : " Tout peut
être dit, mais jamais complètement. On ne peut pas dire... Je dirai qu'il n'y
a pas de vérité qui puisse être dite entièrement : Parce que justement, le réel
[8]
dont nous parlions
tout à l'heure, est bien impossible à dire ! Il se peut que ce soit au
moment où l'on arrive à un tel bord de l'impossible qu'interviennent les phénomènes
dont vous parlez. C'est possible qu'il s'agisse là d'une "jouissance"
: Au contact du réel impossible.( . . .) . En n'étant plus que la chose impossible
à dire. On est cela. On ne peut pas me dire en même temps qu'on l'est",
(B4, 12).
Enfin, du point de vue
qui nous intéresse -le rôle de l'extra-verbal dans l'analyse-, cette réflexion
de (I, 14) engage l'avenir des recherches dans ce domaine : "Les systémistes
montrent d'ailleurs, aujourd'hui, que cette information non-verbale a une part
considérable dans la thérapie, quelque soit l'école à laquelle appar tient le thérapeute
!'”(Voir aussi A3, 26-27)
[9]
c/ Notons toutefois les positions de (A2,
2, 11 ) et de (G, 12, 22) qui refusent, l'un volontairement, l'autre spontanément,
d'accorder leur crédit à la communication extra-verbale, telle que nous l'avons
définie ci-dessus.
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