REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (suite)

Marie-Christine Combourieu – 1985

B - POINTS DE DIVERGENCES

 

Pour un premier ensemble d'analystes interviewés, il existe une modalité spécifique, un "topos" , pour les occurrences dites paranormales ou télépathiques : un univers à part, (d') où elles surgissent et où elles se produisent en permanence, parfois.

Pour d'autres , la télépathie est une propriété du monde physique, encore inconnue, ou bien un état de l'être.


a/ La croyance en l'existence d'un monde à part : un "Ailleurs" de la modalité dite paranormale ou télépathique.

Cet univers particulier, ce "topos", diffère selon les théories :

 

1 ° / "Ailleurs" et psychose

 

En général, les analystes interviewés, de quelque École qu'ils soient, n'établissent pas de relation nécessaire entre le surgissement d'occur­rences dites paranormales et le monde de la psychose : sauf (B3, 5-7, 12), qui les associe spontanément : "Les phénomènes ... Qu'est-ce qu'on peut appeler ? Les phénomènes de "transmission de pensée" dont parlent certains patients ? C'est-à-dire, par exemple, le fait qu'ils reçoivent des paroles imposées. Alors, bon ! Vous pouvez référer ça ... Évidemment, on pense, on pense à ... la psychose : A une des expériences cruciales, quand même ! Repérée par Freud à propos de Schreber, par exemple... sous la forme de phrases qu'il entend d"'ailleurs", hein ? Bon, qu'on le compte comme hallucinations auditives. Ca existe, hein ! Mais, je veux dire, ça signale en même temps la psychose. ( ... ) Dans le cas des psychoses déclarées -puisque ça signe une psychose déclarée- enfin, quelquefois  ... Dans le cas des psychoses déclarées, ce qui fait retour, comme ça, au réel -puisque le sujet rencontre ça avec la même conviction que si vous, vous lui aviez dit une phrase- ce qui fait  retour, là; au réel, c'est ce qui est retranché de son univers symbolique. Entre autres formules . ( . . . ). C'est une thèse... que Lacan a développée autour de la question de la forclusion (plus loin, cet analyste mentionne un texte de Lacan sur Joyce, où ce dernier est présenté comme victime d'hallucinations télépathiques) .

Nous pensons que cet analyste est influencé par une théorie, qu'il se plaît d'ailleurs, tout au long de son entretien, à nous exposer : (B3, 6-7, 15-21 ... ) , par exemple, craignant même d'avoir à nous "faire un cours sur la structure du sujet,      (B3,6 ) !

Disons que les autres analystes différencient les occurrences d'ordre télépathique des manifestations psychotiques , où le sujet est éclaté et le Moi n'existe plus : (A3, 19 / A4, 14 / C, 7 / D, 39-40 / E1, 16-17 / F1, 30-32 / F2, 21, 23, 26 / H2, 29-32 / I, 18-19), même si les premières côtoient parfois les secondes : (A4, 15 / C, 6 / F2, 21 / H2, 31).

 

- Seul, (G, 12-13, 22) partagerait l'opinion de (B3, 5-7, 12) au sujet de la relation entre télépathie et psychose, notamment chez l'enfant :

 "_(L'enfant) est dans une certaine relation -beaucoup plus immédiate­ qui lui permet de savoir immédiatement si ce type là, il faut s'en méfier ou s'il est content, s'il est joyeux, peut se jeter dans ses bras ... Il "sait" , avant d'avoir fait  l'analyse des choses ( ... ). Ce qui fait qu'il sent très bien les choses . ( ... ). Et je pense que des gens qui -souvent- ont gardé une certaine sensibilité, comme ça, "à fleur de peau” avec le monde, sont des gens qui -sans être nécessairement psychotiques pour autant- ont quand même peu développé leur Moi. ( ... ). Ils ont conservé cette sensibilité, donc, de rapport immédiat du Moi. La plupart du gens l'ont perdue.( ... ). Peut-être un peu de débilité ; un peu de sous-développement. Pas forcément psychotique. Le psychotique, typiquement, n’a pas développé son Moi. Et lui, ça va être ... Je veux dire qu'il n'y a pas une relation forcément univoque entre la psychoe et cette sensibilité. Plutôt un sous-développement par manque de défenses", avance-t-il.

Dans les dernières lignes de l'entretien, toutefois, l'assimilation entre la télépathie, la symbiose enfantine et la psychose, est très net (G, 22).

 

-          *En revanche, (D,27) et (F1,30), spécialistes de parapsychologie, considèrent la fonction télépathique comme au pôle opposé de la psychose :

 

 - "Non. Vraiment rien d'une pathologie. Malheureusement, c'est souvent détourné vers la pathologie.(... ). C'est (plutôt) "un degré supérieur d'adaptation". Et une économie, de forces, de fatigues ... Les choses compliquées deviennent extrêmement simples. Les stress sont évités. On règle les choses au fur et à mesure qu'elles arrivent. C'est "la belle vie" !", dit (D,27). Plus loin, elle confirme sa position : "Vous avez des sujets "psi" qui sont psychotiques et des psychotiques qui ne sont pas des sujets "psi" : Ca n'a rien à voir du tout",(D,39).

-"Ah ! Non. Car la psychose, c'est autre chose ! C'est un espace, la psychose, où se produisent des tas de choses mais il n'y a personne pour  l'observer .Il n'y a personne pour l'intégrer. Il n'y a plus de Moi. Le Moi est éclaté. Pour s'occuper, au contraire, de parapsychologie, il faut être... Même à l'opposé", déclare (F1, 30) .

Nous pensons, donc, que (B3,5-7,12) et (G,12-13,22) sont tributaires, plutôt, d'une théorie.

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