REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (suite)

Marie-Christine Combourieu – 1985

b/ La démonologie, le spriritisme, la médiumnité

Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer le Diable, figure centrale de la démonologie occultiste (p.27 ).

En ce qui. concerne les "démons" en général, bons ou mauvais (dans l'Antiquité, ceux-ci n'étaient pas mauvais de façon univoque : Evoquons, par exemple, le "daïmon" de Socrate), mais plutôt mauvais depuis la Réforme - pense Freud -, dans son article déjà mentionné : Une névrose démoniaque au 17e siècle (1923), il écrit :

..."La théorie démonologique de ces sombres temps avait raison contre toutes les interprétations somatiques de la période des sciences exactes. Les possessions répondent à nos névroses(... ) Pour nous, les démons sont des désirs mauvais, réprouvés découlant d'impulsions repoussées, refoulées. Nous en écartons simplement la projection que le Moyen-Age avait faite de ces créations psychiques dans le monde extérieur ; nous les laissons naitre dans la vie intérieure". . .        (ibid,p. 211).


 

Pour Freud, le spiritisme - ou pratique de la possession par un esprit qui "descend" dans l' Inconscient du médium - est un cas particulier de possession démonologique.

Dans d'autres cultures évoquées par (A1, 19 /A2,6, 18 /H2,30-31), cette pratique donne lieu à des cérémonies rituelles à visée thérapeutique (H2, 30-31) .

Ces deux analystes évoquent, donc, la pratique du chamanisme 1 [1] )

Les travaux de J. Favré-Saada sur la sorcellerie dans le bocage vendéen sont évoqués par (B3,13).

Pour Freud, en revanche, les "esprits"  sont de simples projections de l'Inconscient du médium clivées à l'état normal mais capables de s' ex­térioriser lors de "modifications de l'état de conscience vigile" (voir _(D,35) au sujet des "états de conscience" psi "altérée" et (F2, 10, 17...).

C'est à S. Ferenczi, cette fois, dont Freud partageait les vues sur cette question que nous emprunterons la définition suivante :

. . . " Il est tout à fait possible que la plus grande par des phénomènes spirites s'expliquent par un clivage simple ou multiple dans le fonctionnement mental, une seule des fonctions étant concentrée dans le champ de la conscience, tandis que les autres s'exercent de façon automatique et inconsciente. Ceci pourrait expliquer comment un médium peut guider une pièce de monnaie sur un alphabet de façon à former des mots intelligibles, et cela de façon automatique et inconsciente, sans la moindre intention de frauder"...

(in Ferenczi (S.), Spiritisme, Gyogyaszat, 1899, n°30. En anglais, traduit par Fodor, in Psychoanan. Rev., 1963, 50, 139-144).

Rappelons que Jung avait fait des recherches, lui aussi, sur l'automa­tisme mental sous la direction de Bleuler (F2,15-16).

W.F.Myers, que nous avons mentionné plus haut (p. 26 ) était l'auteur, d'une théorie du "moi subliminal" (D, 36 /G, 14-15, 21) , sorte d'inconscient conçu à la mode spirite que J. Lacan qualifie avec mépris de "psychologie gothique".

Aucun en entretien ne rapporte de faits de hantise (C, 12) y fait vaguement allusion en relatant une anecdote imprécise et impersonnelle).

Pour Freud, ces phénomènes - les fantômes - n' existent pas. Ils relèvent de l'illusion :

…"Ce sont les visiteurs nocturnes qui ont éveillé l'enfant pour le mettre sur le vase afin qu'il ne mouille pas son lit ou qui ont soulevé les couvertures pour voir comment il tenait ses mains en dormant. L'analyse de quelques uns de ces rêves d'angoisse m'a permis de reconnaître la personne dont il était question. Le voleur était chaque fois le père, les fantômes étaient les femmes en vêtements de nuit blancs" ...

(L’Interprétation des rêves, ibid, p.347).

_(A1,17) fait allusion à un article paru dans La Recherche en décembre 1984. Il s'agit d'une enquête sociologique évaluant l'intérêt porté à la parapsychologie dans les différents milieux sociaux. Il apparaît que les classes modestes autant que les intellectuels de haut niveau s'intéressent au "paranormal".

Freud explique ainsi cet intérêt général :

…"La croyance aux esprits, aux spectres, aux re venants, qui trouve tant de points d' appui dans les religions et à laquelle nous avons tous adhéré au moins dans notre enfance, cette croyance dis-je, est si peu éteinte parmi les gens cultivés que bien des sujets, par ailleurs raisonnables, considèrent la pratique du spiritisme comme parfaitement compatible avec la raison. Même les esprits posés et devenus incroyants peuvent remarquer, à leur confusion avec quelle facilité ils reviennent pour un ins­tant à la croyance aux esprits, lorsqu'ils sont à la fois saisis et désorientés"...

(Der Wahn und die Traüme, in W. Jensens, Gradiva (1907) en franç : Délire et rêves dans la "Gradiva" de Jensens, Paris, Gallimard, 1971).

_(A2, 17 /C, 13) évoquent ce cas où des scientifiques d'un haut niveau intellectuel sont susceptibles - sinon d'être le "lieu" de phénomènes paranormaux - d'être intéressés, voire fascinés par ce domaine : Pour (A2,18), il s'agit alors d'un "clivage du Moi" (son hypothèse coïncide avec celle de S. Ferenczi que nous avons donnée plus haut).

1/ Les prestations des médiums

Freud mentionne dam plusieurs écrits ou lettres ce qu' il pense des séances de spiritisme : Ce sont des tours d'illusionnistes :

..."Je trouve désagréable le chapitre des médiums"...,

(lettre à Weiss du 8 octobre 1932, in C. Moreau, ibid,p.132)

écrit-,il.

Dans Rêve et occultisme (p.48-49), il critique les conditions dans lesquelles les médiums travaillent :

. . "Les expériences dont doit dépendre notre opinion sont pratiquées dans des conditions qui sont propres à rendre nos perceptions sensorielles incertaines et à émousser notre attention, c'est à dire dans l'obscurité ou bien sous une faible lumière rouge et après une longue période de vaine attente. On nous prévient que notre scepticisme, notre sens critique sont susceptibles, à eux seuls déjà, d' empêcher la production du phénomène attendu. La situation ainsi établie est une véritable caricature des conditions habituelles de nos recherches scientifiques . ( ... ) On a reconnu que la plupart d'entre les médiums étaient desimposteurs et nous pouvons nous attendre à ce qu'il en soit de même pour les autres. Leurs expériences nous font l' effet de gamineries espiègles ou bien de tours de prestidigitation"...

_(F1,43,47) évoque l'état physique capricieux des médiums. En outre, lorsque ceux-ci sentent une pression de la part des observateurs, l' expérience ne marche pas toujours :

"Même lorsque les gens ont des dons fabuleux, ça marche une, deux, trois fois ...C'est le problème de toutes les voyantes .On n'es t pas dans cet état là du matin au soir sans arrêt ou si on le fait croire c'est un mensonge. De plus, si on est "sommé" de produire certaines expériences ou faits (... ), les gens doués pour fournir du matériau, des expériences, à ceux qui attendent, inconsciemment... Ils ne le .font même pas consciemment (c'est ce qui est grave) . Au second degré, ils rentrent dans un processus analytique!" (F1,43).

Durant l'année 1932, Freud redouble ses conseils de prudence à l' adresse de ses amis, notamment à E. Weiss alors séduit par le médium Pasquale Erto qui prétendait produire des rayonnements lumineux paranormaux. On découvrit une supercherie; ces rayonnements étaient produits en grattant une plume d' acier sur un support de ferro-cérium.

_(H2, 42) évoque la crédulité des gens qui croient au caractère paranormal de l' effet Kirlian .

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