Pour une attitude pastorale face aux déviations sexuelles

Dr Bernard AURIOL

 

Les Homosexuels

Dans le numéro d'Avril, nous annoncions une série d'articles sur les déviations sexuelles. Nous avons deman­dé à un psychiatre de donner sur les homosexuels quelques observations qui nous seront utiles pour déter­miner, dans un autre article, quelle peut être notre attitude sur le plan pastoral.

LA PSYCHOLOGIE DES HOMOSEXUELS

« Il est vrai que je suis homosexuel, écrit l'un deux dans "Arcadie", mais je ne veux pas être celui qu'on définit par son homosexualité, comme il y a le Juif, l'idiot du village ou la fille-mère; je ne veux pas être non plus celui à qui on porte de l'estime malgré son homosexualité. Je veux être comme les autres et être aussi homosexuel, sans qu'on y attache plus d'importance que ça n'en doit avoir ».

Les homosexuels sont rejetés

Cette revendication n'est pas gratuite, même « de nos jours » : l'homosexuel est rejeté. Et qualifier un individu, éventuellement inconnu, de « sodomite », dans un langage plus cru, est une grave insulte.

La « science » classe l'homosexuel parmi les « pervers » ou les «névrosés », selon les cas...

La loi méprise certaines des manifestations de l'homosexualité, mais les policiers vont souvent plus loin et assouvissent leurs instincts propres en maltraitant inutilement les « rôdeurs de pissotières »...

Notre morale judéo-chrétienne elle-même considère l'homosexualité comme un « vice », chaque rapport homosexuel devenant un « péché ». On sait que A. Gide et bien d'autres, connus ou inconnus, ont trouvé là un obstacle déterminant à leur adhésion à l'Eglise catholique (cf. correspondance avec Claudel).


 

Genèse de l'homosexualité

Certaines théories, appuyées sur des recherches scientifiquement menées, pensent pouvoir lier l'homosexualité à quelque facteur congé­nital. L'enfant, en naissant, serait prédestiné par ses gènes (son « caryotype ») à un certain type de sexualité : orientation hétéro­sexuelle exclusive, orientation ambivalente ‑ homo et hétérosexuelle ‑ avec plus ou moins tendance dominante de l'une ou l'autre forme, orientation homosexuelle pure... On a pu déterminer des différences quant au taux plasmatique de certaines hormones selon l'orientation sexuelle dominante.

D'autres théories voient dans l'homosexualité le résultat d'un certain déroulement de l'éducation affective du jeune enfant: l'adulte reste fixé à des étapes très précoces de sa « vie sexuelle infantile », avant l'âge de trois ans... Une impossibilité d'assumer la « différence » en résulterait et, chez de tels sujets ne vivant que de relations « fusionnelles », l'homosexualité serait une manière d'éviter le délire de persécution systématisé ou la colite ulcérante, maladie inflamma­toire qui affecte le côlon et le rectum.

Dès lors, il ne peut être question de traiter cette homosexualité salvatrice et l'on comprend l'horreur des psychanalystes devant les traitements de déconditionnement reconditionnement de l'Ecole d'Ey­senck (il s'agit de produire une aversion pour tous les fantasmes et images homosexuels à l'aide d'un système audiovisuel combiné à des chocs électriques ... ces traitements - mis à part leur aspect « barbare » - auraient surtout pour inconvénient de pouvoir transformer l'homosexualité en psychose ou en maladie somatique grave.

Il y a des époques où l'homosexualité semble plus répandue qu'à d'autres et ce sont des facteurs sociologico‑biologiques qui interviennent sans doute pour en rendre compte : de même que les rapports homosexuels sont plus fréquents chez les animaux dans certaines conditions de milieu et de masse groupale, conditions encore incomplètement décryptées. Du point de vue sociologique, on peut remarquer que la pratique homosexuelle est plus répandue aux deux extrémités de l'échelle sociale : chez les « élites » intellectuelles, artistiques ou financières et chez les rejetés, les prisonniers, les opprimés de toute sorte.

Remise en question de notre propre sexualité

Mais il est assez vain d'étudier l'homosexualité comme un « être de raison » extérieur à soi, avec cette curiosité toute scientifique de l'entomologiste ! Dans sa réalité vivante, dans ses ambiguïtés, dans son ombre et sa lumière, dans son angélisme ténébreux, dans sa mort et sa mutation dans son rapport à l’autorité de quelque déesse phallique, dans ce cœur qui bat plus fort, dans cette gorge qui se serre, etc.... l'homosexualité nous est, si nous acceptons de nous retourner ou de nous souvenir, tout à fait proche... Elle pourrait nous être familière tant elle est nôtre, aussi universelle que l'ombre derrière soi quand on marche vers le soleil.

Peut-être, prendrez-vous cela pour quelque essai poétique nul et non avenu : prenez garde, j'ai simplement voulu vous confronter à l'un de vos propres cercles intérieurs ; puissiez-vous le regarder sans devenir statue de sel !

Il est probable que, pour beaucoup, il s'agit là d'expériences dépassées, plus ou moins intégrées, plus ou moins reconnues avec leur réelle signification. Les choses font - et les gens sans doute ! ? - que pour certains et pour tous ceux qu'on appelle « homophiles », la sexualité ne peut se réaliser que de cette façon. Des barrières très solides (et parfois très nécessaires à leur survie) interdisent à nombre d'homophiles un rapport hétérosexuel satisfaisant, qui soit autre chose qu'une simple expérience (quand elle est possible), de même que bien des hétérosexuels ne pourraient nouer un lien homosexuel concret même s'ils le jugeaient « sain » ou «  bon ».

Signification des expériences sexuelles

L'homosexualité peut aussi, en tant qu'expérience, avoir le sens du « voyage », un ersatz de recherche métaphysique, une façon d'avoir goûté à tout et surtout à ce « qui ne se fait pas », ne « doit pas se faire » ; mais il s'agit alors d'un simple épisode où il faudrait soupçonner que cette façon de présenter sa propre homosexualité est une fuite de sa véritable signification pour soi.

Le psychiatre, même s'il considère l'homosexualité comme un phénomène non pathologique, s'il ne veut s'appesantir sur le caractère plus ou moins peccamineux du passage à l'acte - car sa réflexion n'est pas celle du théologien - doit cependant constater la culpa­bilisation. Qu'il se cache ou brave l'opinion publique, qu'il se confesse ou qu'il s'affiche, l'homosexuel vit d'une manière ou d'une autre dans « l'univers de la faute », d'autant plus morbide qu'il serait exception à la loi transgressée.

J'ai connu des personnes qui, par soif de connaître et malgré l’absence de désir, de tendresse et d'amour, se livraient à toutes sortes d'expériences avec ce qui concrétise le désir, la tendresse et l’amour, expériences - y compris homosexuelles - dont le caractère gratuit et vide ne leur laissait qu'un goût de cendre alors même qu'ils y participaient.

D'autres, y compris des homosexuels, manifestent un réel, voire impérieux, désir, une vraie tendresse, beaucoup d'amour par cette voie du corps.

Mais l'homosexuel n'est il pas un immature ? et en cela pathologique ? La psychanalyse nous montre des étapes du développement sexuel et la maturité semble coïncider avec la recherche de « l’autre », autre comme être personnel et d'un « autre » sexe. L'homosexualité, dans beaucoup de cas, est sans doute une manifestation de non-­maturité, plus que l'indice d'une constitution génétique particulière. Si l'homosexuel ressent cela, il souhaitera entreprendre une psycho­thérapie et peut-être voudrons nous y encourager tel ou tel. Mais que ce ne soit pas pour le « délivrer du péché », car la psychothérapie ne peut rien sur le péché; que ce ne soit pas avec top d’illusions, car la psychothérapie ne compte pas que des succès par rapport à un changement souhaité d'orientation sexuelle, et les autres formes de thérapie (de la relaxation au psychodrame ou aux thérapies non­-directives) ne peuvent se targuer encore de succès plus constants.

Sur le plan humain., que pouvons-nous faire?

Une des premières choses: ne pas nuire.

C'est nuire que d'agir dans le sens de la culpabilisation, non seulement parce que c'est une attitude fausse, très pleine de nos propres frustrations, mais surtout parce que c'est interdire le déve­loppement de la personnalité de celui qui nous agresse ainsi, l'empê­cher de mûrir par notre propre manque de maturité.

C'est nuire que d'agir dans le sens de la ségrégation : il est bon que l'homosexuel ne soit plus ce rejeté, obligé de masquer son orientation sexuelle effective pour se faire admettre et échapper aux critiques ou aux railleries.

C'est nuire que d'empêcher la rencontre entre homosexuels. En l'absence de dialogue possible avec d'autres hommes ou d'autres femmes homosexuels (‑elles), l'homosexuel reste à la merci des aventures sans signification humaine du type de celles que vit « l’hété­ro » en se rendant dans une maison close.

Vous pourriez obtenir quelques succès - chez les adolescents surtout - quand l'homophilie n'a pas encore été reconnue par celui dont elle représente la véritable orientation sexuelle… Une ambiance suffisamment culpabilisante par rapport à l'homosexualité, voire à la sexualité tout court, pourrait décourager tel ou tel de prendre conscience de sa propre orientation. Mais le lancer dans une vie dont l'hétérosexualité apparente - et combien ambiguë car on peut avoir des rapports sexuels avec une femme en la parant, dans l'imaginaire, des attributs de la virilité - pourrait avoir pour contrepartie un retour du refoulé sous forme d'une mésentente du couple au plan physique, sentimental, etc. , d'une maladie psychosomatique, d'une psychose paranoïaque ou schizophrénique…

Conclusion

Mon but ne pouvait être de me placer sur le plan théologique et pastoral. Ce sera l'objet d'un second article. Il était de fournir, l'apport des sciences humaines sur un terrain où l'on est en pleine recherche. Un développement plus long aurait été nécessaire pour nuancer certaines affirmations ou approfondir, par exemple, ce qui fait la spécificité de la période homosexuelle de l'adolescence. Puissent ces quelques lignes aider à une meilleure compréhension de l'homosexualité et favoriser un dialogue plus authentique avec des personnes qui souffrent : rejetés par la société et par l'Eglise, les homosexuels  n'arrivent que difficilement à assumer leur sexualité, ce qui explique l'agressivité de certaines de leurs revendications.  Eux aussi cependant ont droit à la Bonne Nouvelle qui leur procure la Paix.

 

 

Une Association de chrétiens homosexuels



"Devenir Un en Christ" se propose d'accueillir, d'écouter et de proposer un cheminement spirituel aux personnes concernées par l'homosexualité, soit personnellement, soit par un enfant ou un conjoint. Son aspect convivial aide à sortir de la solitude, qui est la plupart du temps destructice.

Yves d'Horrer écrit

Nous n'avons aucun esprit de revendication, pas plus que de désir de pseudo "guérison", nous laissons au discernement de chacun s'il doit pratiquer ou non son homosexualité et de quelle manière.

Nous proposons des groupes de partage, des w.e. de réflexion pour tous, ou pour parents ou couples, des messes ensemble, des activités conviviales, une retraite quand nous le pouvons... et beaucoup d'amitié qui naît de ces activités.

Nous faisons aussi de l'accueil par messenger (devenirunenchrist@hotmail.com) et avons un site avec forum (www.devenirunenchrist.net) .

Devenir Un en Christ, 15 av Georges Clémenceau, 94300 Vincennes
01 58 64 03 04 ou siege.asso@devenirunenchrist.net
paru dans : Prêtres Diocésains pp. 417-421, N° de Nov. (1973)

(Note: ce texte est ancien; l'auteur serait heureux de le faire évoluer grâce aux remarques des lecteurs)

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dernière mise à jour le

11 Avril 2008