a/ Le transfert/ la transmission de pensée(s)

 

REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (suite)

Marie-Christine Combourieu – 1985

 

Ce terme est employé dans Psychanalyse et télépathie (in W. Granoff  et J. M.Rey, ibid, p. 27, 39, 45…, par exemple, comme synonyme - aux mêmes pages - d"'induction de personne à personne", ibid, p.27, et d"'induction de pensée", ibid, p.45). Nous le considérons comme très proche de "transmis sion de pensée" : Freud présente, d’ailleurs, les deux termes dans un rapport substitutif (ou).

En ce qui concerne ce point délicat de la pratique analytique, le matériel que fournissent nos entretiens est varié mais assez homogène : évo­quant la suggestion/suggestibilité, la "communication d'inconscient à inconscient", et le transfert/contre-transfert, les positions actuelles dans la théorie psychanalytique re-formulent en général le concept orthodoxe freudien de "transfert" (def. in J.Laplanche et J. B.Pontalis, ibid, p. 492-498). Il est, en effet, communément admis aujourd'hui que le "transfert" est indissociable du "contre-transfert" dans la relation analytique - comme dans toute relation humaine, d’ailleurs (G,16).


 

_(A1, 13-14) évoque le concept de "contre-attitude" comme synonyme de "contre-transfert" de la part de l’analyste. Pour lui, la communication/induction est plutôt rétrospective et passe pour la majeure partie par « l'extra-verbal », (A1, 14). Ainsi, l'analyste doit se transformer en un "enfant hystérique" pour ressentir le "transfert" que lui adresse le patient (A1, 12).

 "Transfert" et contre-transfert sont intimement liés.

_(A2,2), lui, ne croit pas à la "communication d'inconscient à inconscient", mais à un "enchaînement déductif" de la part de l’analyste, (A2, 2 ), grâce à une "série progressive d'éléments qu'il a articulés" au cours des séances précé­dentes .Nulle part, il n'est fait mention du "transfert/contre-transfert" mais vient se substituer une théorie personnelle de la communication analyste/analysant (comme dans toute relation humaine) par le biais du "sceptre d'identité" (A2,9), notion désignant "la représentation que l'on a de l'autre installé à l’"intérieur de soi" (A2, 8, 11). Par conséquent, il démystifie le concept de "communication d'inconscient à inconscient" : pour lui, il s'agit d'une "formule magique" (A2, 11) qui ne veut rien dire".

_(A3,10-14) raisonne, par contre, elle, en termes de "communication/transmission d'inconscient à inconscient" et elle explique ce qu' elle entend par là Freud lui-même, dit-elle, s'y réfère ; elle cite plusieurs ouvrages dans lesquels il en parle, notamment dans Prédisposition à la névrose obsessionnelle. Pour elle, il ne fait pas de doute que la relation analytique - et humaine - passe par cette saisie "d'inconscient à inconscient" (A3,12-13).

_(A4,10-12) évoque les théories de Jean Guillaumin pour qui le "contre-tranfert" est le "suggestionneur de la mise en place même de l'analyse" et sans lequel "il n'y aurait pas d'analyse possible, c'est-à-dire pas d'induc­tion possible de quelque chose de psychanalytique chez le patient. Apparemment, donc, le transfert est très lié au contre-transfert dont on ne peut pas se passer" (A4 ,10). Elle mentionne les travaux de Searle, L' Effort pour rendre l'autre fou et Le contre-transfert ; auparavant elle avait fait référence à l'article de Michel de M' Uzan, Contre-transfert et système paradoxal (A4,9) dans lequel il est dit que le contre-transfert peut adopter la forme d'une réaction physique. (E2,21) illustre ce point de vue en disant que, pour sa part, cette forme de réaction provoque chez elle des quintes de toux).

_(A4, 11) compare l'analyste à une "plaque sensible" : "sur celle-ci, comme en photo, quand il est dans son fauteuil, il essaie d'être émulsionné par ce qu'il reçoit de son patient. Il essaie d'être une plaque sensible vierge.

C' est un peu le "bloc magique" de Freud. Là-dessus vient s'imprimer le discours du patient". Pour elle aussi transfert/contre-transfert sont indissociablement liés.

_(B1, 6-7) : Pour elle, la "transmission de pensée" se modèle sur celle échan­gée entre la mère et l'enfant et/ou dans une relation amoureuse. La "sugges­tion" occupe une place très importante dans ce phénomène et, dit-elle "du transfert/ contre-transfert, il y en a partout ! A tous les coins de rues : »

_(B2, 3) évoque le cas d'une amie qui "ressentait une irruption, une immixtion de l'analyste dans sa vie, dans ses rêves".

(B2,9,11-12,14-15,18-19) développe l'idée que le transfert et le contre-transfert, une fois de plus, sont intimement liés et que la "neutralité" de l'analyste n'existe pas réellement : par exemple, elle évoque le cas de patients parlant ou rêvant de choses relatives à leur analyste et non à leur propre personne (B2,9).      Comme (A3, 10-14), elle fait référence à des écrits de Freud dans lesquels ce dernier disait que "le transfert participe de la suggestion" (in Introduction à la psychanalyse, écrits techniques, conférences ... ) et dit que "l'analyste ou l'hypnotiseur - l'objet du transfert - est placé dans la situation de l"'Idéal du Moi" du patient, à travers le transfert. Ce qui n'est pas rien! C'est-à-dire que l'analyste est en quelque sorte, incorporé comme une instance psychique", (B2, 11-12). Elle évoque la théorie de J. Lacan disant qu'il arrive fréquemment que le patient "s'identifie à son analyste", jusque dans la démarche ou la façon de parler, (B2,12). Dans ce cas là "l'incorporation" relève d'une "régression" à un stade pré-oedipien, ", forme assez archaïque".

La règle de "neutralité absolue" n'est donc jamais effective, selon elle ; et elle évoque le cas de patients ayant dû abandonner une situation analyti­que en raison de l"'induction" de leur analyste, (B2,15-19).

_(B3,4-5) donne un exemple de "suggestion". Il dit plus loin, cependant, que "la psychanalyse est née de rompre avec l'hypnose", (B3,21-22), parce que dans ce type de suggestion les "résistances ne sont pas levées". Il évoque la pratique que Freud avait de l' hypnose et les raisons pour lesquelles il l'a abandonnée . "Parce que tous les sujets n'étaient pas hypnotisables (...). Il a abandonné la suggestion parce qu'il considérait que, tout de même, c'était une sacrée torture ! Qu'après tout, le lavage de cerveau, si ça existe c' est peut- être ça", (B3, 22 ).

_(B4, 7-8) évoque la possibilité pour des voyant(e)s de saisir le transfert des pensées des personnes qui viennent les consulter (voir à ce sujet p.120) .

_(C, 7-8) croit que la "communication des Inconscients" est un fait et peut expliquer ce qui serait répertorié parfois, en psychiatrie, sous le nom de "délires d' influence". Pour elle aussi, le transfert/contre-transfert - surtout si ce dernier est "très positif" - est un concept permettant d'expliquer un autre niveau de communication entre l'analyste et son analysant(e).

_(D,43-44) évoque le cas d'un contre-transfert vécu corporellement (de façon psychosomatique) : Théoricienne des phénomènes "psi", ce mode de communica­tion, de sa part, ne doit pas nous étonner s'il est vrai, comme le dit (B1, 7), qu'il s' agit dans ce cas d' "induction-injection" ou , (E2,30),

d' "identification projective" (def. in J.Laplanche et J. B. Pontalis, p.192-193). Rappelons que (E2,21) ressentait certains "transferts" sur le même mode corporel/psychosomatique (quintes de toux).

_(E2,10-12) évoque d'ailleurs des expériences d'hypnose auxquelles elle s'est soumise sous la direction de L. Chertok. Pour elle aussi, la "suggestion" existe mais de façon privilégiée dans le rapport homme/femme : "Parce que je trouve qu'il y a une grosse question entre les hommes et les femmes !

Le pouvoir des hommes sur, les femmes. Les femmes par rapport aux hommes qui se mettent en situation de "sujets supposés savoir". Bergman a sorti un bouquin sur l'hystérie, ( ... ). Il disait, montrait qu'en fait, les hommes imprimaient leur nom dans le dos des hystériques. Après on parle de phénomè­nes paranormaux ! Mais c'est de la suggestion.  La propension - ce qui est tout à fait facile - à provoquer chez quelqu'un une dépendance psychique « (B2, 11).

_(G, 16) évoque, lui aussi, la "part d'induction possible" dans une analyse et dans toute relation humaine, "inévitable". Il illustre la relation intime du transfert/contre-transfert par une image : celle d'un "pseudo-pode entre l'Inconscient de l' analyste et celui de son patient (ou inversement) (G,22).

_(I, 13-15) partage l'opinion que le transfert / contre-transfert forme en réalité un seul concept et non deux. Il distingue, mais de façon secondaire, dans l'induction/transmission de pensée, la "transmission de représentations" de celle d'"affects" : "Mais en réalité, c'est de la chirurgie de pacotille ! Je ne pense pas qu'on puisse séparer ces choses" (I, 13),dit-il.

Ce psychothérapeute disqualifie, lui aussi l'idée de "neutralité", (I, 14). Il pense que le sens circule bipolairement entre l'analyste et son patient et que "si les phénomènes contre-transférentiels sont assez intenses à certains moments, ça peut très bien véhiculer un certain nombre d'informations propres   à l' analyste", (I, 15).

En conclusion, nous dirons sur ce point que l' Ecole jungienne est peu représentative en ce qui concerne le problèmes de transfert/contre-transfert puisque cette terminologie échappe à sa théorie psycho-analytique : ce qui explique la réaction de (F3,7) à notre question ( "quelle place précise accordez-vous aux concepts de transfert/contre-transfert dans les occurrences dites paranorrmales ?") : "Quel concept de "transfert/contre-trans fert" ? Aïe ! Aïe !. . .(silence) ", (F3,7).

Nous n'avons pas détaillé l'entretien (E1,21-25...) au sujet de la transmission/induction/transfert/suggestion possible de pensées, parce qu'il fera l'objet d'une référence plus exhaustive plus loin (voir p.192). Disons simplement que pour cet analyste aussi le transfert/contre-transfert sont intimement – intrinsèquement - liés.

Enfin, nous terminerons par les entretiens (H1, 18) et (H2,38-39).

_(H1, 18) évoque le "quelque chose de l'ordre d'un "transfert"- extrêmement fort - à l'égard du guérisseur" philippin, s'agissant de ce mode thérapeu­tique. Ailleurs, il précisait que les guérisseurs philippins "sont fort conscients" de l'effet curatif que peut présenter cet investissement de la part des patients sur leur personne, lorsque ceux-ci extraient de leur corps une "matérialisation du Mal" (HI, 12). Toutefois, il ne s'agit pas d' "illusion collective ou d'hypnose" (H1,9), ni d'une question d'éclairage (H1, 11). Nous ne traiterons pas plus en détail cet entretien, car son contenu échappe aux références classiques des concepts de transfert/contre-transfert.

_(H2,38-39) présente le point de vue d'un psychothérapeute bio-énergéticien partisan des Nouvelles thérapies (Bio-Energie, Cri primal, Rebirth ... ).

Au regard de la problématique qui nous intéresse, celle de la transmission/induction/transfert /suggestion possible de pensée, il dit que les Nouvelles thérapies "sont venues combler un manque : Le manque du corps, de l'approche corporelle en analyse ; le manque, justement, de la subjectivité du thérapeute en analyse" (H2,39). Il précise : "Le corps a une place. C'est l'importance du non-verbal, de l'expression du corps ; de la subjectivité du thérapeute qui n'est plus simplement "écoutant" mais participe également, verbalement, avec tout un "art", disons, pour ne pas induire des choses chez ses patients. Enfin... Bon", (H2,38).

Il apparaît donc clairement au terme de cette analyse - non exhaustive encore une fois, nous nous en excusons - que ce que disent (E1,22) :

"Il faut traverser la psychanalyse ! Il ne faut pas la renier, il ne faut pas renier tout cela comme si ça n'existait pas. Il faut traverser pour créer"...          et (E2, 21), lorsqu'elle opère un retour sur les "quintes de toux" que déclenche le transfert de son patient  : "C' est bien. Ce n'est pas mon contre-transfert. C'est un point d'interrogation. C'est ce qu'on a appelé comme ça. Mais on peut l'appeler autrement. Ca bouge, la clinique!" - est vérifié.

Les nouvelles théorisations du transfert/contre-transfert dans la pratique analytique en sont un exemple.

Plan