c/ Le rêve : « Voie royale » d’accès à l’Inconscient

REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (suite)

Marie-Christine Combourieu – 1985

 

… « Je ne pense pas vous surprendre beaucoup en vous parlant des relations du rêve avec l’occultisme. Le rêve a souvent été considéré comme la porte qui donne accès au monde de la mystique et, aujourd’hui encore, beaucoup y voient un phénomène occulte. (Rêve et occultisme, ibid, p. 43)

_(D, 18-21) illustre bien la relation existant entre le rêve et l’occultisme à travers une série de rêves télépathiques ou précognitifs (def . D, 7) sans relation aucune, toutefois, avec la mystique.

Pour ce qui est de l’invention de la Psychanalyse comme science du « psychische »(p.47), Freud, quant à lui, n’a pas attendu 1932 pour démystifier le rêve. En effet, ce sont : Die Traumdeutung, 1900 ( L’Interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967), suivie un an plus tard de : Uber den Traum, 1901, (Le rêve et son interprétation, Paris, Gallimard, 1969) qui instituèrent véritablement la Psychanalyse comme science, à l’aube du 20e siècle (Voir B3, 15).


 

Après le romantisme allemand, avant, puis pendant le Surréalisme, (B4,15) et (C, 1), pendant toute cette période couvrant le 19e siècle finissant jusqu’au premier tiers du 20e siècle, Freud s’est attaché à re-traduire le rêve comme explication dernière du désir de l’Inconscient travesti sous des figures de rhétoriques (déplacement, condensation, inversion…). A l’heure actuelle, l’interprétation des rêves est sans doute ce qui perdure de façon essentielle dans/et pour la technique analytique.

Or, c’est encore le rêve qui sera le support privilégié de l’expérience télépathique, comme nous le verrons plus loin :

… « je pense que le rêve nous sera ici d’un grand secours, en nous incitant à tirer de tout ce fatras le thème de la télépathie »…

écrit Freud dans Rêve et occultisme, (ibid, p. 50). Remarquons que trois sur les quatre articles consacrés par Freud à la question de la « transmission de pensée » et à la télépathie  comportent le terme « rêve » dans leur titre.

Ainsi, pour mémoire :

            1922 Rêve et télépathie (Traum und Telepathie)

            1925 La signification occulte des rêves (Die okkulte Bedeutung des Traumes)

            1932 Rêve et occultisme.

C’est dire encore à quel point le rêve s’articule , lui aussi, à l’origine, sur cette « Terra incognita » , expression par laquelle nous avons désigné l’Inconscient (p.24 ).

_(A3,2) rappelle la signification en allemand de Die Traumdeutung : « La clé des songes » - si cette traduction est exacte.

Freud ne croit pas à l’existence des rêves dits prémonitoires ou prophétiques (« précognitifs »). Il se trouva très tôt confronté à cette catégorie de rêves.

Dès les premières pages de L’Interprétation des rêves (1900), par exemple, il passe en revue l’immense littérature qu’il connaissait à ce sujet et conclut :

… « La puissance divinatoire attribuée aux rêves est une cause de discussion où des assurances obstinées et répétées se heurtent à des doutes difficiles à dissiper. Il convient de ne pas refuser toute réalité à ce fait, parce que, pour toute une série de cas, la possibilité d’une explication psychologique naturelle est peut-être très proche »…

(ibid, p.64)

Dans une lettre du 6 octobre 1909 à S. Ferenczi, Freud n’écrira-t-il pas à son ami, toujours sur le thème de « l’à-venir », qu’il est inutile de consulter à son propos les voyants parce qu’

… « il se modifie toujours à nouveau et même le Tout-Puissant ne sait rien à l’avance »… ?

(in Christian Moreau, ibid, p. 65)

Freud démystifie le caractère surnaturel du rêve, comme il avait démystifié l’hystérie dite de possession, en montrant qu’il n’est pas un oracle des dieux ni quelque savoir prophétique sur l’Au-delà, mais un accomplissement du désir – sur une « Autre scène », imaginaire, certes – dont le scénario peut être réduit grâce au décodage de quelques mécanismes que nous avons qualifiés de rhétoriques, permettant sa lecture apparemment ésotérique.

L'existence des rêves prémonitoires (prophétiques/précognitifs) constitue, d'ailleurs, un point théorique – avec le pansexualisme de la libido, (F2,15) et (D, 32-33) – qui contribuèrent à la rupture de Freud et de Jung.

En 1912, dans Métamorphose et symboles de la libido, Jung soutenait, en effet, des thèses hétérodoxes à celles de Freud ; il affirmait, d'une part, que le concept de libido est :

…"assez étendu pour recouvrir toutes les manifestations les plus variées de la volonté, au sens de Schopenhauer"…

et, d'autre part, que le rêve est un pressentiment intense des tâches à venir plutôt qu'une réalisation du désir.

Libre à nous de penser que Jung pressentait, effectivement, la terrible crise morale qu'il allait traverser de 1913 à 1920 après sa rupture avec Freud. (F1, 25) et (F2,15).

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