a/ L'hypnose

REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (suite)

Marie-Christine Combourieu – 1985

 

Faut-il rappeler qu’elle était auréolée de surnaturel ?

Mesmer l’avait introduite à la fin du 18è siècle sous le nom de « magnétisme animal », accompagné d’une superstructure théorique ésotérique. En gros, un « fluide universel », prolongement d’une influence cosmique, elle-même traduisant des influences astrales sur le monde, s’étendait non seulement à tout l’organisme mais aussi traversait tous les êtres vivants de l’univers. La maladie relevait d’un défaut dans la libre circulation de ce fluide et se guérissait seulement en mettant le malade en contact avec la source de ce fluide.


 

 (H1,8- 9,19,22- 23) nous semble illustrer une rémanence de ces croyances thérapeutiques, s’agissant des guérisseurs philippins.

Nous n’irons pas plus loin dans le descriptif. L'hypnose, comme nous le voyons, s’articulait elle-même sur des théories occultistes et mystiques.

C’est pourtant elle que Freud pratiqua dans les années 1885- 1886 à la Salpétrière, à Paris, auprès du grand Charcot (B3,22).

Elle avait fait son entrée dans ce lieu par le biais de la « métallo-thérapie », procédé qui consistait à transférer les symptômes d’un sujet à un autre grâce à des aimants.

Freud, paraît-il, était doué pour cette pratique et souvent considéré comme un « magicien ». Ses malades, en retour, échappaient eux aussi à la compréhension de la médecine officielle. Ils étaient sujets à des symptômes capricieux, transgressant le code de la pathologie, paraît-il aussi.

(A3, 5) et (H1, 9) évoquent le cas de tels patients.

À la même époque 1885- 1896, Charles Richet, futur prix Nobel de physiologie – président de la Société de Psychologie Physiologique de Paris, s’intéressait aux travaux de Pierre Janet qui, en 1884, avait hypnotisé à distance une jeune paysanne, Léonie (à 500 m).

Les expériences de C. Richet avec la même Léonie confirmèrent celles de P. Janet qui en rendit compte devant Charcot à la Société de Psychologie Physiologique en 1885- 1886, donc, date à laquelle Freud était à Paris.

(E2, 10- 12) relate une expérience d'hypnose à laquelle elle s’est soumise et ce qu’elle a ressenti.

Freud nia avoir pris connaissance des travaux de P. Janet à cette époque. Connaissait-il ceux de C. Richet ? On sait qu’il rencontra celui-ci chez son maître en 1886…

Ce qui est certain, c’est que Freud en 1922, lut le Traité de Métapsychique de C. Richet, que Eitington lui envoya de France dès sa publication. Ce dernier, d’ailleurs, avait coutume d'envoyer des ouvrages sur l’occultisme à Freud, à la réception desquels il déclara, par exemple, dans une lettre du 4 Février 1921 :

« ... La pensée de cette pomme acide me fait frémir, mais il n’y a pas moyen d’éviter d’avoir à y mordre… »

A la réception du Traité de Métapsychique , il écrivit même, dans une lettre du 13 novembre 1922 :

« ... Tout cela me rend perplexe jusqu’à m’en faire perdre la tête… »

Léon Chertok pense que l’intérêt de Freud pour la télépathie aurait pris naissance en France en 1885-1886 (in Chertok L. et De Saussure R., Naissance du psychanalyste, Paris, Payot, 1973).

Rappelons que Freud traduisit dès 1889 le livre de Bernheim sur La suggestion et ses effets thérapeutiques et que, peu après, il  devint le collaborateur de Breuer.  Il publia avec celui-ci en 1895 les Etudes sur l’hystérie ; car, comme nous l’avons dit, l’intérêt de Freud pour l’hypnose n’allait pas sans celui pour ses applications pratiques dans les cas de traitement de l’hystérie.

-(B3,22) évoque l’apprentissage de l’hypnose par Freud auprès de Charcot.

Pour conclure sur les rapports que Freud entretint avec la métapsychique, au sens large, soulignons que, même s’il tenait à distance la recherche métapsychique en général, il n’en était pas moins membre correspondant – ou honoraire – de trois sociétés de recherches psychiques.

Il fut membre correspondant en premier de celle de Londres, par amitié pour W.F Myers, ; il en resta membre adhérent jusqu’à sa mort  et devint membre honoraire en 1938.

Puis, en 1915, ce fut la Société Américaine pour la Recherche Psychique qui le nomma membre honoraire, à son tour.

Enfin, celle de Grèce fit de même en 1923.

Bien que se contentant de lire leur courrier, Freud aurait-il accepté ces titres s’il ne portait pas, parallèlement et de loin, un intérêt pour leurs recherches ?

Et en 1921 n’écrit-il pas à Hereward Carrington, alors directeur de l’American Psychical Institute, lui disant qu’il déclinait son offre de collaboration dans une revue (voir l’allusion que fait Freud à ces offres de rédaction dans des revues métapsychiques au début de son article Psychanalyse et télépathie, in W. Granoff et J.M Rey , ibid, p.11 : « …durant ces courtes vacances j’ai eu trois fois l’occasion de refuser de collaborer à des périodiques de création récente consacrés à ces études »…), et ajoutant :

« Si j’avais ma vie à revivre, je la consacrerais à la Recherche Psychique plutôt qu’à la psychanalyse »… (lettre à H. Carrington du 24 juillet 1921, citée in Freud S. , Correspondance 1873-1939, Paris, Gallimard, 1966, p.364)

Nulle part ailleurs, peut-être, l’occulte comme objet récurrent de la pensée freudienne n’apparaît mieux qu’ici. Freud, en revanche, et contrairement à H. Carrington, choisit la voie du rationalisme. Nous citons in extenso un passage de cette lettre qui ne nous semble pas inintéressant :

« Je ne suis pas de ceux qui refusent dès l’abord l’étude des phénomènes psychiques dits occultes parce qu’elle est anti-scientifique, indigne d’un savant, voire dangereuse. Si je me trouvais au début de ma carrière scientifique au lieu d’être à sa fin, je ne choisirais peut-être pas d’autre domaine de recherches en dépits de toutes les difficultés qu’il présente. Je vous demanderai néanmoins de renoncer à mentionner mon nom dans vos travaux et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, parce que je suis totalement profane et novice dans le domaine de l’occultisme et que je n’ai pas le droit de prétendre à la moindre autorité en cette matière.

Deuxièmement, parce que j’ai de bonnes raisons de vouloir établir une ligne de démarcation très nette entre la psychanalyse – qui n’a rien d’occulte – et ce champ de connaissance inexploré, et de ne pas donner occasion à des malentendus à ce sujet.

Enfin, parce que je ne puis me débarrasser de certains préjugés de matérialisme sceptique que j’apporterais avec moi dans la recherche  des faits occultes. Je suis donc totalement incapable de considérer « la survivance de la personnalité » après la mort, ne serait-ce que comme une possibilité scientifique ; et il n’en va guère mieux en ce qui concerne « l’Idroplasma ».

Je pense donc qu’il vaut mieux pour moi continuer à me limiter à la psychanalyse ».

 (lettre à H. Carrington du 24 juillet 1921, in Freud S. , Correspondance 1873-1939, Paris, Gallimard, 1966).

Les positions de Freud quant à son choix d’appréhension matérialiste et mécaniciste des phénomènes prétendus  occultes (p.43) sont confirmées, en dépit d’un irréel du présent.

_(D, 6, 17, 36) évoque ses travaux au sein de l’Institut Métapsychique de Paris, ou fait allusion à des travaux en relation avec le domaine de la métapsychique et de la re-traduction de certains phénomènes spirites en une psychologie de l’Inconscient (D,17). / ( B2, 9) parle du séjour de Freud à l’Institut Métapsychique d’Athènes.

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