REPRESENTATION DU PARANORMAL ET DE LA TELEPATHIE DANS LE CHAMP PSYCHANALYTIQUE (suite)

Marie-Christine Combourieu – 1985

C O N C L U S I O N du TOME I

 

 

 

"La théorie, comme disait Jung, c'est une des fonctions majeures de la pensée. On ne peut pas s'en passer .(. . . ) , A l'heure actuelle, on assiste plutôt à un blocage à propos duquel tout le monde se tape dessus . Ca joue le même rôle que les religions . Entre les Ecoles analytiques , par exemple : chacune a un Dieu ! Ce n'est pas de personne à personne, c'est pour des théories ! On peut se poser  aussi le problème de savoir si être obligé de théoriser, ce n'est pas se défendre. Dans l'esprit de ceux qui le font, ça se passe comme une fatalité et non pas un outil.

Quand vous voyez la vie des penseurs, y compris celle de Freud ! A l'outil de départ succède la théorie prise comme une fatalité. C'était quelque un de génial, pourtant !

Nous sommes tentés de théoriser : Nous sommes tout de même des "animaux pensants ".( ... )

C'est là où la parapsychologie gêne. La théorie ne marche pas ! Il faut aussi considérer que l'on peut passer sa vie à bâtir une théorie et qu'en face de l'expérience on est un petit peu comme les médiums : on fait tout pour que ça marche !

Le nombre des théories abandonnées qui ont pourtant été enseignées ! Le rôle de la théorie, c'est donc de rassurer : devant l'inconnu, l'an­goisse", dit (F1, 51).

 


Nous faisons figurer presque in extenso cette réflexion, parce que nous avons vu que les réponses ou les paradigmes explicatifs apportés par nos analystes étaient souvent tributaires d'une théorie, même si certains concepts-clés, comme celui d "'intuition", étaient appréhendés majoritairement par eux en dépit de leur appartenance à des Ecoles différentes. Il en va de même, à notre avis, pour le concept d "'organisateur (s) psy­chique (s) ", ainsi que nous l'avons vu pour les Freudiens et les Jungiens. Autrement dit, le référent est le même, mais les formulations et les théorisations diffèrent.

De même nous avons noté qu'une analyste, (D, 33), freudo-lacanienne et médecin psychiatre de formation, établissait plutôt un continuum qu'un clivage entre les théories freudienne et jungienne : "Vous savez, les ana­lysants réconcilient très bien les deux, hein ! Il faut interpréter (que ce soit Adler, Lacan. . .) comme ça vient : pas selon les cadres conceptuels", dit-elle.

Nous avons remarqué que les clivages étaient surtout institutionnels; codifiés et reconduits à travers une théorie. Au regard des phénomènes dits paranormaux de "transfert de pensée(s)” ou télépathiques, nous avons mis l'accent sur les fortes résistances et la grande ambivalence que nourrissait Freud à leur encontre, outre "les nécessités de politique extérieure" -ainsi le formule-t-il lui-même-, qui retardèrent la parution de son premier article consacré à ce sujet et s'étayant sur un matériel remontant à 1909-1910 ; alors que Rêve et télépathie, son premier écrit encore inédit en français, sauf dans la traduction de Christian Moreau, en appendice de sa thèse de médecine, Tours, 1974, ne fut publié qu'en 1922.

Freud, quant à lui, aurait fait paraître Psychanalyse et télépathie dès 1921.

Si les processus télépathiques s'intègrent dans la doctrine freudienne sans remaniement de la théorie des rêves ni de l'Inconscient, en général, leur support échappe aux conceptualisations psychanalytiques : "Pour que vous n'attendiez pas trop de moi, je vous dis tout de suite que le rêve n'a en somme que peu de rapports avec la télépathie. La télépathie ne projette aucune lumière sur l'essence du rêve et, inversement, le rêve ne fournit aucun témoignage direct de la réalité de la télépathie. Le phé­nomène télépathique n'est d'ailleurs pas du tout lié au rêve, il peut aussi se manifester en état de veille", écrit Freud dans Rêve et occultisme, p. 51.

S’il  n'y a aucun "travail du rêve" (Traum Arbeit) , il s'agit, dit Freud d'une "expérience télépathique au cours du sommeil" , et non d'une forma tion psychique à partir d'un résidu diurne ou nocturne.

Dans les exemples tirés du matériel de Freud, le désir était toujours à l'origine des processus télépathiques : Or, peu d'analystes interviewés mentionnent ce point de la doctrine freudienne, sauf (D, 42).

 

La théorie de la synchronicité jungienne, en revanche, nous semble pallier le vide conceptuel laissé par l'approche freudienne des phénomènes de "synchronisme", particulièrement dans l'exemple de "la pièce d'or" de Dorothy Burlingham, rapporté par Freud.

En effet, les concepts de "hasard", "coïncidence", "rencontre", sont au coeur de la problématique qui nous intéresse :"La problématique freudienne de la télépathie".

 

Dans les conceptualisations théoriques postérieures à Freud, la télépathie est mentionnée comme un fait objectif : Certains analystes font appel au paradigme et au concept physiques de "non-séparabilité" ; nous avons vu que (E1, F1, F2, I) raisonnaient en termes d'épistémologie.

 

"Et figurez-vous ce qui arriverait si l'on pouvait se rendre maître de cet équivalent physique et de l'acte psychique. Je dirai même que la psychanalyse nous a préparés à admettre des phénomènes comme la télépathie, en insérant l'inconscient entre le physique et ce qu'on a appelé jusqu'ici le Psychique. Si l'on s'accoutume à l'idée de la télépathie, on peut ensuite utiliser celle-ci sur une grande échelle, mais actuellement en imagination seulement", dit Freud dans Rêve et occultisme, p. 76.

 

Freud distribue, lui aussi, les concepts "physique" et "psychique".

 

Un écart demeure entre la nature de l'un et de l'autre, où s'articule la théorie mécaniciste et causaliste : "C'est, à mon sens, témoigner de peu de confiance envers la science que de la croire incapable d'assimiler et de remanier celles d'entre les données de l'occultisme qui seraient reconnues exactes. Et la transmission de pensée en particulier semble favoriser l'extension du mode de penser scientifique -les adversaires disent mécanique sur le monde spirituel si difficilement saisissable", dit-il.

 

Jung, lui, établit un rapport de nature entre la matière et la psyché, a-causal, c'est-à-dire indéterminé.

 

C’est dans ce sens que travaille l'Ecole indéterministe de Copenhague, après Einstein.