ADAGES

Le Gué du Yabboq

Ce qu 'il y a de bien à cet âge, c' est qu' on peut enfin être soi-même
Françoise Giroud (L' Express, 23/1/2003, p.93).

Avant-propos

Certains, leur carrière épiscopale ou universitaire étant révolue, publient les conversations qu 'ils ont eues avec des journalistes ou des amis. D' autres écrivent leur vie. J' ai toujours eu l' impression qu'en ces écrits ou publications une note justificative, apologétique, était présente, l' évêque démissionnaire ou le professeur à la retraite ayant généralement le souci de légitimer ou lui-même, sa conduite, ses prises de position, ou la vérité telle que la conçoit l'Eglise officielle à laquelle il appartient.
Les quelques " sentences " ou " adages " (la seconde' expression est empruntée à Erasme, auquel je n' aurais pas l' audace de me comparer) que j' ai réunies au cours de ces dernières années n' ont d' autre but que de dire la vérité. Non celle qu' on enseigne dans les encycliques, mais celle d' un homme.

 



Cet homme est religieux et prêtre. Il a passé le plus clair de sa vie dans l' enseignement de matières religieuses. Il n' pas l' intention de quitter l'Eglise catholique romaine qui la accueilli. Bien qu' entre elle et Jésus de Nazareth, la distance à la fois dans le temps et la pensée soit considérable, il ne la considère pas comme plus éloignée des origines que ne le sont toutes les églises orientales, protestantes ou issues du protestantisme. Ces Eglises sont des réalités humaines qui ont subi les chocs de l' histoire, ont absorbé des courants de pensée divers et successifs, de sorte qu' on ne peut les considérer comme un héritage vraiment authentique du prédicateur prophète galiléen soucieux avant tout de réformer son propre peuple, devant l' horizon proche de la venue du Règne de Dieu.

Je n' éprouve aucun mépris pour ceux, hommes, femmes et enfants qui puisent dans le foi catholique actuelle une raison de vivre. Pour rien au monde je ne voudrais les détourner de cette raison-là. J' envie aussi les responsables, les évêques en particulier, qui, au milieu d' écueils redoutables, s' efforcent de maintenir le navire à flots. Ceux qu' on appelle les " fidèles " je les ai toujours aimés et respectés; J' ai essayé d' extraire pour eux, des textes fondateurs du christianisme, une nourriture et un chemin de vie, ayant été mandaté pour cela. Je n' ai jamais voulu, quel qu 'aitété mon " état d' âme" et les inconséquences de ma vie, trahir cette mission reçue, même si, à l' occasion, quelques confidences privées (et rares) m' ont rendu plus sincère.

Alors, pourquoi, pour qui? Pour qui et pourquoi réunir ces pensées dont certaines m' accusent de pessimisme et d' autres m' éloignent de la ligne stricte des croyances chrétiennes et catholiques? Je réponds simplement: pour être vrai. Pour que ceux qui m' accepteront tel que je suis et qui, sans mépris ni scandale, pourront supporter ces réflexions sachent qu' un prêtre est un homme et qu' il lui est possible de se défaire de la carapace ou de l' uniforme pour apparaître, honnêtement, sans " vernis ", tel qu' il est en réalité, faible, mais ni meilleur ni pire qu' un autre, avec peut-être même des réflexes, insufflés par sa religion, des réflexes (ou des principes) en définitive bons pour l' humanité qui l' entoure et dont il fait partie. Qu' il s' agisse de l' amour (impossible et douloureux) d' une femme (une réalité qu' il n' est pas légitime de camoufler), des blocages, des incertitudes qui traversent son itinéraire, des options provisoires qu' il a jugé utiles de prendre, de ses remarques sur les mouvements de l'Eglise et du monde, voici qu' il peut offrir à ceux qui n' ont pas identifié la vérité à un bloc de béton, une façon de vivre dans la perspective de la mort, une possibilité de faire de cette vie humaine, aussi mystérieuse qu 'elle soit sur la planète terre, une réalité bienfaisante. Ce n' est pas un évangile et ce n' est pas un exemple. Ce sont des suggestions qu' il appartiendra à chacun de traduire dans la propre vie, même au prix d' une fin de non recevoir. Qu' on le sache: le but n' est pas ici de convaincre.

1. J' appartiensà une génération malchanceuse, en équilibre instable entre les temps anciens et modernes et qui se sent mal à l' aise ici et là. De plus, comme vous l' avez sûrement remarqué, je suis un homme sans illusion. Que ferait donc le sénat d' un législateur inexpert, à qui manque la faculté de se leurrer lui-même, faculté essentielle pour qui veut guider les autres.
Lampedusa, Le Guépard, ch. IV

2. Pour nous, un palliatif qui promet de durer cent ans équivaut à l' éternité.
Lampedusa, Le Guépard, ch. I.

3. En lui, par une funeste erreur, le Saint-Esprit semble descendu dans un dindon dont les glouglous et les pavanes rendent inaudible le message des Evangiles, celui de Marx comme celui de Jésus.
Angelo Rinaldi (sur Maurice Clavel), L'Express,3-9 juin 1974.

4. Perle cardinalice: " Une Eglise qui ne ferait pas l' expérience spirituelle des anges ne serait pas l'Eglise de Dieu ".
cardinal Roger Etchegaray; La Documentation catholique, 4/02/1979, p. 149.

5. Dans la conscience ouvrière américaine, le patron n'est un salaud que s'il refuse de négocier; ce peut être quelqu'un de bien s'il accepte le dialogue et s'il respecte le droit.
Michel Crozier, Le Mal américain, p. 20.

6. Rares sont les personnes chez lesquelles la piété s'allie au détachement. Le souci de la perfection et du salut va souvent de pair avec celui qui porte sur des sécurités, des soins et des conforts où s'affirme, à peine camouflé, l'égoïsme inné de toute créature.

7. On a beaucoup épilogué sur les derniers instants de la vie d'Erasme et notamment sur la question de savoir si, dans la nuit du 11 au 12 juillet 1536, un prêtre catholique était à son chevet pour lui administrer les derniers sacrements de l'Eglise avant de recueillir son souffle ultime... Il est préférable de méditer sur ses dernières paroles, que les témoins de son agonie ont rapportées: Mère de Dieu, délivre-moi! (en latin) et (en hollandais): Mon Dieu! Parole d'une simplicité, sinon d'une banalité exemplaires pour un homme qui a vécu et qui est mort en soldat du Christ.
J.-O. Margolin, Erasme par lui-même, coll. " Ecrivains de toujours ",p. 85.

8. Il ne s'agit pas de savoir si Monsieur Blum a ou n'a pas d'argenterie; il s'agit essentiellement de sa politique. Si elle est mauvaise, il a tort de la faire, et son argenterie n'y est pour rien. Si elle est bonne, s'il a raison de penser que la condition prolétarienne est injuste, et qu'il fait aider les ouvriers à en sortir, alors, je ne vois pas ce qu'il y a de scandaleux à ce qu'un grand bourgeois raffiné, comme vous le dites, défile à la Bastille à la tête des ouvriers; le vrai scandale serait qu'il refusât de servir une révolution qu'il croit juste, parce qu'il aurait peur pour ses couverts d'argent et pour ses éditions de luxe de Marcel Proust.
Pierre-Henri Simon, E ñlsinfor, p. 119.

9. Les jeunes sont éloignés de Dieu par les sermons.
E. Drewermann

10. Le vrai sceptique, c'est lui, car il doute de son propre doute. Les philosophes du XVIIIe siècle sont des croyants et même des fanatiques qui, avec leurs dogmes retournés, font figure de dévots à l'envers.
P. Lesourd, L'âme de Talleyrand, p. 147, citant Saint-Aulaire.

11.L'intégriste est généralement méchant, comme le chien qui attaque quand il a peur.

12. On demanda à un noir de 120 ans comment il s'y était pris; il répondit: J'ai coopéré avec l'inévitable.
Laurence Durrell; dans l'Express, 21-27 août 1981, p. 92.

13. A décaper trop impitoyablement le réel, à traquer partout l'hypocrisie, nous en sommes venus bien souvent à nous régaler de cynisme.
Roger Ikor, Je porte plainte, p. 93.

14. Ce positivisme (celui d'Ayer) exige de la précision et de la clarté. Il empêche de se laisser séduire par les phrases sonores aux significations invérifiables. Les Français, de Malraux à Sartre, de Sartre à Foucault, en raffolent. Le souffle poétique d'une pensée l'emporte sur son fond à l'applaudissement général de Lille à Marseille. Je n'ai jamais pu accepter cette logorrhée dont les pires exemples se trouvent sans doute à Paris, dans les préfaces aux expositions de peinture. Là, les auteurs décrivent une toile avec les langages mêlés de la musique et de la littérature, se saoulant de mots déconnectés les uns aux autres.
Olivier Todd, Le fils rebelle, p. 76.

15. Jacques Steinberg a publié sur l'humour un étude pénétrante, il en donne d'abord plusieurs définitions. Celle d'André Miguel: " L'humour est le sourire de la révolte ". Celle, désespérée, d'Irène Ramoir: " L'humour est la dernière cigarette. " Celle enfin , plus vraie et plus saisissante que toutes les autres: " L'humour est la politesse du désespoir ", de Chris Marker.
M. Archard, Aphonse Allais, Les Oeuvres libres, n° 192, p. 5.

16. Toujours prêt à servir, c'est-à-dire à s'attirer une parcelle de gloire supplémentaire, il ne refuse ni les honneurs ni les corvées ni le pouvoir.
Pierre Pellissier, Philippe Pétain, p. 330.

17. Pour gagner les gens d'esprit à une proposition, il suffit parfois de la présenter sous la forme d'un paradoxe monstrueux.
Nietzsche, Oeuvres, coll. " Bouquins ", t. I, p. 599.

18. Il n'y a plus de sorciers et les curés ne savent plus. Il voudraient que les mots aient un sens, ils détruisent les incantations, quelle folie! Ce n'est pas aux mots d'avoir un sens, c'est aux choses. Ils ont détruit la musique, et ils voudraient qu'on croie encore à la vérité! ... Ils sont désarmés et démunis et la bouche pleine de mots.
Philippe Baussant, L'Archéologue, p. 88..

19. Ah! comme je voudrais rencontrer un homme qui me dise sans ambages, puisqu'on ne peut pas le dire avec:
- Je trouve mes opinions stupides... Je change d'avis comme de chemise ... Je renie mes origines ... Je vais vous parler faussement...
P. Daninos, Le Pyjama, p. 177.

20. Savoir qu'on ne peut pas répudier une partie de soi-même qui soit triviale comme si elle était étrangère à la part qui serait noble, que toute conduite, tout sentiment est marqué d'ambivalence, d'ambiguïté, que le noir toujours double le blanc et inversement, savoir que s'il est bon de se connaître c'est pour s'accepter, que l'autoaccusation n'est que l'autre face de la mégalomanie, que la santé est entre les deux, ce n'est pas Freud qui l'a dit le premier, c'est, quatre siècle avant lui, Montaigne.
Françoise Giroud, Ce que je crois, 1978, p. 88-89.

21. N'offrir le pouvoir qu'à ceux qui en ont le moins envie. Chaque candidat à l'autorité devrait faire connaître son taux de 'libido dominandi' et l'élu serait, de droit, le moins mégalomane. Tant que cette importante réforme constitutionnelle n'entrera pas dans nos mœurs, je m'en tiendrai à la prudence.
E. Ionesco, Le Nouvel Observateur, 25-31 décembre 1982, p. 20.

22. Certains groupes chrétiens, en mal d'originalité, grignotent dans le judaïsme, judaïsme en réalité à l'eau de rose. Le judaïsme, le vrai, on le trouve dans la Mishna , la Gemara e ÿt le Shulhan arukh.

23. Quand le malade a la chance de trouver quelqu'un qui compatit sans prétendre avoir la solution car il fait un geste gratuit, une issue est possible;
Xavier Thévenot, La Croix, 19/10/96

24. La mort ... C'est la seule chose que nous n'avons pas réussi à rendre complètement vulgaire. Non que nous ne désirions pas le faire, bien entendu. Nous ressemblons à des chiens sur une acropole. Trottant avec un vessie inépuisable, anxieux de lever la patte contre chacune de ses statues. La plupart du temps nous réussissons. L'art, la religion, l'héroïsme, l'amour, nous avons laissé notre carte de visite sur tout cela. Mais la mort - la mort demeure hors d'atteinte. Cette statue-là nous n'avons pas été capables de la souiller. Pas encore du moins. Mais le progrès est en marche.
Aldous Huxley, La Paix des profondeurs, éd. Folio, p. 420.

25. Toute religion est un ciel éclaté. Nos contemporains cherchent la cohérence, les jeunes aspirent à une maison où tout se tient. Nos prestidigitateurs du concept et du verbe s'emploient à la leur bâtir et leur montrer qu'au fond la Bible, les Pères de l'Eglise, saint Thomas, le pape et les évêques disent la même chose.

26. Un prédicateur anglais ne parle que pour se faire écouter: il manifeste. Un prédicateur français a de tout autres prétentions: il arrose hiératiquement de haut son auditoire, comme on arrose un carré de légumes, pour lui faire du bien.
Jean Plaquevent, Cahiers Jean Plaquevent, n° 45, 1994.

27. Le monde est un repaire de brigands; et la nuit est en train de tomber... Aussi dépêchons-nous d'être heureux, gentils , généreux, affectueux et bons.
Ingmar Bergmann, Fanny et Alexandre.

28.Je passai tout un soir à discuter avec lui (Arrien) l'injonction qui consiste à aimer autrui comme soi-même; elle est trop contraire à la nature humaine pour être sincèrement obéie par le vulgaire, qui n'aimera jamais que soi, et ne convient nullement au sage, qui ne s'aime pas particulièrement soi-même.
Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, p. 232.

29. Gide et les Faux-monnayeurs. La sincérité qui n'est pas tempérée par l'humilité et le souci du bien des autres devient un poison pour soi et pour autrui.

30. Si une religion - il n'importe laquelle - ne nous délivre pas de la connaissance scientifique des lois de la nature, et si elle n'apporte pas avec elle le rêve éveillé du miracle qui délivre des lois de la vie et de la mort, quel besoin les hommes ont-ils encore d'elle? S'il s'agit seulement de s'arranger tant bien que mal, tant mal que bien, avec la vie et avec la mort, qu'avons-nous besoin d'un Dieu?
Thierry Maulnier, Les Vaches sacrées, p. 373, n° 765.

31. Le problème du mal peut se poser de la façon suivante: comment se fait-il que l'agressivité animale soit passée dans cette exception extraordinaire qu'est l'homme, utilisant son génie pour nuire à ses semblables?

32. Comment expliquer qu'en religion la falsification historique soit un phénomène courant? Comment des hommes de bonne foi ont-ils spontanément et pour ainsi dire nécessairement gauchi les faits dans l'intérêt de leurs croyances? Dans quelle mesure cette falsification qualifie-t-elle ces croyances elles-mêmes?

33. Si Rabelais et ses contemporains croient en Dieu, et beaucoup d'entre eux maintiennent la vérité - leur vérité - jusqu'au feu inclusivement, c'est tout simplement parce qu'il en ont besoin... Il avaient besoin de Dieu pour satisfaire à certaines exigences et pour expliquer toute une série de phénomènes qui ne nous occupent plus guère. Ces gens-là, et les plus instruits parmi eux, ignoraient jusqu'aux principes d'une science et d'une technologie qui sont aujourd'hui à la portée de tous; en revanche leurs connaissances théologiques étaient infiniment plus développées que les nôtres. La création du monde, et sa fin, la nature et les fonctions de la hiérarchie céleste, les opérations de la volonté et de l'intelligence divines, les conditions du salut valables pour enfants, grandes personnes, chrétiens, hérétiques, païens; autant de problèmes parfaitement familiers au public lettré du XVIe siècle, qui sont considérés de nos jours comme techniques, ou anachroniques.
A.J. Krailsheimer, Rabelais, coll. " Les écrivains devant Dieu ", 1967, p. 20.

34. En France, où l'on brille par la parole, un homme qui se tait, socialement se tue.
P. Daninos, Les Carnets du Major Thompson, ch. VI.

35. - L'Eglise dit...
- Je sais ce que dit l'Eglise. L'Eglise connaît les lois. Mais elle ignore tout ce qui se passe dans un cœur d'homme.
Graham Green, Le Fond du problème, p. 374.

36. Loisy a vivement ressenti bien des choses qui parfois - et peut-être - n'en valaient pas tellement la peine. S'il avait mis un tout petit grain de scepticisme dans sa vie quotidienne, il aurait été plus heureux. ( R. de Boyer de Sainte-Suzanne, Alfred Loisy entre la foi et l'incroyance, p. 14, n. 1).

37. L'âge étant venu, avec un regard rétrospectif sur la vie écoulée, il n'y a plus place que pour l'humilité et la compassion.

38. Attend-on de moi que je me compose un visage triste ou de circonstance? Mais je ne suis pas triste! Je voudrais joindre les mains et dire: " Mes enfants, je suis pleine de bonheur et de gratitude, je trouve la vie si belle et si riche de sens. Mais oui, belle et riche de sens, au moment même où je me tiens au chevet de mon ami mort... et où je me prépare à être déportée d'un jour à l'autre vers des régions inconnues... Mon Dieu je suis si reconnaissante de tout ".
Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Seuil, 1995,p. 206.

39. Dieu existant et présent dans l'amour qui renonce au bonheur, à l'amour, au bien-être avec soi, pour que l'autre souffre moins et soit plus heureux? S'Il était là, là seulement, non dans les dogmes et la théologie? S'il était possible de reconstruire sur cette base, de Le retrouver après l'avoir semé dans les cahots de la religion?

40. Rien n'est pire, sachez-le, que de provoquer à la foi les âmes et les laisser là, à l'improviste, en délogeant. Rien ne les jette autant dans ce scepticisme qui vous est encore en horreur, quoique vous n'ayez plus que du vague à y opposer. Combien j'ai su d'âmes espérantes que vous teniez et portiez avec vous dans votre besace de pèlerin, et qui, le sac jeté à terre, sont demeurées gisantes le long des fossés!
Sainte-Beuve à Lamennais, d'après V. Giraud, La vie secrète de Sainte-Beuve, p. 81- 82.

41. Comment offrir aux autres la planche de salut qui se dérobe sous nos pieds?

43. Le métier de saint est encore plus difficile et plus délicat que les autres. Il faut une autre étoffe physique et morale... La sainteté est une manière de génie, plus proche peut-être de la divinité - c'est ainsi qu'en jugent les religions - que le génie de l'artiste ou du savant.
C. Santelli, Geoges Duhamel, Bordas, 1947, p. 101.

44. J'ai bu, dés le commencement, des breuvages qui m'ont empoisonné pour le restant de mes jours. Il faut maintenant que je me débatte avec cette pesante raison qui ne me comble pas, mais qui m'a donné des habitudes tyranniques et dont je sens bien que jamais je ne pourrai me délivrer. Mais je t'envie... je t'envie. Il me semble que je vois s'élancer un beau navire et que je reste seul sur le quai , agitant un mouchoir.
Georges Duhamel, Cécile parmi nous, p. 28.

45. Face à la science et au sens commun, (le pontife) pratique le terrorisme intellectuel. Finalement, son verbiage rhapsodique n'exprime que des jugements émotifs, dépourvus de tout contenu factuel ou analytique. Il fait de la littérature. C'est peut-être ce qui distingue le tâcheron du pontife: le tâcheron ne fait pas de littérature.
Olivier Tod, Le Fils rebelle, p. 78.

46. Des livres sur Jésus se succèdent et sont livrés au public. On attend un ouvrage intitulé: " Jésus ou le cul-de-sac ". Vente assurée.

47. Alexandre VI laissa dans l'Europe une mémoire plus odieuse de celle des Néron et des Caligula... Mais ce qui est singulier, c'est que cette religion ne fut pas attaquée alors; comme la plupart des princes, des ministres et des guerriers n'en avaient point du tout, les crimes des papes ne les inquiétaient pas. Le peuple hébété allait en pèlerinage. Les grands égorgeaient et pillaient; ils ne voyaient dans Alexandre VI que leur semblable et on donnait toujours le nom de Saint-siège au siège de tous les crimes.
Voltaire, Essai sur les mœurs (cité pr I. Cloulas, Les Borgia, p. 438-439).

48. Gn 24,34-35: Je suis serviteur d'Abraham. YHWH a comblé de bénédictions mon maître, et il est devenu puissant. Il lui a donné des brebis et des boeufs, des serviteurs et des servantes, des chameaux et des ânes.
Gn 26,13-14: YHWH le (Isaac) bénit; et cet homme devint riche, et il alla s'enrichissant de plus en plus, jusqu'à devenir très riche. Il avait des troupeaux de menu bétail et des troupeaux de gros bétail et beaucoup de serviteurs.
1 R 3,13: Et même ce que tu n'as pas demandé, je te le donne, richesse et gloire.
Lc 6,20.24: Heureux, vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous... Mais malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation.

49. Les gens sont à la recherche de religions " sympas ", qui leur évitent de se confronter à des dogmes; à la limite elles vous dispensent de vous inquiéter de Dieu, comme dans le bouddhisme. Demeure pourtant la question ineffaçable de l'existence de Dieu et de la vie avant et après la mort.
Henri Madelin, L'Expansion, 15-29 mars 2001.

50. Dieu fracture. Livre de J. Pohier. Ps 74 (hébr. 75),10, dans la version de Michel-Richard de Lalande. Comment peut-on louer Dieu d'une façon aussi déchirante?
Ego autem annuntiabo in saeculum, cantabo Deo Jacob.

51. Serait-il possible de retrouver Dieu sous un autre nom et en ouvrant une autre porte?

52. L'Eglise vit d'ignorer ce qui se passe dans l'exégèse.
Hans Conzelmann, d'après H-U. von Balthasar, Communio, 3, juillet 1978, p. 4.

53. Il n'est pas pour toi de plus grand labeur que de demeurer sans labeurs.
Guigue Ier, prieur de Chartreuse (SC 108)

54. Aussitôt que je sens ou pressens que l'on veut me posséder par action sur ma sensibilité - mendiants, religion, politique, oeuvres, etc., que l'on vise à me fendre l'âme, à me convaincre par la crainte, la pitié, par les voies qui contournent l'esprit - je me rebiffe, me hérisse et je me fais impitoyable. Ce ne sont pas des armes loyales.
Paul Valéry, Cahiers, t. I, p. 225.

55. Pie VI aux évêques de France (Bref Aliquantulum, 1791):
D'après votre constitution, il est établi comme un droit que l'homme ... jouit d'une liberté absolue. On n'a pas à le troubler en matière de religion.. Droit monstrueux qui paraît cependant à l'Assemblée Nationale résulter de l'égalité et de la liberté naturelle à tout homme. Mais que peut-on imaginer de plus insensé que de constituer une telle égalité entre tous?
Paul VI, Lettre au Cardinal Roy:
L'Eglise a choisi la liberté. la concile a fait sienne cette grande requête du monde moderne... Recueillons avec joie cet enseignement qui correspond mieux à l'esprit de l'Evangile.

56. Dialogue entre André Malraux et l'aumônier du Vercors dans les Antimémoires; - " Qu'est-ce que la confession vous a enseigné des hommes?
- La réponse: " ... le fond de tout, c'est qu'il n'y a pas de grandes personnes... ".
Th. Massis, Etudes, juin 12001, p. 757.


57. " Ce pauvre Brian! " Par son ton de voix, par l'emploi de l'adjectif protecteur, Anthony établissait sa position de supériorité, affirmait son droit de vivisecteur éclairé et scientifique à disséquer le sujet.
Aldous Huxley, Le Paix des profondeurs, éd. Folio, p. 393.

58. Malgré tout ce que l'on peut dire de la survie après la destruction du cerveau, je remarque qu'après chaque altération du cerveau correspond un fragment de mort.
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Pléidade, t. II, p. 985.

59. Paul Valéry: " ... profond sceptique et maître cruel d'ironie, beaucoup plus appliqué à fournir de négations intelligentes les esprits de grande culture qu'à inspirer au peuple des raisons de croire et d'agir ".
Pierre-Henri Simon, Témoins de l'homme, p. 47.

60. Il voulait éviter l'effet, et son absence d'effet faisait plus d'effet que tous les effets du monde.
M. Julliaud, Règles pratiques pour plaire aux foules, p. 122-123.

61. Je suis hanté par le désir, par moment fou, de me libérer de tout, de toutes mes attaches. Il y aurait si peu de chose à faire pour être le vainqueur de tout.
Alain-Fournier, Lettre à Jacques Rivière du 20/1/1911.

62. On se demande vraiment comment d'aucuns pourraient vouloir restaurer un passé dont ils ne connaissent pratiquement rien.
B. Jouassart, NRT, 2001, p. 435.

63. Le Temps retrouvé (de Proust) est empreint de la tristesse qui se dégage de cette conception de la vie. On comprend tout, on voit tout le paysage, mais c'est un désert: pas d'amour, pas d'amitié, pas d'enfants, pas d'espoir, le paysage aride de la vérité et çà et là les touffes rabougries et amères de la pure sensualité.
M. Bardèche, Marcel Proust romancier, Paris, Les Sept Couleurs, 1971, t. II, p. 282.

64. Pour donner un sens à l'histoire qui se déroule en ce temps qui est le nôtre, aux guerres, aux massacres, aux déportations, à la haine, quelles lumières surnaturelles ne sont-elles pas nécessaires, indispensables?

65. Quelle différence entre l'attrait physique et l'amour! L'analyse est probante qui compare le premier à la tendresse que suscite un ensemble de qualités et qui nous comble de bonheur, l'attrait physique étant laissé dans l'ombre. Une certaine forme de beauté, la mémoire, des empreintes antérieures et tant d'autres mystérieuses choses qui nous permettent de dire ou de murmurer dans le secret cette simple phrase: Je t'aime.

66. On critique la politique israélienne et l'on prend les Israéliens voire les Juifs en grippe. Même amalgame entre tel gouvernement arabe et " les musulmans ". Telle personne a tel défaut et tout ce qu'elle fait est marqué d'une touche négative.

67. Elle fixa le curé dans les yeux et dit:
- On se trompe facilement sur les gens, Mosén, je vous avais pris pour un mauvais prêtre.
Il ne put s'empêcher de rougir une nouvelle fois.
- Je le suis , madame.
- Pas tout à fait.
- Qu'en savez-vous?
- Je suis femme, Mosén je devine bien des choses.
Michel del Castillo, Le Manège espagnol, p. 311.

68. Mourons donc, entrons dans l'obscurité, imposons silence à nos soucis, à nos convoitises et à notre imagination. Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père.
S. Bonaventure, Itinéraire de l'âme vers Dieu, fin.

69. La plupart des croyants " fonctionnent " sur un registre affectif: c'est beau, donc c'est vrai; cela me fait du bien, donc je m'y donne. Cela vaut aujourd'hui plus que jamais, spécialement chez les jeunes. L'ennuyeux, c'est que la beauté, un jour, ternit son éclat et que le bien-être n'est pas toujours à portée de main. Il reste la foi, mais dans ce cas, où est-elle?

70. Je ne connais pas d'être plus misérable que celui qui voit les hommes tels qu'ils sont, et n'a pas appris de l'Evangile à les aimer, en se représentant ce qu'ils peuvent devenir sous l'influence de l'esprit de Dieu.
Sainte-Beuve, Mes poisons, p. 11-12.

71. Ne va pas t'imaginer..., que ceux qui cherchent Dieu, c'est qu'ils ne veulent plus souffrir. Je ne cherche plus. J'ai trouvé. Je suis sûre d'avoir trouvé. Pourtant je n'ai jamais tant souffert que depuis cette rencontre. Je souffre autrement, voilà tout. C'est presque inexplicable. C'est une façon nouvelle d'endurer toute souffrance.
Georges Duhamel, Cécile parmi nous ch. 28.

72. Je renoncerais volontiers à la parcelle de vaine gloire que m'octroie mon office si je savais où me rendre et ne pas anticiper ma mort.

73. Nous sentons que c'est cela, cette présence cachée de Dieu dans un monde athée, cette circulation souterraine de la Grâce ... bien plus que la façade majestueuse que l'Eglise temporelle dresse encore au-dessus des peuples. S'il existe un chrétien que l'écroulement de l'Eglise visible ne troublerait pas, c'est bien ce Graham Green que j'ai entendu à Bruxelles évoquer devant des milliers de catholiques belges déconcertés et en présence d'un nonce apostolique rêveur, le dernier pape d'une Europe totalement déchristianisée, faisant la queue à un commissariat, vêtu d'une gabardine tachée et tenant de cette main où brille encore l'anneau du pêcheur, une valise de carton.
François Mauriac, Préface à La Puissance et la gloire de Graham Green.

74. Le sage met en oeuvre son intelligence et sa volonté pour neutraliser le bouillonnement qui monte de son propre marécage: bouffées d'amertume, de culpabilité, de sentiment d'être de trop dans la société qui l'entoure. Pour moins souffrir et moins peser. Le sage s'efforce d'agir ainsi et recommande aux autres la même thérapie.

75. Une catégorie de chrétiens pratiquants préfère les sermons qui bercent, apaisent, ne soulèvent aucun problème et permettent de se dire que la religion continue d'être ce qu'elle a toujours été. On ne demande qu'une chose: que le prêche ne soit pas trop long.

76. Tecum principium, etc. Traduction latine d'une traduction grecque d'un texte hébreu corrompu. Mais que c'était beau!

77. L'idéal suprême du bonheur ici et maintenant s'avérant irréalisable et reculant sans cesse au moment ou on croit le saisir; on finit par se poser en victime... puisqu'il est interdit de souffrir
Pascal Bruckner, Interview, Le Figaro, 29/039/00.

78. Ma pauvre enfant! Que c'est douloureux. Je voudrais pouvoir étendre les mains et vous renvoyer contente. Pardonnez-moi, je ne peux pas. Mais la paix vous sera donnée. Revenez me voir, mon enfant, revenez bientôt.
Georges Duhamel, Cécile parmi nous., ch. 24.

79. De nos jours l'indifférence n'a-t-elle pas pris un autre visage que l'on pourrait formuler comme suit: antérieurement d'aucuns en arrivaient à ne plus se poser la question de la foi; actuellement, chez la grande majorité, cette question ne se pose pas, elle n'appartient pas à l'univers mental collectif. Il n'y a pas un avant qu'on refuserait.
B. Joassart, NRT, 2001, p.435.

80. Considérez par-dessus tout, que la sainte Eglise Romaine, à la tête de laquelle Dieu vous a placé, est la mère des autres Eglises, et non pas leur dominatrice; que vous-même, vous n'êtes point le dominateur des autres évêques, mais uniquement l'un d'entre eux; par conséquent, le frère de ceux qui aiment Dieu et l'égal de ceux qui le craignent.
Saint Bernard, De consideratione IV,7 (à Eugêne III).

81. L'union des deux Testaments ne serait-elle possible que dans le brouillard doré de la liturgie?

82. Il me suffit parfois de pressentir que ce tragique reflux de la foi qui se retire d'un seul coup d'une âme qu'elle recouvrait entièrement dut être, dans le cas de Marie, lié à cette découverte (que de jeunes chrétiens l'auront faite!) que le saint à qui ils avaient cru se fier n'était lui-même en réalité qu'un pauvre être de chair, pareil aux autres à cause du masque qu'il était condamné à ne pas arracher de sa face. déconvertis par leur convertisseur.. oui, j'en ai connu plus d'un.
François Mauriac, Un adolescent d'autrefois, ch. 6.

83. L'esprit croyant a horreur des questions qui demeurent sans réponse. Job a douloureusement peiné avant d'accepter une réponse qui ne soit finalement que le refus de ses questions abandonnées derrière le mur du mystère. Qohélet parvient lentement à la découverte du caractère insoluble de toutes les questions qu'il se pose et donc de leur inutilité. Une seule persiste cependant: " Y a -t-il quelqu'un qui sait? "
Louis Monloubou, rec. Lys, Esprit et vie, 18/02/99.

84. Le renouveau actuel d'une politique de visibilité particulièrement sensible dans les grands rassemblements aujourd'hui à l'honneur, correspond moins au retour en force de pratiques prosélytes qu'au besoin de conforter, ad intra, l'identité d'un communauté qui se perçoit elle-même comme une minorité.
Danièle Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti, p.150.

85. Peut-on aimer en renonçant au bonheur pour que l'objet de l'amour garde le sien et qu'il ne souffre pas? Oui, c'est possible et c'est une façon de ne pas renoncer à l'amour tout en sacrifiant son propre bonheur.

96. Luther a remplacé le pape par la Bible. L'avantage du pape - en un temps donné - est que son discours possède une certaine cohérence, même si des palinodies affectent les pontificats successifs. L'inconvénient de la Bible, c'est qu'on y trouve à peu près ce qu'on veut, pour soutenir des positions évolutives souvent divergentes.

97. Un prêtre homosexuel en larmes. Je me tourne vers les littérateurs de la chaire et des magazines religieux et je les somme de me répondre: vous qui parlez si bien du Grand Jubilé, du Saint-Esprit et nous accablez de poncifs, qu'allez-vous faire de ce gâchis et comment guérirez-vous tant de souffrance?

98. Dans l'esprit des " croyants " la rédemption imminente et la rédemption réalisée vinrent à se confondre. Le salut n'était pas seulement tout proche, mais il avait déjà commencé à s'établir, à faire des brèches dans l'ordre ancien. Les arguments des sceptiques - savoir que jusqu'alors rien n'était réellement advenu - tombaient dans l'oreille de sourds, car ils ne prenaient pas en ligne de compte la réalité émotionnelle.
Gershom Scholem, Sabbataï Tsevi, p; 668-669.

99. La question posée aux religions à l'étape historique qui est la nôtre est celle-ci: Est-ce que les religions sont prêtes à renoncer à leur intérêt propre, à leur volonté dominatrice, à leur compétitivité, à leur culte obsessionnel de la tradition, pour se mettre au service de l'humain dans son intégralité? La parole de Jésus est valable pour toutes les religions: " ce n'est pas l'homme qui est fait pour le sabbat, mais le sabbat qui est fait pour l'homme. "
Claude Geffré, Revue d'Ethique et de théologie morale - Le Supplément, n° 204, mars 1998, p. 191.

100. Il m'est impossible de devenir chrétien! Je suis trop vieux. Et puis, je dirige le monastère le plus important de Kagoschima et peut-être du Japon. Nos fidèles sont persuadés qu'en dispensant de riches aumônes à nos bonzes, ils échapperont à l'enfer et les récupéreront dans une autre vie. C'est un marché qu'ils font avec nous. En transférant sur nos consciences le poids de leurs péchés que nous sommes censés expier par nos prières, ils s'en libèrent et achètent en quelque sorte le droit de s'y livrer à nouveau. On me vénère dans la population, comme sont vénérés tous les supérieurs de couvent. Si nous nous convertissons à votre religion, se serait la ruine de nos monastères. Les bonzes n'auraient plus qu'à mendier. Je resterai donc le tôdo de la secte des jexus et je continuerai à rabâcher leurs préceptes. Nous ne pouvons tirer personne de l'enfer, mais, si nous ne prêchons pas, ils ne nous reste qu'à mourir de faim.
Jean Descola, Les Illuminations de frère Santiago, p. 29-30.

101. Symphonies de Vierne: un homme se débat dans un marécage chromatique dont on ne voit pas comment il peut sortir.

102. L'homme fatigué des veilles, le citadin blasé de Rome et d'Alexandrie se forge des retraites idylliques, imagine des sortes de couvents où, dans une vie studieuse et pure, il retrouvera la paix.
A.-J. Festugiêre, La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. I, p. 31-32.

103. La masse des jeunes nous échappe, disent les clercs. Allons, essayons de les enchanter comme ils le souhaitent. Nous les aurons gagnés. La question se pose cependant: le gain existe-t-il des deux côtés?

104. J'ai parfaitement compris, vous ne voulez pas nous détruire, nous, vos pères, vous voulez simplement prendre notre place.
Lampedusa, Le Guépard, ch.

105. L'Eglise pense, l'Eglise dit.
Cela signifie: la hiérarchie pense et dit (rien de plus).
La France estime que...
Cela peut refléter une certaine opinion publique qui porte et oriente (ou désoriente) les responsables. A la différence de l'Eglise, qui n'est pas un démocratie.

106. Quand on déteste trop les vices on n'aime pas les hommes.
Pline, Ep. VIII,22.

107.Si la curiosité fait les exégètes, l'émerveillement fait les disciples.
Cardinal Daneels, La Croix, 30/10/1996, p. 19.

108. Est-il possible, en partant d'une vue critique des origines du christianisme, de reconstruire une raison d'y adhérer et d'encourager les autres à s'y rallier? L'entreprise paraît téméraire et l'on se demande si elle vaut la peine d'être tentée. Peut-être y aurait-il là cependant un service à rendre à quelques uns, peu nombreux il est vrai, qui, convaincus des bienfaits inhérents au christianisme, cherchent à maintenir, pour eux et pour d'autres, une foi religieuse qui leur est chère et qu'il estiment imprudent d'abandonner.

109. Religion verdadera? Todas las religiones son verdaderas en cuanto hacen vivir espiritualmente los pueblos que las profesan, en cuanto les consuelan de haber tenido que nacer para morir, y para cada pueblo la religion mas verdadera es la suya, la que ha hecho. Y la mia? La mia es consolar me en consolar a los demas, aunque el consuelo que les doy no sea el mio.
Miguel de Unamuno, San Manuel Bueno, martir, ch. 13.

La vraie religion? Toutes les religions sont vraies pour autant qu'elles feront vivre spirituellement les peuples qui les professent, pour autant qu'elles consolent d'avoir dû naître pour mourir, et pour chaque peuple la religion la plus vraie est la sienne, celle qu'il a fait. Et moi? La mienne est de me consoler en consolant les autres, bien que le consolation que je leur donne ne soit pas mienne.

True religion? All the religions are true as soon as they make spiritually live the people that profess them, as soon as they console them of having had to be born to die, and for each people the true religion is his, the one that has done. And mine? Mine is to console me in consoling others, although the consolation that I give them is not mine.


110. Est-il possible de reconstruire une foi en Dieu et un amour de Dieu sur les ruines d'une critique impitoyable des sources religieuses, sur les débris d'une vie mise en pièces, lucidement, jour après jour, dans la perte de toute illusion sur soi-même et sur le monde?

111. D'après le Cardinal Ratzinger prêchant à Notre-Dame de Paris, l'absence de Dieu engendre l'enfer. Pour être certain du contraire il suffit de songer aux fanatismes religieux qui, aujourd'hui encore, empoisonnent une partie du monde. Que de guerres et de massacres au nom de Dieu!

112. A vingt-cinq ans il était découragé de la vie; son esprit jugeait tout d'avance, et sa sensibilité blessée ne goûtait plus les illusions du coeur. Personne ne se montrait plus que lui complaisant et dévoué pour ses amis, quand il pouvait leur rendre service; mais rien ne lui causait un sentiment de plaisir, pas même le bien qu'il faisait; il sacrifiait sans cesse et facilement ses goûts à ceux d'autrui; mais on ne pouvait expliquer par la générosité seule cette abnégation absolue de tout égoïsme, et l'on pouvait souvent l'attribuer au genre de tristesse qui ne lui permettait plus de s'intéresser à son propre sort. Les indifférents jouissaient de ce caractère, et le trouvaient plein de grâce et de charme; mais quand on l'aimait, on sentait qu'il s'occupait du bonheur des autres comme un homme qui n'en espérait pas lui-même, et l'on était presque affligé de ce bonheur qu'il donnait sans qu'on pût le lui rendre.
Mme de Staal, Portrait d'Oswald, dans Corinne (cité par Georges Poulet, Benjamin Constant par lui-même, p. 21).

113. A tout prendre, je préfère une dictature spirituelle (à condition qu'elle le demeure) à des Eglises nationales et nationalistes.

114. Et s'il ne nous restait que les symboles?

115. Si la sensibilité seule était nécessaire à un moine, vous auriez certainement la vocation... mais il vous manque l'essentiel pour en être un: justement de savoir renoncer aux émotions.
Georges Borgeaud, Le voyage à l'étranger, p. 14.

116. Doux visage interdit par le sang du Christ.

117. Il y a des maîtres de bonheur et de santé, et ce sont de bons maîtres. Mais que saurions-nous de la vie qui fût vrai ou complet sans ces autres maîtres - maîtres de douleur, maîtres de déroute - que la vie brisa?
André Comte-Sponville, Le Figaro, 7/08/1995.

118. Le sceptique sans ambition est le seul innocent sur la terre.
Montherlant, Textes sous l'occupation, p. 158.

119. (El pueblo) cree sin querer, por habito, por tradicion; Y que lo hace falta es no despertarle. Y que viva en su probeza de sentimientos para que no adquiera torturas de lujo.


120. Hébron. Juifs et musulmans s'affrontent et s'entretuent près de tombeaux qui ne contiennent rien du tout, se référant à des personnages qui n'ont sans doute jamais existé et dont la descendance, d'un côté comme de l'autre, est pur mythe.

121. L'exégète est-il libre de vulgariser sa recherche et d'en répandre à tous vents les résultats, quand ce ne sont pas les prémisses? Est-il libre de jeter dans le public les questions que lui-même se pose, et auxquelles il ne sait lui-même quelles réponses on apportera.
Ch. .Augrain, dans Impacts, Revue de l'Université Catholique de l'Ouest, n° 4, 193, p. 53-65 (61).

122. - Que Dieu vous aide à souffrir! Il vous aidera.
- Et si je ne peux pas...
Le vieux prêtre fit des épaules un geste de tristesse.
- Pour souffrir, on peut toujours. Je vous assure que l'on peut toujours.
Georges Duhamel, Cécile parmi nous, ch. 24.

123. En 1956 le grand poète yiddish Leivick se trouvait à Jérusalem, fêté par ses amis. Pressé de dire quelque mots, il fixe du regard une colline que l'on voyait au loin, et sur laquelle s'élevait depuis peu Yad Vashem, le mémorial des six millions de victimes juives de l'Holocauste: " Lorsque j'étais enfant au Héder, mon rebbe (rabbin) me racontait l'histoire du sacrifice d'Isaac, comment Abraham avait obéi à Dieu et comment au dernier moment, un ange était venu arracher le couteau déjà prêt à immoler Isaac.
- Rebbe, disais-je, angoissé, et si l'Ange étai arrivé en retard?
- - Sache, mon fils, répliquait le Rebbe, que l'Ange n'arrive jamais en retard.
Aujourd'hui, enchaîna Leivick, en désignant du geste Yad Vashem, nous savons que six millions de fois l'Ange est arrivé en retard. Oui, l'Ange peut arriver en retard - l'homme, l'homme, lui, n'a pas le droit d'être en retard.
A. Néher, Israël dans la conscience juive. Données et débats, Paris, 1971, p. 361.

123. Il ne faut pas se dissimuler que toutes le histoires de Jésus-Christ qui ne sont pas, comme celle du Père de Ligny, un simple commentaire du Nouveau Testament, sont en général, de mauvais et de dangereux ouvrages.
Chateaubriand, Mélanges littéraires

124. Face à l'obligation d'euphorie perpétuelle que nous impose de plus en plus la presse masculine et féminine (soyez plus beau, plus performant, osez tout, etc.), nous nous sentons évidemment nuls... beaucoup de gens commencent à se rendre compte que l'obligation de performance aboutit à l'autodépréciation.
Pascal Bruckner, Le Figaro, 29/03/00

125. Comment parler de Dieu sans l'incorporer à nos désirs, à nos luttes, à nos polémiques, à nos politiques? Sans récupération au service de nos doctrines et de nos théologies? Ce ne sont en tout cas ni l'Ancien ni le Nouveau Testament qui nous apporteront la réponse.

126. Rapports entre chrétiens et Juifs (étant donné l'incompatibilité des deux religions)
- Connaître le judaïsme (ce n'est pas l'Ancien Testament, c'est le Talmud, le Shulhan arukh)
- Respect pour une religion différente en essayant de la comprendre sans la comparer.
- Reconnaître ce que le christianisme doit au judaïsme.
- Travailler ensemble pour le bien de l'humanité.

127. Il existe une exégèse mondaine et, avant de condamner ceux qui la pratiquent, il est sage de se demander dans quelle mesure le juge, en l'occurrence, ne s'est pas trouvé parfois dans le banc des coupables. Conférences brillantes, en tout cas aseptisées, où tout le monde peut trouver ce qui convient à la grâce du moment, mais qui évite toute question désagréable parce que déstabilisante. Telle est la direction qui paraît être le plus souvent suivie dans nos établissements officiels et permet d'y accueillir le plus de public possible.

128. ... crois-moi, maman, moi aussi j'ai passé la ligne au-delà de laquelle il n'est plus question d'être heureux; il s'agit de dominer la vie. Cette ligne, je l'aurai passée à vingt-deux ans, et toi, la soixantaine sonnée.
François Mauriac, Un adolescent d'autrefois, ch. 13.

129. Comment peut-on être assez inhumain envers soi-même pour passer sa vie à fuir le bonheur? La peur de le perdre détruit un partie de soi dont d'autres auraient pu bénéficier.

130. Fuir la tendresse, par peur panique de s'y laisser engloutir engendre la tristesse.

131. Chacune de ces épouses sans âme qui papotent autour d'une table à thé a été une jeune fille émouvante et inquiète.
Albert Camus, Lettre à Blanche Balain.

132. C'est justement parce que l'amour accueille, respecte le silence de l'autre, ce qu'il ne veut ou ne peut pas dire, qu'une vérité peut se murmurer, se reconnaître et se partager.
J. Collet, Etudes, janvier 1999, p. 112.

133. Celui-là pensait contre lui-même, ce qui est penser vraiment, comme acharné à se perdre, à se sauver, à se désencombrer de soi.
André Comte-Sponville, sur Althusser, Le Figaro, 7/08/1995.

134. Les religions sont incompatibles entre elles. Ceux qui y adhèrent sont convaincus que leur religion est la meilleure et, pour une bonne part d'entre eux, qu'elle est la seule bonne. Beaucoup de jeunes, paraît-il, reprochent aux religions de diviser l'humanité. Les religions existent et les convictions religieuses aussi. La tâche à accomplir par ceux qui refusent le fanatisme est de faire en sorte qu'au lieu de diviser, les religions unissent et que sans se confondre en un impossible oecuménisme, elles s'accordent pour rendre l'humanité moins malheureuse et meilleure.

135. L'irruption de Jésus ne fonde pas un nouveau lieu, mais introduit le non-lieu d'une différence dans un système de lieux.
Michel de Certeau, Le christianisme éclaté, p; 94-95.
On est prié d'essayer de comprendre, pour sauver le christianisme.

136. L'amour appelle à la fusion. Mais l'union physique n'est que l'accomplissement, le couronnement d'une fusion déjà commencée et qui déjà, avant tout, mérite le nom d'amour.

137 Catharsis cruelle, jusqu'où nous mèneras-tu? Si tant est qu'à travers tes ténèbres glacées nous atteignions quelque port.

138. S'il est quelque chose de singulier et d'inédit dans le christianisme, et qui mérite d'être approfondi, c'est que Dieu se soit manifesté dans un crucifié, avec tout ce que cela comporte d'horreur, de dégoût et de déchéance. Le reste, les constructions théologiques, les cathédrales, les processions, les pèlerinages et les protestations vaniteuses de supériorité, les chrétiens les partagent avec d'autres religions.

139. Nos livres continuent de propager une apologétique surannée, parfois agressive, souvent noyée dans un verbiage à la limite de l'intelligible. Je n'ai rien à défendre; j'essaie simplement d'y voir clair.

140. Pour qu'un lecture soit bénéfique, il faut que le lecteur cesse de s'y retrouver lui-même. La plus étrangère et la plus déconcertante des lectures est la plus utile.

141.Le traditionaliste religieux comme le droitier politique, avec lequel généralement il ne fait qu'un, pratique le mépris des humbles. A l'en croire, une sous-alimentation religieuse teintée de superstition suffirait à ces gens. Le but, inavoué, est de les dominer.

142. L'Eglise n'existe pas, sinon dans la jargon abstrait d'un thomisme dépassé. Il y a simplement des chrétiens, et , quant aux entreprises qui les condamnent, les responsables qui les déclenchent. Les Croisades ont été prêchées et suscitées par des papes.

143. L'importance de Perrot était, pour Perrot, article de foi, les tièdes seraient repoussés... voire même persécutés, si l'occasion s'en présentait, et la foi se ne cesserait jamais d'être proclamée.
Graham Green, Le Fond du problème, 1949, p. 143-144.

144. Sa physionomie, noble et vide annonçait des idées convenables et rares.
Stendhal, Le Rouge et le noir.

145. Paul, aux prises avec la Loi, ne s'en sort pas et ceux qui le commentent sans s'accorder ne l'en sortent pas.

146. L'homme religieux ne pense qu'à lui-même, disait Nietzsche. C'est juste dans tous les sens pour ces dévots de qualité inférieure qui négligent leurs devoirs les plus évidents pour suivre une vocation chimérique, et c'est encore juste en un sens pour les héros et le saints qui n'ont pas réalisé en eux le dépouillement suprême ... (Simone Weil) voulait s'oublier et elle se retrouvait jusque dans cet oubli: elle aimait le prochain de tout son être, et son dévouement passait souvent à côté des vrais désirs et des vrais besoins des autres ... Détachée jusqu'aux entrailles de ses goûts et de ses besoins, elle n'était pas détachée de son détachement. Et la façon ont elle montait la garde autour de son vide témoignait encore qu'un terrible souci d'elle-même.
Gustave Thibon, dans Simone Weil, Oeuvres, éd. Gallimard 1999, p. 1256-1257.

147. Question de méthode, en pastorale, en catéchèse et en exégèse. Un bon moyen de se donner bonne conscience en évitant les questions de fond. Qui s'interroge sur le contenu?

148. Avec quelle ferveur j'attends le pape qui aurait à la fois l'audace et l'humilité de dire que, dans le domaine de la vérité, l'Eglise a affirmé, au cours de son histoire, un peu plus qu'elle ne savait. Une formule aussi vague me suffirait; il ne faudrait pas préciser davantage. Je me contenterai du principe et m'en sentirai à la fois libéré, et réconcilié.
Jean Kamp, Ce grand silence des prêtres, p. 116.

149. Seul son scepticisme l'empêchait d'être athée.
J.-P. Sartre, Les Mots, p. 87.

150. J'avais pris envers vous d'imprudents engagements que devait protester la vie; je vous demande pardon, le plus humblement possible, non pas de vous quitter, mais d'être resté si longtemps;
Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, fin.

151. Comment combiner la croyance que le monde est dans une large mesure illusoire avec la croyance qu'il n'en est pas moins essentiel d'améliorer l'illusion? Comment être simultanément sans passion et sans indifférence, serein comme un vieillard et actif comme un homme jeune?
Aldous Huxley, La Paix des profondeurs, éd. Folio, p. 98.

152. Procès Papon. Une étude psychologique est à faire sur ceux dont on dit qu'ils ne savaient pas ou ne voulaient pas savoir. Qu'est-ce que ne pas vouloir savoir? Dans quelle mesure cette ignorance est-elle volontaire? Ne s'agit-il pas plutôt d'une connaissance à la lisière de la conscience et dont on a grand peur qu'elle y pénètre, qu'elle bouleverse bien des choses acquises et remette peut-être la vie en question.

153. Fausse donation de Constantin. Fausses décrétales. Miracles fictifs... Autant d'indices pour établir que les anciens avaient de l'honnêteté intellectuelle une autre notion que la nôtre. La cause étant estimée juste, tous les moyens sont bons pour la défendre.

154. La figure du pèlerin s'oppose, presque trait pour trait, à celle du pratiquant. Le premier opte pour une démarche religieuse volontaire, individuelle, exceptionnelle. Le second a une démarche obligatoire, collective, répétitive... Les JMJ ont fonctionné comme une sorte de reconnaissance officielle, par l'institution ecclésiale, de cette pratique pèlerine, sur fond d'effondrement de la civilisation paroissiale.
Danièle Hervieu-Léger, La Vie, 28/08/1997

155. Jesus was not crucified in a cathedral between two candles, but on a cross between two thieves; on the town garbage heap; on a cross-road so cosmopolitan that they had write his title in Hebrew and Latin and in Greek...; at the kind of place where cynics talk smut, and thieves curse, and soldiers gamble. Because that is where he died and that is what he died about. And that is where churchmen should be and what churchmen should be about.
George MacLeod; Only One Way Left: Church Prospect; Glasgow, The Iona Community; 1956; p. 38 (cité par R.P.Stevens, Romans and The People of God: Essays in Honor of Gordon D. Fee; Grand Rapids/Cambridge, 1999, p. 299).

156. Notre Eglise, qui n' a lutté pendant des années, que pour se maintenir en vie, comme si elle était son propre but, est incapable d'être la porteuse de la parole réconciliatrice et rédemptrice pour les hommes et le monde. C'est pourquoi les paroles anciennes doivent s'effacer; la vie chrétienne ne peut avoir aujourd'hui que deux aspects: la prière et l'action pour les hommes, selon la justice. Toute pensée, toute parole et toute organisation, dans le domaine du christianisme, doivent renaître à partir de cette prière et de cette action.
Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission, p. 139.

157. A force de vouloir briller par l'originalité dans une matière usée, on finit par dire des sottises.

158. Qui aujourd'hui oserait prêcher ce que Paul assénait dans ses lettres: un Dieu livrant son Fils au plus horrible et au plus infamant des supplices par amour pour les hommes et, moyennant quoi, pour les sauver?

159. Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,
Elle regardera la face de la Mort,
Ainsi qu'un nouveau-né, sans haine et sans remords.
Baudelaire, Les Fleurs du mal, 114.

160. Il entendait par ce mot (amour) la haine et la souffrance, l'impression de culpabilité et le bruit des sanglots dans la chambre éclairée par un jour gris, l'insomnie entre les murs secoués par les premiers camions sortant de Londres.
Graham Green, C'est un champ de bataille, Livre de Poche, p. 200.

161. Ne pas du tout parler de soi, c'est une très noble hypocrisie.
Nietzsche, Oeuvres, coll. " Bouquins ", t. I, p. 660.

162. La pauvreté. Pour en finir avec une imposture. Jésus n'est pas né dans une grotte (une " étable ") à Bethléem. mais, à Nazareth, d'un père, vraisemblablement artisan à son compte. Il n'a jamais été économiquement pauvre (la phrase du 2 Cor 8,9 est de portée purement métaphorique), mais il était entretenu financièrement par des adeptes, des femmes en particulier, accueilli par des sympathisants au cours de son activité de propagande. Il avait un pied-à-terre jusqu'à Jérusalem et il était reçu avec honneur à Béthanie. Il n'a jamais prêché la pauvreté mais, sans procéder lui-même à quelque réforme sociale, il a promis aux pauvres malheureux d'être heureux dans la perspective (utopique) d'un renouvellement du monde par Dieu lui-même en un temps proche. Il a détourné, comme d'autres sages, ses auditeurs d'un attachement tyrannique aux richesses éphémères de ce monde. Le supplice final de Jésus, la crucifixion, sur l'ordre du gouverneur romain n'a rien à voir avec la pauvreté, mais se rapporte à la classe sociale en établissant que Jésus n'était pas citoyen romain. En s'appuyant sur l' " Evangile " on ne peut aucunement considérer la " pauvreté " comme un idéal à poursuivre.

163. Absence de réflexion critique chez les clercs: par incapacité, par paresse, par peur.

164. C'est justement parce que l'amour accueille, respecte le silence de l'autre, ce qu'il ne veut ou ne peut pas dire, qu'une vérité peut se murmurer, se reconnaître et se partager.
J. Collet, Etudes, janvier 1999, p. 12.

165. Il devait y avoir un procédé pour nettoyer et désinfecter les mots. Amour, pureté, bonté, esprit - un tas de linge sale attendant la blanchisseuse. Comment faire, donc, pour - non pas " aimer ", puisque c'est là un mouchoir crasseux - pour éprouver, mettons, un intérêt affectueux pour les gens.
Aldous Huxley, La Paix des profondeurs, éd. Folio, p. 31.

166. Aragon a toujours été déchiré entre ce qu'il était, ce qu'il voulait être, et ce que l'on disait qu'il était.
Jean Ferrat, Témoignage Chrétien, 29/08/1997

167. Mythe du confort et de l'assurance. Une destinée sans menace et sans promesse, un avenir prévu, garanti, quadrillé, châtré de tout risque et de toute chance. Plus d'abîme sous les pieds, plus de ciel sur notre tête. Et l'ennui du calme plat sous un ciel voilé.
'Ô Soledad De barco sin naufragio y sin estrella' (Machado).
Gustave Thibon, L'ignorance étoilée, p. 133.

168. Comment passer des théologies d'autofondation, à visée exclusivement communautaire, à une critique radicale, sans concession, de la raison religieuse telle qu'elle a fonctionné et continue de fonctionner dans toutes les traditions religieuses connues?
Mohammed Arkoun, Concilium, n° 253, 1994, p. 71.

169. Paul a été ébloui à jamais, amoureux pour toujours, sur le chemin de Damas. La théologie a suivi... en boitant. Lire les épîtres aux Galates et aux Romains.

170. " J'ai limité le savoir pour faire place à la foi ". Cette formule de Kant est le résumé le plus simple de sa réflexion sur le rapport entre l'intelligence et la foi. Pour lui, je ne peux connaître que ce qui est sensible. Le savoir se borne, est limité à lui. Mais je ne peux tirer de ce fait que n'existe que le sensible. Donc je peux croire qu'il existe quelque chose d'autre. Je peux croire en Dieu, mais cette affirmation ne peut en aucun cas être considérée comme un savoir. Il est donc facile de dire que la foi n'est qu'un sentiment.
La France catholique, 30/07/99

171. P. chante des cantiques. P. est heureuse avec son Dieu. Que peut-on espérer d'autre?

172. Messe dans une église de banlieue: 50 vielles dames, 2 hommes âgés, deux petits enfants (avec leur grand-mère) . La question est: jusqu'à quand et pour qui entretiendra-t-on le bâtiment?

173. Il est toujours pénible de contempler deux croyants ancrés dans la persuasion que l'opposant ne cherche pas la vérité. Voici plus d'un siècle qu'un historien genevois (Alfred Rillet, Relation du procès criminel intenté à Genève en 1553 contre Michel Servet, 1844, p. 83) écrivait de Servet: " Il était animé d'une foi sincère pour le christianisme tel qu'il le comprenait. " La même phrase s'applique à Calvin. Chacun, enfermé dans sa conception théologique des rapports de Dieu et de Jésus-Christ, accuse son adversaire de s'opposer à la divine révélation. Ni l'un ni l'autre ne condescend à dire: " Le problème est difficile ... c'est ainsi que je comprends l'Ecriture. " Non: l'un écoute avec la vraie foi, tandis que l'autre ment. La remarque si pénétrante de Paul sur la vérité reflétée par l'intelligence humaine comme par un miroir déformant ne les aborde pas. Et leurs contemporains - Erasme et quelques autres exceptés - partagent cet absolutisme magnifique et ruineux.
J. Rilliet, Calvin, éd. Fayard, 1963, p. 201.

174. L'estime dont certaines personnes nous entourent est fondée sur des apparences d'authenticité quand elle n'est pas l'effet d'uns sympathie toute naturelle. Secouer cette estime en révélant la réalité aurait l'avantage de supprimer l'odieux d'une situation truquée. Mais, à tout prendre, ne vaut-il pas mieux en souffrir que de prendre le risque d'abandonner au vide ceux qui se sont aventurés à nous donner leur confiance?

175. Si tant de jeunes gens ont pris le dégoût de la vie, c'est parce que la société, ayant perdu la foi en elle-même, leur fait poser sur le monde un regard sans illusion. Pour les sauver, il faut qu'elle retrouve sa foi... Comment ramener chacun à croire dans la justesse de ses valeurs et l'utilité de ses actes?
Roger Ikor, Je porte plainte, p; 95.

176 Recherche scientifique: ... " l'audace intellectuelle, la résolution, un heureux mélange d'assurance et de modestie qui permet d'entreprendre, et une confiance absolue dans le discours rationnel, la méthode des preuves et les discussions entre savants... ".
Jean Ferrari, Kant, p. 7.

177. Confession d'un journaliste célèbre, choyé par les grands de ce monde, avant de mourir: Que vous a-t-il manqué le plus pendant votre vie? La tendresse.

178. Entre l'allégorie d'Origêne et l'" exégêse " de la Théologie de la libération, quelle différence?

179. Car l'essentiel est qu'il faut vivre quand même et il faut mourir encore vivant. Il y en a tant qui sont déjà morts quand la mort de la chair vient les prendre. Il sont morts dans leur coeur depuis longtemps déjà, quand arrive la mort du corps; et c'est sur ce coeur que je veille, afin qu'il dure jusqu'au bout.
C.F. Ramuz, La Vie de Samuel Belet, éd. Rencontre, 1967.

180. Blessure
ridicule et vaine
objet fondant
déjà perdu
souffrance invisible
assez vécue
assez.

181. A l'obéissance, à la discipline se substituent l'initiative, la flexibilité, le changement. Nous sommes au temps de gagneurs, des sportifs, des battants. Malheureux qui se révèle sans ressort suffisant pour faire face à ces défis; la dépression sera son lot.
F. Courel, Etudes, février 1999, p. 282.

182. Si nous voulons vivre ensemble et travailler utilement, méfions-nous... de l'intimité, des secrets, des confessions, de tout ce batifolage. C'est du romantisme. ... ce n'est pas du laboratoire.
Geoges Duhamel, Vue de la terre promise, ch. 4.

183. Si toutes les mères coupent l'index droit de leur fils, les armées de l'univers feront la guerre sans index... Et si elles lui coupent la jambe droite, les armées seront unijambistes... Et si elles lui crèvent les yeux, les armées seront aveugles, mais il y aura des armées, et dans la mêlée, elle se chercheront le défaut de l'aine, ou la gorge, à tâtons...
Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu, acte I.

184. Au fait, est-il (l'empereur Hiro-Hito) bien sûr d'être un dieu? Adolescent il s'était violemment disputé avec son professeur d'histoire, criant que cette descendance lui paraissait " biologiquement impossible ". La cour, au comble de l'inquiétude, avait chargé le vieil oncle Saïsonsi de " convertir " Hiro-Hito. L'ennui, c'est que l'oncle ne croyait guère lui non plus aux origines divines de sa famille. Il avait simplement conseillé à son neveu de ne choquer personne, de ne plus mettre le dogme en doute devant qui que ce fût; après quoi, il restait libre de penser tout ce qu'il voudrait. Règle que désormais Hiro-Hito avait appliquée consciencieusement.
Alain Decaux, Alain Decaux raconte,  I, p. 398.

185. (Le bouddhisme) va dans le sens de ce que j'appelle un gai désespoir... Il nous rappelle que, pour trouver le bonheur, il faut cesser de le chercher.
Le bouddhisme ne s'épuise pas dans la quête du sens: il nous apprend à nous en passer.
André Comte-Sponville, L'Actualité religieuse, hors-série, n° 10, oct. 1997, p. 35.

186. C'est un phénomène récurrent dans l'histoire de l'Islam comme des autres religions: 'faire sans cesse effort pour rendre univoque une tradition sacrée qui ne l'est pas'.
Gilles Kepel, Le Monde, 14/04/1989

187. On peut améliorer une religion, on ne saurait la refaire. L'améliorer en faisant en sorte qu'au lieu de torturer les hommes elle les rende le plus possible heureux et bienfaisants. Le projet de Loisy était illusoire.

188. Pour se faire aimer, il suffit de plaindre. Je ne plains guère ou je le cache.
Antoine de Saint-Exupéry, Vol de nuit, ch. 11.

189.Tandis que périclitent les ordres religieux qui ont le courage de confronter leur religion avec la réalité contemporaine, d'autres naissent dont les membres, pris de panique, vont se réfugier dans les sanctuaires.

190. Ironie, vraie liberté! C'est toi qui me délivres de l'ambition du pouvoir, de la servitude des partis, du respect de la routine, du pédantisme de la science, de l'admiration des grands personnages, des mystifications de la politique, du fanatisme des réformateurs, de la superstition de ce grand univers et de l'adoration de moi-même.
Proudhon, Les confessions d'un révolutionnaire, éd. Halévy, 1929, p. 341-342.

191. On ne peut étudier Jésus comme on étudie un autre personnage, sans un a priori de foi ou d'incroyance.
Jean-Paul Roux, Jésus, Fayard, 1989, p. 23.
Cet oracle est un beau sujet de dissertation, mais il est faux. Il y a une via media.

192. Il lui fallait une petite semaine pour se désintoxiquer de l'être aimé, laisser s'estomper les traits de son visage, s'évanouir l'enchantement de sa beauté, dans la souffrance, l'obsession et la cruauté de l'impossible.

193. Pour communiquer avec autrui en vérité, il faut ne pas en avoir trop besoin, sous peine de briser la liberté de chacun. Se fuir dans l'autre ou bien le prendre en charge, ou faire preuve de compassion, est une forme secrète de mépris et d'impudeur.
Marie Botturi, sur " L'Exode " de Jean Sulivan, Etudes, août-septembre 1980, p. 20

194. On racontait que (le sophiste Gorgias) devait sa longévité à son parfait égoïsme, n'ayant eu ni femme, ni enfants et étant toujours demeuré indifférent aux souffrances et aux joies d'autrui.
A.Rivaud, Histoire de la philosophie, t. I, p. 110-111.

195. Comment se fait-il que devant le vide ou le champ de ruines on parvienne à agir de façon à laisser croire que l'un et l'autre sont un erreur psychologique? De façon à agir comme si on le pensait soi-même? La réponse est peut-être le besoin d'exister à ses propres yeux et à ceux d'autrui. Le rôle d' " ersatz de l'existence "?

196. L'essentiel n'est pas de croire mais de croire qu'on croit.

197. Le président:
Les voici toutes deux.
Clytemnestre:
Toutes deux est beaucoup dire. Electre n'est jamais plus absente que du lieu ou elle est.
Jean Giraudoux, Electre, acte I, scène IV.

198. Dans un milieu malveillant ou fâcheusement prévenu, l'affaire devient catastrophique. C'est le lapsus involontaire qui livre, dit-on, le secret du cœur; la perversion de la pensée que l'exposé magistral, hypocritement orthodoxe, avait eu l'habileté de cacher. Une fois l'insinuation lancée, quand l'auditoire est aux aguets, prêt à saisir la moindre défaillance verbale pour confirmer ses soupçons, il n'y a pas d'autre ressource que de demander à Dieu la faveur de devenir aphasique. Personne ne peut s'en tirer.
René d'Ouince, L'Epreuve de l'obéissance dans la vie du Père Teilhard de Chardin, dans L'homme devant Dieu, Mélanges offerts au P. Henri de Lubac, t. III, p. 334-35.

199. Galates 4,212-31. Paul allègue la Tora pour combattre la Tora en faussant avec éclat le sens de la Tora.

200. A la fouille, la police trouva des brouillons de sermons chiffonnés dans les poches du Cardinal de Retz.

201. Que les platitudes plaisent et rassurent! Il suffit de dire ce qu'on dit et répète d'habitude dans des circonstances données pour que la copie soit passable. A condition qu'elle ne soit pas trop longue.

202. Dés qu'on porte sur les religions le regard critique de l'analyste profane, non soucieux de justifier une croyance, qu'il soit philosophe, psychologue ou historien, un travail de sape s'effectue dont on ne peut prévoir le résultat.. Celui-ci, dans l'esprit d'un homme de religion, est en effet varié. Pour certains l'itinéraire sur le chemin de la critique aboutit sinon à une rejet catégorique de la croyance, au moins à une situation de mise en veilleuse et d'expectative. D'autres fonctionnent sur un double registre, sereins ou mal à l'aise suivant leur caractère individuel et les situations où ils se trouvent, autorisant à l'occasion l'empiétement discret d'un registre sur l'autre. D'autres endommagent leur regard critique soit par un choix soigneux des sujets, soit en noyant l'analyse dans une bouillon verbal qui neutralise les résultats jugés dangereux. D'autres enfin sont des hypocrites fieffés. Ces derniers, à ce qu'ils semble, sont plutôt rares.

203. L'âge venant, les frustrations qu'une perspective d'avenir rendait moins cuisantes, deviennent plus douloureuses, étant donné la certitude qu'elles sont désormais irrémédiables.

204. Un clochard arabe vous offre son sourire et son amitié. Un cadeau qu'on peut comparer avec les mêmes gratifications d'une impossible jeune femme. Dans le désert, où est le bonheur?

205. Un pédant, qui vit Solon pleurer la mort d'un de ses enfants, lui dit: " Pourquoi pleures-tu de la sorte, puisque cela ne sert à rien? " Et le sage lui répliqua: " C'est précisément pour cela, parce que cela ne sert à rien ".
Miguel de Unamuno, Del sentimiento tragico de la vida, cap. I, in fine.

206. Le drame, c'est qu'il n'y a pas de drame. Tout va bien, comme dirait Godard. On va au lycée ou on n'y va pas. On passe son bac ou on ne le passe pas. On se marie ou on ne se marie pas. On a du travail ou on n'en a pas. Est-ce que ça fait vraiment une différence? Voilà la question terrible que Pialat ose nous poser. Celle de l'insignifiance de nos conduites dans une société où plus rien ne fait sens.
J. Collet, sur le film " Passe ton bac d'abord ", Etudes, oct. 1979, p. 358.

207. Quand j'ai eu l'occasion de rencontrer au cours de ma vie, dans des couvents par exemple, des incarnations vraiment saintes de la charité active, elles avaient généralement un air allègre, positif, indifférent et brusque de chirurgien pressé, ce visage où ne se lit aucun attendrissement devant la souffrance humaine, aucune crainte de la heurter, et qui est le visage sans douceur, le visage antipathique et sublime de la vraie bonté.
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, t. I, p. 82.

208. Quand il jetait, pour ainsi dire à la dérobée, un regard sur son passé, c'était à son esprit une succession de reculs devant l'effort, de solutions faciles, d'abris dûment ménagés. Il enviait ceux qui n'hésitent pas à communiquer par écrit à leurs semblables quelques faits de guerre ou les étapes d'un voyage éclairé par la grâce de Dieu.

209. Ce pape (Paul VI) était un de ces hommes rares qui " comprennent tout ", c'est-à-dire qui voient la part de vérité ou d'angoisse qui se mêle à toute erreur doctrinale ou pastorale. Il avait un respect infini des personnes.
Philiippe Delhaye, Esprit et Vie, 28/3/1985, p. 180.

210. Comment oserions-nous confier le poids d'une justification à une oreille qui ne peut même pas attendre d'écouter une réponse?
Edmonde Charles-Roux, L'irrégulière, p. 410.

211. La bourrasque rénove les campagnes - ni la mort ni les grandes douleurs ne découragent. Mais la fatigue interminable, l'effort pour rester vivant heure après heure, la vue du mal des autres, du mal misérable, fastidieux comme les mouches d'été -, c'est là une vie qui vous coupe les jambes, Mnémosyne.
Hésiode, Dialogue avec Leuco

212. Le jour ou tu auras compris que tes états d'âme n'intéressent personne - je dis bien: personne - et que la seule chose que les autres attendent de toi est que tu accomplisses ce qui les avantage et ne leur nuit pas, tu auras trouvé l'art de vivre au mieux dans leur société.

213. Comment, dans nos prêches et nos conversations, ne pas ramener le christianisme à un art raisonnable de vivre?

214. Toute vie monacale est un échec dans la mesure où l'on croit qu'elle peut être autre chose.

215. Jésus, de retour sur terre, est invité chez des amis pour regarder la télévision. La première chaîne présente un documentaire presque insoutenable sur le travail des mineurs. Le Christ est accablé: pourquoi toute cette souffrance? Pourquoi ce travail inhumain? Il interroge ses hôtes. Ceux-ci s'étonnent de sa question et lui demandent pourquoi alors il a écrit dans son petit livre: " Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front! " " Mais c'était une plaisanterie, répond le Christ, jamais je n'aurais pensé qu'on prendrait cela au sérieux. "
Il insiste pour voir un autre spectacle. Sur la seconde chaîne sont filmés, à Rome, le pape, les cardinaux et les évêques en grande pompe. Jésus s'étonne: Qui sont donc tous ces hommes en vêtements chamarrés et à la démarche majestueuse? " " Ce sont ceux, lui répliquent ses amis, qui ont compris que tu plaisantais. "
Roland Jaccard

216. Pour moins souffrir de l'hypocrisie, des faux-fuyants et des dérobades des autres, un remède: dans quelle mesure ne suis-je pas moi-même un hypocrite?

216. Un nouvelle traduction de la Bible en français vient d'être publiée, à grand renfort de publicité. Elle contient un certain nombre de contre-sens originaux qui, par leur curiosité, frapperont l'opinion et procureront des acheteurs à la maison d'édition. Un scoop de plus à l'adresse d'un public avide de nouveauté.

217. Le fossé entre les êtres, l'impossibilité de se rejoindre. Les dialogues de sourds ne sont que l'image matérielle et vocale d'un isolement psychologique atroce ou résigné. Voir les films de Bergman.

218. En la voyant dans l'église, en la communiant et dans cet acte même je la perdais de nouveau.

219. Méfiance bien connue de Loisy pour toute théorie totalisante, toute idéologie définitive, qui croit tenir la formule de l'univers et de son histoire. ( Emile Poulat, Critique et Mystique, p. 278).

220. Tout messianisme, quelle que soit la forme qu'on lui donne, est pure utopie. Les faits ont prouvé et prouvent encore qu'en réalité Qoheleth avait raison: Rien de nouveau sous le soleil! La question à se poser est: comment, dans ce cas, donner un sens à cette utopie que nous ressassons inlassablement devant les quelques croyants de nos temples?

221. Jésus chez Marie-Madeleine. Jésus laisse ses disciples à l'ombre d'un arbre et va rendre visite à la cabaretière, connue aussi pour certaines activités annexes. Jésus est fatigué. Il s'assoit. " Qu'est-ce que tu prends? " - " Du vin ". On cause . On ne sait pas ce qu'ils se disent. Au bout d'une heure, Jésus se lève pour partir. " Il vaudrait peut-être mieux que tu passes par la porte de derrière. " Jésus passe par la porte de devant. Les disciples et les villageois le voient sortir du bistrot mal famé. Il sent le vin. Sa réputation est faite (voir Mt 11,19: Lc 7,34)..
D'après Denis Mac Bride, CSSR, Jésus portrait insolite, Ed. de l'atelier

222. Elie à l'Horeb. Là où Dieu n'est pas. Ni dans le cosmos, une énigme. Ni dans la Bible, incohérente et pleine de tâtonnements humains. Ni dans la théologie, une élucubration pour rendre rationnellement plausible ce qui ne l'est pas. Peut-être dans cet instinct, ce " souffle " intérieur qui contrecarre les poussées les plus élémentaires de l'homme, le rend capable d'aimer ce que naturellement il n'aimerait pas, à souffrir ce que naturellement il rejetterait avec horreur, à renoncer à une certaine forme de bonheur, à se taire là où il aurait envie de parler, à parler là où il a envie de se taire, à apporter un peu de joie et de paix là où elles font défaut La transcendance, l'ailleurs, le Différent le " divin " se manifestant dans ce qui n'est pas humain, naturel, spontané, dans un monde où communément, on ne pense qu'à soi. Le christianisme ne tenant que dans le signe du Crucifié, qui a tout perdu, dignité comprise, pour sauver le monde. La notion de " sacrifice " revue et corrigée.

223. Loisy et Bergson. " Loisy reproche aux Deux sources une carence positive et l'explique par un coup de force philosophique. " (Emile Poulat, Critique et mystique, p. 278).

224. Le pape, enfin, ce qu'il en reste, arrive ce soir par le train de 20 h 15. Il est attendu à la gare par le dernier prêtre de la ville, délégué de l'évêque régional. Il vient attendre le pape à la gare. Le pape est en civil. C'est un Croate de quatre-vingt-deux ans. Il marche avec une canne. Il visite les communautés catholiques de France. Demain dimanche il célébrera l'eucharistie à la chapelle Saint-Laurent, où l'on rassemblera une centaine de catholiques. La cathédrale ne sert plus pour les offices. Elle est trop grande et trop froide. Elle est devenue un musée. Beaucoup d'Eglises, ont été rasées. Mal entretenues, elles étaient devenues dangereuses pour le public. On a gardé les plus anciennes et les plus belles pour que les touristes les visitent en été. On n'en a plus besoin. Pour les enterrements: la C(ompagnie) F(unéraire) N(ationale) a ses propres temples avec des ministres civils appropriés, selon la religion ou l'absence de religion, au choix. Le dimanche les catholiques se rassemblent dans une chapelle de la ville ou le prêtre célèbre une fois le matin et une fois le soir. Le pape célébrera demain à Saint-Laurent et ce sera une belle fête. Il y aura un apéritif après la messe. On pourra se dire qu'on est revenu aux premiers temps de l'Eglise (suite n° 243).

225. Un puissant, peut-être le plus puissant ressort de la violence à travers le monde: la jalousie. Les hommes sont encore et toujours des enfants, mais il ont hélas! cessé de se disputer pour une poupée ou un ballon.

226. Nous apprenons, par les prières de l'Eglise, que Dieu entoure l'humanité de son amour et de sa protection. Le tout est de savoir comment, après des carnages du genre de ce qui vient de se passer aux Etats-Unis, cet amour et cette protection se manifestent. Une hypothèse et une possibilité: le christianisme sème dans l'humanité ce qui l'empêche de se corrompre entièrement dans la bêtise et la haine. De la vase, de la boue, des gravats et du sang quelques fleurettes arrivent, on ne sait comment, à pousser. Où l'on respire le parfum discret de l'amour gratuit. Peut-être est-ce là une raison suffisante de demeurer chrétien.

227. Dans une réunion de supérieurs religieux, j'émettais clairement des réserves au sujet du vœu d'obéissance, que peu, à vrai dire, pratiquent. Réaction immédiate et véhémente d'un abbé cistercien. Après la séance, deux de ses participants me confient qu'ils sont bien d'accord avec moi. Qui a eu le courage de m'épauler au moment où je m'exprimais en public? Personne.

228. Quand tout s'enfuit comme le brouillard que dissipe le matin, il ne nous reste plus qu'à faire un peu de bien. C'est alors que le soleil pourrait se lever

229. As far as the historian can judge, Jesus, viewed simply from the vantage point of empirical Jewish history, was a failure... To be sure, faith shows us that the failure of the cross is only the dark corridor leading to God's final victory in the resurrection. But with Jesus, so with ourselves: the final victory in no way lessens the frightening and bitter reality of that dark corridor through which we have to pass to reach God's victory, not ours.
J.P. Meier, Theology Digest, 47, 2000, p. 313.

230. Des ouvrages hypercritiques sur Jésus voient le jour. Ils sont écrits par des auteurs qui n'ont pas souffert et n'ont rien perdu pour être attachés à sa personne et à son service. En eût-il été autrement que leurs publications seraient différentes, que leur but serait autre que de déniaiser les croyants. " Si Celse avait lu les Evangiles sans haine ni animosité, mais par amour du vrai... " (Origène, C. Cels., VI,16)

231 Ce qui manque à l'Eglise dirigeante, ce qu'elle a le plus souvent ou trop souvent refusé, c'est une réflexion en profondeur non pas à partir de la religion mais sur elle... La gravité et la radicalité de la crise exige donc une réflexion et une remise en question non pas à partir de ces religions ni à partir de leurs textes scripturaires et des événements miraculeux sur lesquels elles prétendent s'appuyer, mais sur ceux-ci... La première question est donc bien: Dieu a-t-il parlé? et qui le dit?
Jean Kamp, Ce grand silence des prêtres, p. 284-285.

232. Souffrance. A quoi bon se plaindre de souffrir, comme si la souffrance ne faisait pas partie de la vie? Certains ne veulent pas souffrir, et cherchent désespérément le bonheur, en prenant les drogues les plus adaptées pour le leur procurer. Seule la morphine est légitime pour calmer les grandes souffrances physiques. On peut y ajouter les tranquillisants pour atténuer l'angoisse de la mort. Mais les autres souffrances, inévitables, ne peuvent qu'être assumées comme chose naturelle. Le tout est de ne pas s'en prévaloir pour empoisonner la vie des autres. Ils ont assez à endurer avec leur propre souffrance sans devoir subir celle qui sort de nous-mêmes sous forme d'agressivité ou de mauvaise humeur.

233. Philosophie. Débarrassée de son jargon, elle est désormais fraternelle et accessible à tous: la philosophie ne prétend plus changer le monde, mais cherche à nous rendre plus heureux. Après les maîtres penseurs, voici les frères panseurs.
François Busnel, L'Express, 30/08.2001.

234. Le rôle de l'écrivain est de bousculer les tabous, de dire ces vérités que tout le monde ne veut pas voir ou entendre... pour tenter de réfléchir autrement que les réciteurs de catéchisme
Richard Millet, L'Express, 30/08/2001, p. 56.

235. " Si l'Islam a vraiment besoin d'une révolution copernicienne.... l'Occident doit aussi s'interroger sur sa panne de sens " (Michel Cool, Témoignage Chrétien, 18/10/2001, p. 9). Mais qui s'interroge sur le fond?

236. Le glaive, non la paix. Telle est bien souvent la réalité de celui qui s'est laissé emmener dans la religion du Crucifié. Mais comment, dans ce cas, ne pas cultiver l'herbe empoisonnée du masochisme dévot?

237. La foi. " Rien de commun... avec les ouvrages dans lesquels la religion est à la fois un mobile commode et un moyen de prosélytisme... c'est la foi vers laquelle tant d'âmes se tournent au moment de la détresse et il est probable que le monde finira sans que ce sentiment, malgré les polémiques et les persécutions, ait disparu de la surface de la terre. "
César Santelli, Georges Duhamel, p. 136.

238. On me demande de contribuer à un ouvrage intitulé: " Le Dieu de la Bible ". Mais comment ramener à l'unité le Dieu de Jérémie (46,1 - 51,64) qui profère une série d'oracles vengeurs contre les nations païennes et le Dieu de Paul (ni Juifs ni Grecs)? La solution de Marcion avait au moins le mérite d'être lucide.

239. Riposte américaine à l'attentat contre le World Trade Center: " Pour réagir à l'affront on a choisi la justice vindicative ...je pense qu'il faudrait avoir recours à des méthodes plus douces, plus subtiles, plus rusées que l'ennemi... Ce n'est pas la guerre qui va construire la fraternité entre les peuples. Je ne crois à aucune guerre juste. ".
Stanislas Breton, La Croix 25/10/01

240. Un seul remède contre l'amour: la distance irrémédiable. Ne jamais plus la voir.

241. Ecrire sur les origines du christianisme oblige à passer un cap des tempêtes: la divinisation de Jésus.

242. Quand tout bascule dans l'inconnu, quand le nuage étouffant de la tristesse vous pénètre tout entier, quand vous éprouvez un immense dégoût de vous-même, quand tout paraît affaire de mots et que l'humanité vous désespère, écoutez la quatrième symphonie pour orgue de Louis Vierne, vous serez servis.

243. A mon âge, il faut avoir conscience que la mort approche. Il faut avoir prévu les deux ou trois choses essentielles... Des comptes à peu près apurés au plan moral. Ne pas avoir failli à l'essentiel auprès des gens que j'aime, ou que j'ai aimés. Et avoir l'honnêteté de m'acheminer vers la mort comme j'ai vécu: sans savoir si j'ai ou non la foi. Je veux m'en tenir à cette attitude, parce qu'elle est la plus honnête.
Michel del Castilllo, La Vie 31.10.01, p. 58.

244. Pour se confier à quelqu'un il faut être sûr que pour la personne qui recueille la confidence il n'en résultera ni ennui ni démolition. C'est très rare.

245. Une vaste table de bois dur les séparait. Il a dit: " Je ne veux pas que vous souffriez; je veux que vous soyez heureuse là où vous êtes ". Elle était belle et elle a répondu: " Je prierai pour vous ", et elle est partie. La phrase est tombée comme un couperet libérateur.

246. " Les Communiants ", de Bergman: " Et le film se ferme comme il s'est ouvert: sur l'office célébré par le pasteur, bien qu'il n'y ait dans l'église, pour seule fidèle que Mirta. Thomas défie ainsi le silence et ses doutes. Il prie son Dieu bien qu'il soit coupé de lui. "
Jorn Donner et Guy Braucourt, Ingmar Bergman, p. 118.

247. Pardon " C'est la définition étymologique: donner par-dessus ...Dans l'Evangile, les paroles du pardon à la femme adultère ne ressemblent pas du tout à un pardon:: " Personne ne t'a condamnée. Je ne te condamne pas non plus. Va et ne pêche plus.' La dernière phrase étant dite, me semble-il sans grande illusion, presque avec ironie, comme si ça n'avait pas d'importance. J'essaie d'avoir la même attitude: avoir conscience que le Mal ne m'est pas extérieur: donc ne me poser en juge; ne chercher ni excuse ni explication.
Michel del Castillo, La Vie, 31/10/01, p. 57-58.

248. Pour les plus grands romanciers, Balzac, Dickens, Tolstoï, Dostoïevski, la question de l'existence de Dieu est la seule question. Et l'écriture, l'art en général, est le moyen, non pas de trouver la réponse, mais de se tenir toujours au plus près de cette question. On le savait dans le monde auquel j'appartiens et qui a disparu.
Michel del Castillo, La Vie, 31/10/01, p. 58.

249. Deux sortes d'exégèse: l'une s'efforce de savoir ce que l'auteur a voulu dire; l'autre fait en sorte que le texte qu'il a produit soit intéressant de nos jours. La première est une épreuve. La seconde est un pari.

250. Quand le montage des dogmes s'écroule, que reste-t-il au menu sinon une morale stoïcienne améliorée d'agapè chrétienne?

251. Le langage évolue en un charabia de mots anciens déconnectés de leur signification usuelle. Les auditeurs, charmés, n'en croient pas leurs oreilles.

252. Sois bon et miséricordieux avec toi-même. Accepte-toi tel que tu es, avec tes limites et tes ombres. Considère tes échecs comme autant de chances. Lâche tes rêves de perfection. Réconcilie-toi avec ton passé. Renonce à tes culpabilités. N'aie pas peur de faire des erreurs. Détache-toi du regard d'autrui, et des fausse images de réussite
Anselme, OSB

253. Un jeune prêtre, paraît-il, prétend que Jésus n'était pas juif et se propose d'en instruire les fidèles dans ses sermons. La thèse est ancienne et les nazis lui avaient trouvé des défenseurs. On se demande comment ce jeune homme a pu être ordonné prêtre, non seulement en raison d'une hétérodoxie manifeste, mais encore à cause du dérèglement mental dont il fait preuve.

254. Le désir de plaire chez certaines femmes est d'autant plus redoutable qu'elles n'ont pas une conscience claire de ce qui est chez elles un réflexe instinctif.

255. " La foi n'est pas un cri ". La vérité de cet aphorisme serait sans doute à revoir. Quand les assises rationnelles de la croyance s'effritent, que peut-il nous rester d'autre que ce cri qui ne s'éteindra que lorsque nous aurons cessé de vivre?

256. Certains écrivains détestent leurs personnages (type Anouilh), au point de les caricaturer (type Michel de Saint-Pierre). D'autres éprouvent pour les moins avantagés d'entre eux une véritable compassion (type Julien Green). Seule la dernière attitude est évangélique.

231. Sur la tombe de Loisy: Tuam in votis tenuit voluntatem. Extrait de l'oraison à réciter au cimetière, d'après l'ancien rituel des obsèques.

232. Au-delà de la langue de bois (ecclésiastique), des faux-fuyants et des remparts protecteurs, sera-t-il jamais possible de penser la vérité sur soi et de la dire?

233. Aujourd'hui, chez les catholiques l'au-delà semble moins prégnant qu'il ne l'a été. Plus que de fonder leur espérance dans le futur, ils travaillent à restaurer le Royaume ici-bas. Le paradis du ciel se déconstruit, mais non l'au-delà; que les croyants définissent désormais comme une " utopie "... Un non-lieu où les hommes se retrouveront près de Dieu, dans une fraternité universelle.
Isabelle Francq, Actualité des religions, n° 33, décembre 2001, p. 17.

234. Un des problèmes que certains d'entre nous peuvent avoir à résoudre: Comment maintenir les gens qui nous écoutent encore dans leur religion native, ou retrouvée, comment leur être utile sans cesser d'être sincère, sans employer les mots passe-partout des sermons?

235. [" Oui mon amour est proche ! Oh oui, viens, Seigneur Jésus ! "] Dernier mot (malgré la conclusion d'Ap 22,21) de la Bible chrétienne. Combien émouvant, mais un énorme pari, à moins de le réinterpréter. Est-on honnêtement en droit de le faire?

236. Il importait peu qu'il fît noir ou clair dans cette chambre, et que le cœur de l'homme fût dur ou charitable. Le monde s'évanouissait comme un mauvais rêve; il ne restait plus de cette vie que la douleur dont sa chair était affligée encore, et cette douleur elle-même devenait plus sourde; les derniers liens se rompaient. Dans l'extrême confusion où étaient, pour cette femme, toutes les choses de la terre, à peine le son des paroles humaines parvenait-il à elle, mais elle n'en comprenait plus le sens. Déjà ses yeux se fixaient sur la vision que les morts contemplent à jamais.
Julien Green, Léviathan, fin.

237. Pour ne pas devenir un " bateau ivre ", un seul remêde: intéresse-toi à ceux qui souffrent et et fais tout ce que tu peux pour les soulager.

238. Aucune prophétie, sauf celles qui ont été fabriquées après coup (type prophéties de la Passion et de la Résurrection) ne s'est réalisée: la monarchie davidique n'a jamais été restaur ÿée, le Temple de Jérusalem n'a jamais été rebâti, le retour du Christ (parousie) n'est même plus attendu de la majorité des chrétiens. Mais on continue à lire dans les assemblée les mêmes promesses et les même prophéties. La question se pose: que faire de ce qui n'est manifestement que l'expression d'une utopie?

239. " Venez , divin Messie ". Déchirant appel de ce vieux cantique que nous chantons encore dans une forme un peu rajeunie, mais encore plus angoissante. Comment, à moins d'être inconscient, ne pas gémir intérieurement et ne pas laisser les larmes jaillir quand tout est tellement comme avant?

234 Le journalisme est par essence fugitif, superficiel et comestible. Les esprits profonds y sont mal à l'aise... Les esprits légers et irresponsables y sont dangereux.
Françoise Giroud, Leçons particuliêres, Livre de Poche, p. 115.

235. Dieu est un feu follet qui court toujours devant nous, pour nous faire aller plus loin, escalader les dunes et les montagnes.. Dieu nous dit aussi que les valeurs qui s'inc Áarnent pas ne sont pas des valeurs; il nous pousse à penser au monde dans l'action et par l'action. Et il nous donne du courage.
Régis Debray, Témoignage Chrétien, 20/12/2001, p. XI.

236. La " théologie de la libération ", tout en gauchissant à son avantage les données scripturaires, a(vait) au moins l'effet positif de faire réfléchir des gens simples et de les aider à améliorer la société. Le pentecôtisme qui déferle actuellement en Amérique latine et se répand en Europe sous la bénédiction pontificale, n'a d'autre résultat que l'évasion d'une jeunesse avide de bonheur immédiat. La fête ne dure pas. On attend la suivante.

237. " Le miel et le vin ". Elle serait tout cela, la douce et vive P., si ce n'était pas, au fond, un rêve. Le savoir ne guérit pas la souffrance mais évite l'illusion.

238. Ce qu'on ne dit jamais: un clergé célibataire est mobile et économique.

239. Contradiction pour les uns, paradoxe pour les aurtres. Les uns s'en offus ¹quent, les autres s'en régalent.

240. Un tel fait partie de la " Commission pontificale " de je ne sais quoi. Cela veut dire qu'il est mobilisé comme apologête, non pour chercher le vrai quoi qu'il puisse en coéter.

241. Il faut... acepter d'être écartelé... entre la conviction profonde... que l'Evangile est ce qu'il prétend être, une bonne nouvelle jamais épuisée pour la vie des hommes, et la disparition d'à peu prês tous les repêres qui jusqu'à présent ont permis sa manifestation.
J.-P. Manigne,EspVie, 252, 2002, p. 83, rec. M. Bellet; La quatriême hypothêse sur l'avenir du christianisme.

242. Erasme, ancien chanoine régulier, se plaignait, après coup, de la platitude des conversations dans son monastêre. Les émissions de voix, volumineuses mais d'un contenu souvent insignifiant, sont un signe de vitalité chez des personnes ou sénescentes ou de peu de réflexion. A comparer avec les petits enfants rarement silencieux.

243. Le p Þape, l'évêque de Rome, est arrivée samedi soir à la gare par le train de Marseille. Il avait l'air bien fatigué. Henri, le prêtre de la ville était là pour l'accueillir. C'était un soir d'hiver. Il l'a emmené chez lui par le bus, bondé. Le pape avait l'air tellement fatigué qu'une jeune femme arabe lui a laissé sa place Ils sont arrivés chez Henri dans un pavillon modeste mais tranquille qu'il a hérité de sa famille en banlieue. Sa femme, Pascale, les attendait avec les deux aînés, Michel et Micheline. Pascale est enceinte. Le pape a embrassé Pascale et les enfants. Il a dit qu'il était heureux d'être aussi bien reçu. Son français est un peu hésitant et les enfants, de 8 et 6 ans l'ont trouvé drôle, mais ils n'ont pas osé rire. Henri et Pascale travaillent à la Poste, l'un comme technicien l'autre comme factrice. On a dîné ensemble avec le pape. Il mange peu le soir, mais il accepté un petit vin du cru pour accompagner son repas. Il a dit une priêre et il est allé se couche r dans la chambre de la grand-mêre, décédée l'an passé;
Le lendemain matin l'évêque régional et arrivé. Il a été retardé par la maladie de se son second et par une confirmation dans un chef-lieu de canton. Avec Henri il a assisté le pape dans la célébration de l'eucharistie. Le pape a fait une homélie sans apprêt sur l'introît du dimanche de " Gaudete ". et invitant les quelques dizaines de personnes réunies devant lui à entrer dans la joie, comme on entre dans une église pour y recevoir quelque chose qu'on ne trouve pas partout, quelque chose de rare qu'on ne fabrique pas soi-même Il a dit cela sans éclats de voix ni signes d'enthousiasme mais d'un ton calme, plein d'affection et de compassion. Et il a terminé son sermon en citant Bonhoeffer: Réjouissez-vous parce que vous êtes pauvres. Il ne vous reste rien sinon la priêre et le service de vos semblables. Le reste se démolit sous nos yeux. il n'y a plus d'églises pour se glorifier de pierres et de briques. Il n y a plus de théologiens pour élaborer de s systêmes et des thêses apologétiques. La foi ne se défend plus. Elle vit, et c'est vous qui l'êtes. Amen
Tout le monde pleurait. Alors le pape a parlé comme Esdras devant la foule de Jérusalem. Il a dit: Ne pleurez pas, c'est pour vous et pour moi un jour de fête, un jour de joie. Mes prédécesseurs se sont fait ovationner par des foules de jeunes à Paris, à Toronto et je ne sais oùencore. Moi, je n'ai que vous. Vous êtes le sel de la terre et la lumiêre du monde. Réjouissons-nous. Terminons la messe. Nous irons ensuite dans la salle voisine. Je vous offre l'apéritif.

244. Que la conscience de l'échec personnel ne détourne pas les autres de croire qu'ils sont toujours dans la bonne voie.

245. Nous prêchons l'inverse de ce que nous ressentons. Nous prêchons la résurrection, la levée des corps. Nous l'entendons encore nous dire:Talya, talyeta qoum(i). Nous le disons aux autres pour qu'au moins eux aient encore le goét de se lever et de vivre.

246. Le ministre d'une religion est fait pour porter et non pour être porté. S'il est pour lui, en cette vie, une part de bonheur, elle consistera à donner ce qu'il peut et à recevoir ce que personne ne songera à lui donner.

247. La souffrance rédemptrice? En tant que souffrance? Non. Mais il faut respecter et même encourager ceux qui souffrent et donner un sens à leur souffrance.

248. Don Quichotte avait la chance d'être fou et de pouvoir rêver sans entraves et sans scrupules.

249. Je souffre de l'absence de penseur capable de proposer le christianisme en tenant compte des violences extrêmes qui ont traversé ce dernier siècle... Je ne peux pas écrire quelque chose de chrétien à l'eau de rose alors que je vis dans une société qui broie ses enfants.
Christian Ganachaud, La France Caholique, 19.01/2001, p. 26.

250. Ce que nous recommandons aux gens mariés (aux femmes mariées surtout): aller jusqu'au bout de l'irréversible, est applicable à d'autres situations. On leur parle d'amour. Peut-on en dire autant d'un autre type d'engagement pris dans la jeunesse ? Essayons de nous en convaincre, pour ne pas manquer à l'honnêteté envers ceux (celles) que nous gratifions de tant de belles paroles.

251. La beauté ... m'a toujours ému des sentiments les plus forts et les plus divers et il en résulte une sorte de combat intérieur qui fait que je passe, dans le même instant, de la joie au désir et du désir au désespoir. Ainsi je souhaite et redoute à la fois de découvrir cette beauté qui doit me tourmenter et me ravir, et je la cherche, mais c'est avec une inquiétude douloureuse et l'envie secrête de ne pas la trouver.
Julien Green, Christine.

252. Le conctact avec le divin (y compris avec Jésus) est une expérience essentiellement subjective, personnelle. Les arguments qui viennent ensuite la soutenir, quelle que soit leur nature, n'ont qu'une faible valeur. Heureusement, peu parmi les croyants des religions s'en préoccupent, et c'est ce qui leur permet d'êre actifs et diserts.

252. Ne pas savoir oùl'on est, cela peut prendre un sens.
Maurice Bellet, Ecritures , n° 49, 2002.

253. Plus je vais, moins je goéte la langue religieuse catholique. Elle sue la répétition et l'usure. Lisez nos magazines. Ils en sont pleins.

254. Le pape exprime sa douleur devant la pédophilie chez les prêtres. Au lieu de douleur, on préférerait une réflexion sur les causes

255. Jean Kamp a écrit un livre , " Ce grand silence des prêtres ", oùil dit tout haut ce que certains pensent tout bas. Ceux qui pensent. La question: ce livre, pour qui et pourquoi?

256. " Dialogue à hauteur d'homme " (Golias, n° 81 bis, p. 11). Alors que l'un des deux interlocuteurs et parfois les deux ont quelque chose à défendre, leur réputation ou leur tranquilité à sauver. Ce dialogue peut-il jamais s'établir entre clercs?

257. Nos clercs débattent sur les points en réalité secondaires, comme de savoir si l'on va ordonner des hommes mariés ou des femmes. Le fond est laissé de côté. Mais comment retoucher vingt siècles de christologie?

258. Ce qu'il y a de plus divin dans le monde n'est pas le fracas du tonnerre, ni la lumière du soleil, ni l'épanouissement de la vie sur la terre; c'est la beauté des âmes, la pureté du coeur, la perfection de l'amour dans le sacrifice, parce que tout cela est le don souverain de Dieu à l'homme, la plus grande oeuvre et la manifesttion suprême de Dieu dans l'univers.
Alfred Loisy, L'Evangile et l'Eglise ch. 6 (éd. Mordillat et Prieur, p. 171)

259. Retrouver le chemin de la joie. Le miracle attendu, espéré, convoité, sera-t-il jamais effectué malgré tout ce qu'on voit et tout ce qu'on sait, en soi-même et dans le monde?

260. Une abondante littérature autour de l'homosexualité et l'Ecriture, spécialement au Etats-Unis. Dear Yankees, don't worry! Inutile de vous fatiguer: l'Ecriture est contre. Qu'il s'agisse de l'Ancien ou de Nouveau Testament, l'homosexualtié est une perversion et sa pratique est un péché.

261. Et s'il ne nous restait que l'éthique et le sacrifice?

262. Il faudra bien qu'un jour les responsables des Eglises affrontent ce que l'exégêse historique leur présente -. La crise moderniste, après une rémission, refait surface, avec une liberté que nulle autorité n'est plus capable d'étouffer: Touit à présent sort au grand jour. Il faudra bien que les dogmes soient formulés en tenant compte de ces perceptions historiques si l'on veut non qu'ils soient crédibles mais qu'ils qu'il aient encore un sens. Mais qui s'intéresse aujourd'hui aux dogmes?

263. Un appel à la paix en Palestine/Isra'l au nom de Moïse, de Jésus et de Mohammed. Passons pour Jésus, dont on n'est jamais arrivé à prouver qu'il a fomenté la révolte  contre Rome, mais Moïse et Mohammed! Pour Moïse, la légende exodiale est pleine de combats. Quant à Mohammed, de qui se moque-t-on?

264. Une once d'esprit spéculatif serait tellement utile, pour pouvoir apporter aux problèmes les plus aigus une solution et s'en satisfaire, sans fermer la porte, mais en pouvant s'asseoir quelques instants et se reposer sur le seuil.

265. Il faut que l'orthodoxie s'arrange avec la vérité. C'est son affaire à elle. ( L'abbé Huvelin, d'après E. Goichot, Alfred Loisy, p; 34).

266. On a déjà imprimé plus d'une fois que je suis un " exégête sans coeur ". Si c'était vrai tout à fait, j'aurais bien moins souffert dans le passé. Et nul ne soupçonne que ce dont j'ai le plus souffert est l'isolement dans lequel j'ai vécu; le reste, en comparaison, comme peine intérieure, a été assez peu de chose. ( A Loisy, dans Raymond de Boyer de Sainte-Suzanne, Alfred Loisy ­ entre la foi et l'incroyance, p. 197).

267. Devant nous quatre hypothèses. Ou bien " la disparition, l'effacement indolore. On n'en parle plus ". Ou bien la dissolution dans les valeurs communes mondialisées: " Jésus, maître admirable. Mais pas plus que d'autres ". Ou bien, cahin-caha, non pas rigoriste, un peu progressiste, la continuation provisoire. Ou bien, " autre chose ", le renoncement au " systême religieux, doctrinaire - disciplinaire, de l'âge moderne d'Occident et l'entrée dans une êre d'humanitté ou l'Evangile peut être redit à tous - à chacun sur son chemin. ( Edmond Durand, Maurice Bellet: La quatrième hypothèse. Sur l'avenir du christianisme. - Trajets, octobre 2002, p. 51.)
(Une question cependant: Qu'est-ce que l' "Evangile "?)

268. L'ouvrage de Gerd Theissen, Die Religion der ersten Christen, récemment traduit en français (La Religion des premers chrétiens) et publié aux édtions du Cerf, contient un chapitre consacré à la " divinisation " (Vergšttlichung?) de Jésus. C'est, à ma connaissance, la première fois que le mot émerge dans le vocabulaire théologique français. Peut-on espérer que nos théologiens et nos responsables religieux se pencheront sur le cas et en tireront des conséquences quant à l'" essence du christianisme "? L'arianisme était une thèse spéculative qui ne tenait aucun compte de l'histoire. Celle-ci reprend ses droits.

269 Les ordres apostoliques et quelques autres périclitent en Occident. Aucun avenir visible ni prévisible. On marche vers l'extinction. Ce qu'il reste de ces ordres s'évertue à y remédier à coup de dépliants et d'organes ou entreprises de propagande. (dites " pastorale des vocations ") Les responsables haut placés envisagent des inflitrations d'Indiens et autres religieux du tiers-monde, une erreur psychologique vouée à l'échec. Tout cela est peine perdue. Des ordres sont morts, d'autres peuvent renaître. Cela se fera tout seul ou cela ne se fera pas. L'essentiel est de vivre honnêtement le temps et les circonstances présents.

269. Une visite matinale à N.-D. de Victoires à Paris, où quelques fidêles rejoignent les moniales desservantes en commençant par s'incliner devant la statue de la Vierge et de son enfant couronnés. Peu de temps après j'expose dans un studio une analyse historique des origines chrétiennes qui, d'un coup, rendent ces dévotions sans fondement dans la réalité. Le respect, l'admiration et l'envie auront-ils le dessus sur la critique? Ou bien, ce qui est le plus probable, les deux sentiments subsisteront-ils dans le paradoxe et l'inconfort?

270. Il faut attendre la vieillesse pour acquérir l'art du silence, pour pratiquer le sacrifice de la parole où l'on se communique mais dont la sincérité pourrait être nuisible.

271. 30 juin 2002: une ordination à la cathédrale: derniers vestiges d'une Eglise cléricale.

272. Rien de plus cruel que de démolir la maison qui vous abrite.

273. Alain Bandelier, dans " Famille chrétienne " (n° 1264, 6-12/402,, p; 25) nous compare aux scribes et aux Pharisiens de Mt 23, à ceux qui ont enlevé la clé de la connaissance: " Vous n'êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés ". L'auteur oublie seulement de compléter l'assimilation en nous traitant d' " hypocrites ". Hélas! Le serions-nous que nous souffririons moins.

274. Un phénomêne de repli s'observe aujourd'hui dans l'Eglise. Ce sont les nouveaux qumraniens, à cette différence près qu'à Qumrân on se séparait de l' "Eglise officielle " en la condamnant, alors que les nouvelles " sectes " catholiques s'acharnent au contraire à la mettre de leur côté en récupérant ses dirigeants dans leur sillage.

275. Le problême du mal. Pourquoi un Dieu supposé bon permet-il tant de souffrance? Il n'existe pas de solution théorique. L'unique solution est d'ordre pragmatique. Elle seule permet au chercheur indiscret de trouver un peu de paix. Elle consiste à faire reculer dans la mesure du possible, la souffrance qui broie le monde et l'empoisonne.

276. Misereor super turbam.

277. (Le directeur de la police) se rassit devant son bureau. Je suis lâche, se dit-il. Je n'ai pas le courage de mes opinions. Je ne suis pas indispensable à Scotland Yard, c'est le Yard qui m'est indispensable. [Graham Green, C'est un champ de bataille (It's a Battlefield), ch. V.]

278. Peut-on espérer qu'un jour les responsables politiques ou religieux regardent les choses en face et les appellent par leur nom?

277. Tout est relatif. Tout. La vie, la mort, l'amour, les religions. Tout, et le malheur de l'homme est d'en avoir fait des absolus. En s'entretuant au besoin pour les défendre.

278. Les Eglises se recommandent du fondateur, elles affirment sérieusement qu'elle gardent son héritage et réalisent son projet.. Toutes sont des interprétations de ce qui était déjà une formidable interprétation.

279. Le pape et le Dalaï Lama: quelle différence quant à la pratique?

280. La religion, si l'on veut qu'elle fonctionne comme antidépresseur, doit être remodelée dans ce but. Le message chrétien, tel qu'il découle des évangiles en particulier, n'est pas un remède à l'angoisse, mais un stimulant cardiaque.

281. Si (votre livre) est en effet peut-être susceptble d'aider quelques hommes de haute culture engagés dans une mutation douloureuse, il risqu e malheureusement... d'affaiblir un nombre encore plus grand d'hommes et de femmes qui cherchent Dieu au cours de leurs engagements et qui pour autant n'accepteront jamais de rompre leur communion dans l'Eglise visible.
Lettre d'Odilon de Varine, provincial des Jésuites de Paris, à Michel de Certeau, dans François Dosse, Michel de Certeau, le marcheur blessé, p. 202.

282. Se canta lo que se pierde.
Machado

283. Je ne crois pas à la gratuité. Le dévouement le plus sublime et le plus apparemment gratuit est toujours entaché de quelque recherche d'avantages personnels, le plus discret étant celui de pouvoir se satisfaire de sa propre bonté.

284. Le Pêre de Certeau me déconcerte un peu par sa prétension d'aider alors que lui-même est en pleine recherche sans avoir encore suffisamment élucidé et discerné les tenants et les aboutissants des questions qu'il se pose lui-même à juste titre..
Lettre du P.Lesage, provincial des Jésuite au P. Giuliani, à Rpme, dans F. Dosse, Michel de Certeau, le chercheur bl  essé, p. 76.

285. ils savent. Ils pérorent. ils ont tout compris. Ils en sont au stade de l'acquis et ne peuvent le dépasser. Dans ce cas quelle communication?

286. Un sourire à muer en cité radieuse la banlieue la plus pourrie . P.J.DUFREiGNE, L'Express, 14/11/02, p. 69.

287. Matthieu: un Messie non juif est judaïsé grâce à un recours forcé à l'Ecriture.

288. Il n'y a rien de changé (Caïn continue de tuer Abel), sinon dans la façon de gérer la réalité.

289. Qui se vantera d'être simple? C'est cette soif de partage, de vérité tranchée, de morale absolue, qui me choque, dans un monde qui, par ailleurs, est prêt à pas pas mal de compromis.
E. Benbassar - J.-C. Attias, Les Juifs ont-ils un avenr? Paris, 2001, p. 241.

290. Quoi qu'on puisse penser de son contenu dogmatique, le christiianisme apporte au monde un principe de vie qui est l'amour désintéressé. Comme tel il est ferment de bonheur et de paix. Plus d'un non-croyant est capable de l'admettre. Voir Comte-Sponville.

291. La lutte de Jacob au gué du Yabboq. De cette rencontre on ne sort pas sans une blessure durable. Voir, par exemple, Thérêse Martin. Mais pourquoi tant de souffrance?

292. Merci pour votre aimable visite.
- Aimable... aimée?
- Aimée. Mais à quoi bon?
- Bonsoir.
- Bonsoir.

293. Je ne suis pas loin de penser que c'est précisément le retour aux origines qui risque de faire perdre au judaisme son identité même. L'identité du judaïsme n'est pas dans son orgine - mythifiée - mais dans son histoire.
E. Benbassa - J.-C. Attias, Les Juifs ont-ils un avenir? Paris, Lattês, 2001, p. 189.

294. Voici la nuit
La longue nuit oùl'on chemine
Et rien n'existe hormis ce lieu
Hormis ce lieu d'espoirs en ruines...
D. Rimaud, Office des lectures; IVe semaine, dimanche.

295. Contenu et orientation  souvent apophatiques de l "hymnologie française du livre d'heures. " Dieu que nous ne pouvons que nommer l'Inconnaissable ". Ce Dieu, pourtant, se manifeste, se révêle et parle beaucoup dans l'Ecriture! L'apophatisme comme solution refuge? Mais qui parle?

296. Deux pistes de recherche: 1) le rôle (positif?) du mythe dans les religions (les livres fondateurs du christianisme en sont remplis) , 2) le même rôle de l'utopie (les prophéties non réalisées, l'annonce du Royaume de Dieu, l'attente de la parousie, de la " venue glo  rieuse " dont nous parle la liturgie de l'Avent). Pour rmener cette recherche avec intérêt et quelques résultats, une condition fondamentale; admettre que dans l'expression religieuse il y a du mythe et il y a de l'utopie.

297. Vide. Toute illusion dorée s'efface dans le domaine religieux. Aucune communication chez les semblables. Tendresse interdite et/ou impossible. Comme pour le mal de dos, apprendre à vivre avec.

298. " Dans la Bhagavad-Gîta se trouve ce passage oùKrishna dit à Arjuna: ÔCombats comme si le combat servait à quelque chose; travaille comme si le travail servait à quelque chose'. Et vous connaissez, plus prês de nous, la devise de Guillaume d'Orange: ÔIl n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre'? "
Marguerite Yourcenar, Les y  eux ouverts, p. 260
Question: un " comme si " conscient et lucide (ce n'est pas toujours le cas) suffit-il a déclencher, à maintenir l'effort ?

299. Illusion de beaucoup de jeunes gens qui croient trouver dans le communauté monastique un réconfort et une sécurité pour la vie. La déception ne tardera pas. La communauté religieuse est une auberge espagnole: on n'y consomme que ce qu'on y apporte.

300. Foi, autre version: " J'ai ... découvert que la foi n'étouffe pas la raison, ne réduit pas le courage de la pensée. Au contraire elle creuse en moi l'exigence critique et devient féconde en ce qu'elle m'amêne à poser les questions les plus radicales qui soient. "
M. Bellet, Actuaité des religions, n° 45, janvier 1003, p. 58..

301. J'aime citer le chapitre VI ü du Nuage d'inconnaissance, dé à un anonyme anglais du XIVe siècle et reçu par la tradition de l'Eglise: " Le disciple dit au maître: ÔMais comment (Dieu) est-il? Comment Le nommer? Qui est-il? - ÔA cela', dit le maître, Ôje puis te répondre une seule chose: je n'en sais rien. Je ne sais pas qui Il est. Tout ce que je peux, c'est frapper avec le chétif aiguillon d'amour sur le nuage d'inconnaissance qui est entre moi et mon Dieu ".
M. Bellet, Actualité des religons, n° 45, janvier 2003, ). 59.

302. Un baiser chaste donné par un malade à une femme douce, bonne, candide et gaie, devant témoins. Goutte de bonheur dans l'existence. Est-il vrai que le Dieu de Jésus-Christ me l'eét reproché, m'eét condamné pour cela?

303. L'imposture n'est pas dans les dogmes; les rites, les légendes, qui peuvent être admirables et nourrissantes pour la psyché humaine, mais dans l'insolente assertion, trop souvent rencontrée dans ces trois groupes (catholicisme, Islam, judaA sme) qu'eux seuls sont pour ainsi dire en ligne dir ecte avec Dieu.
M.Yourcenar, Les Yeux ouverts, 1980, p. 282.

304. Quand l'horizon de la mort est presque l'unique perspective à contempler et que rien ne peut modifier le cours d'une existence déjà passée, est-il encore possible de vivre sans amertume et la plaie ouverte peut-elle se refermer?

305. Croire comme marche. Vers la sortie ou vers l'intérieur?

306; L'impiété consistant à ne plus chercher.

307. Nos collêgues écrivent brillamment dans une certaine presse pour rassurer les gens d'Eglise. Eussent-ils jamais l'idée de convaincre les gens d'Eglise qu'on ne peut plus continuer sur ce terrain et raconter les mêmes histoires., et qu'il va bien falloir un jour aborder les points criitiques et essayer de dire comment et dans quelles conditions une religion donnée, le christianisme en l'occurence, est pensable et croyable si l'on regarde les choses en face et telles qu'elles sont.

308. La vérité historique est devenue suspecte d'impiété, le mensonge organisé du pouvoir religieux s'est avéré un garant sé r et efficace de la piété des musulmans tenus ainsi à l'écart et dans l'ignorance des vrais débats théologiques et historiques.
Mondher Sfar, Le Coran est-il authentique? p.

309. Lettre (imaginaire) à C.: Chêre C, vous êtes une femme courageuse. Mieux vaut souffrir un peu que de s'engager sur un chemin qui ne mêne nulle part. Le reste ne s'écrit pas.

310 Rescuing Jesus from the Christians, by Clayton Sullivan: Those clergy who try to reconcile their religious faith with the findings of science and history... resemble "pigs dancing on ice ".
Rec. by C. Bernas, RSR 28, 2002, p. 369

311. Quand s'abat sur vous le poids d'une frustration de la durée d'une vie, la prudence est nécessaire pour ne pas faire le malheur de celle qu'on pourrait aimer en d'autres circonstances.

312. Tout ce qu'on peut en dire est de ne pas en parler. Le reste est cliché et bavardage.

313. Next age, succédant au New age, avec abandon de l'utopie et le repli sur soi. " La société peut bien aller à sa destruction; l'individu qui a accês à certaines techniques, entrera de toute façon dans son âge d'or éminemment personnel et privé. "
J.-N. Verlinde, Le Nouvel âge, quarante ans après, Esprit et Vie, janvier 2003, p; 18.

314. Le Libera chanté devant le cercueil dans l'ancienne liturgie des morts est un déferlement de colêre et de châtiment.: dies illa, dies irae... c'est le feu d'artifice pénal du Christ en pleine action, venant juger le monde, saeculum per ignem. Qui aujourd'hui oserait traduire notre vieux Libera et chanter sa traduction devant l'assistance de obsêques?

315. New Age: " Face à une telle série d'affirmations - non argumentées mais proférées comme des Ôrévélations' incontestables - il est particuliêrement difficile de réagir... Il n'est d'ailleurs pas impossible que le Nouvel åge utlise intentionellement ce procédé, pour décourager toute tentative de contre-argumentation rationnelle et garde son statut de nébuleuse insaisissable "
J.-N. Verlinde (voir plus haut), p. 11.
" Intentionnellement ", j'en doute, tant les hommes se plaisent dans l'irrationnel qui leur permet d'échapper à leur saturation quotidienne de rationnel.

316. Une leçon de Françoise Giroud: Ne jamais se plaindre.

317. Envoyé le texte d'un sermon à celle qu'en d'autres circonstances, j'aurais pu aimer. Comment analyser pareille démarche? A tout prendre, elle n'est pas franche.

318. "Lustiger (dans La Promesse) fait un effort presque pathétique pour rester fidêle aux deux paroles, juive et chrétienne, en même temps " (Claude Vigée, dans Témoignage chrétien,30/01/2003). En fait Lustiger n'a rien inventé: d'autres Juifs " convertis " ont dit les mêmes choses avant lui: par exemple, Paul; l'auteur de l'épître aux Hêbreux et celui de l'évangile de Matthieu.

319. Marcion a vu juste. Son seul défaut est d'avoir inventé, pour soutenir sa théorie, une autre théorie qui ne tient pas debout.

320. Quelle déplorable manie dans le christianisme d'inscrire au compte de la Rédemption tout le malheur du monde, shoah comprise! Edith Stein a été exterminée parce qu'elle était juive, non comme chrétienne.

321. Bien peu se préoccupent de savoir dans quelle mesure la polémique anti-juive de nos écrits fondateurs chrétiens a attisé l'anti-sémitisme à travers le monde et spécialement en Occident.

322. Nos clercs récitent et chantent les " prodiges " de l'Exode. Une légende vindicative au sujet de laquelle on ne se demande pas: " Combien de morts? "

323. Certains disent: Un tel n'a pas la foi. Comme si la foi devait être la même expérience pour tous. Certains doivent mener le combat nocturne de Jacob au gué du Yabboq (Gn 32,25-33). On en sort blessé et boiteux. Mais peut-on dire qu'on en sort sans foi? Il serait imprudent de l'affirmer.

324. Qui nous délivrera de la peur d'être ce qu'on est et de le manifester?



Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

dernière mise à jour le

17 Août 2003