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Philippe Brenot est directeur
d’enseignement en sexologie à l’université Victor-Segalen, Bordeaux
II. Il a publié : La Relaxation (Coll. Que sais-je, éd. Puf)
et Relaxation et sexualité (éd. Odile Jacob) avec Suzanne Kepes.
ALTERNATIVE SANTÉ - L’Impatient : Dans quelle mesure la relaxation, facilite-t-elle
le retour du refoulé et la verbalisation ?
Philippe Brenot : Le corps
n’est pas seulement un assemblage d’organes, il est une construction
charnelle et symbolique, qui naît par le toucher de la mère. C’est
à travers la qualité de ce toucher que le cerveau du nouveau-né
va élaborer son schéma corporel. Par exemple, la façon de tenir
le tout-petit façonne sa personnalité, car le corps conserve ce
vécu antérieur. Les souvenirs se stockent en mémoire, parce qu’ils
sont liés à des émotions. En relaxation, la position d’immobilité,
les yeux fermés, le calme, la focalisation sensorielle sur le
corps vont favoriser le retour du refoulé . " Tiens, ce bras me
fait mal. C’est celui avec lequel je me protégeais quand mon père
essayait de me frapper ", lâche une personne qui
travaille en relaxation. La relaxation est ainsi un activateur
de la psychothérapie.
La relaxation
est-elle mieux armée que la psychanalyse?
Je n’oppose
pas relaxation et psychanalyse. Une part de relaxation entre dans
la cure psychanalytique. De même, la psychothérapie donne sa dimension
vraie à la relaxation. La psychanalyse est une forme de relaxation,
puisqu’elle vise notamment à la résolution des tensions. En tant
que thérapie, selon les symptômes, elle n’est cependant pas toujours
indiquée, ou elle mériterait d’être complétée. Certaines personnes,
qui suivent une psychanalyse, peuvent avoir vu leurs symptômes
disparaître, mais des tensions demeurer parce qu’elles n’arrivent
pas à se détendre. La relaxation, quant à elle, ne comporte pas
seulement des indications somatiques, mais se situe au carrefour
du physique et du psychique ainsi que des thérapies qui tentent
d’apporter des solutions.
En quoi la relaxation est-elle un état anti-émotion par
excellence ?
Les différentes
relaxations, traditionnelles (yoga…), thérapeutiques (training
autogène…) ou psychanalytiques ne font que retrouver un état physiologique,
c’est en cela qu’elles se ressemblent. Tous les êtres humains
ressentent les mêmes sensations corporelles lorsqu’ils se relâchent.
Les manifestations physiologiques de la relaxation sont opposées
à l’état de stress, d’émotion. L’hypométabolisme, ou diminution
des besoins en oxygène de l’organisme, est observé dans toutes
les relaxations. Cet état est l’antithèse du stress. Les états
de stress augmentent la sécrétion du cortisol et de l’adrénaline,
ainsi que les rythmes cardiaques et respiratoires, vasoconstrictent
les extrémités (qui sont froides et picotent) et vasodilatent
le visage (qui ressent des bouffées de chaleur). Au contraire,
au cours de la relaxation, les muscles se relâchent, les extrémités
sont chaudes, le front est frais.
Quelles sont, en sexologie, les indications les plus courantes
de la relaxation ?
Dans ma pratique
de thérapeute, je l’utilise face aux tensions physiologiques ou
pour déconditionner certains événements – tel un rapport sexuel
–, vécus avec un trop-plein d’émotion. La personne ne va pas changer
de personnalité, mais elle vivra mieux sa sexualité avec ce qui
la constitue. Pour l’homme, la relaxation peut permettre un meilleur
contrôle émotionnel, par exemple, lors de difficultés érectiles
par excès de tension, ou dans certaines éjaculations prématurées.
En ce qui concerne les troubles sexuels, tels que l’impuissance,
une approche de couple est d’abord indiquée. Lors des tensions
nerveuses ainsi que dans les névroses constituées, la disponibilité
et la détente ne sont pas toujours au rendez-vous, alors que la
sexualité nécessite concentration et détente. Pour les femmes,
pratiquer la relaxation va favoriser leur disponibilité, l’abandon
– ou le lâcher-prise –, la recherche de sensations internes et
intimes. Une bonne indication en est le vaginisme (contraction
spasmodique douloureuse des muscles constricteurs du vagin, Ndlr).
Enfin, autonomie psychique et autonomie corporelle sont intimement
liées. Elles se nourrissent l’une l’autre et contribuent à l’épanouissement
personnel. La relaxation développe l’autonomie en favorisant la
prise de conscience du corps et le vécu de l’espace intérieur,
cette sensation personnelle d’exister intérieurement. Ces deux
facteurs constituent très certainement un chemin vers l’épanouissement
affectif et sexuel.
Propos recueillis par Karin Aujay impatient@medecines-douces.com

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